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28/02/2013 | FRANCE | N°12LY01880

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 28 février 2013, 12LY01880


Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2012, présentée pour M. A... D..., domicilié...;

M. D...demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1003395 du 7 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a limité à 2 000 euros l'indemnité qu'il a condamné l'Etat à lui payer en réparation du préjudice dont il a été victime à la suite de l'opération subie le 26 septembre 2006 à l'hôpital d'instruction des armées Desgenettes à Lyon ;

2°) de porter cette indemnité à 94 000 euros ;

3°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat ;r>
Il soutient que :

- le fait de différer de quatre jours la prise en charge d'un patient présentant d...

Vu la requête, enregistrée le 6 juillet 2012, présentée pour M. A... D..., domicilié...;

M. D...demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 1003395 du 7 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a limité à 2 000 euros l'indemnité qu'il a condamné l'Etat à lui payer en réparation du préjudice dont il a été victime à la suite de l'opération subie le 26 septembre 2006 à l'hôpital d'instruction des armées Desgenettes à Lyon ;

2°) de porter cette indemnité à 94 000 euros ;

3°) de mettre les dépens à la charge de l'Etat ;

Il soutient que :

- le fait de différer de quatre jours la prise en charge d'un patient présentant des symptômes alarmants constitue une négligence fautive devant être prise en compte dans l'évaluation du préjudice, une aggravation de son état de santé et de ses souffrances physiques et morales en étant résultée ;

- il a présenté une éventration post opératoire du fait de la ré intervention ;

- il n'a pas été informé du risque de plaie de l'uretère, le centre hospitalier ne justifiant pas de l'impossibilité ou du refus du patient d'être informé ;

- il s'agissait d'une intervention qui n'était pas réalisée dans un contexte d'urgence vitale ;

- son état était consolidé au 1er octobre 2008 et son incapacité permanente partielle est de 10 %, une possible aggravation de son état n'étant pas exclue, notamment en ce qui concerne une récidive de son éventration ;

- les souffrances endurées, le préjudice esthétique et le préjudice sexuel peuvent être évalués à respectivement 3, 1 et 2 sur 7 ;

- devant désormais se livrer à la serrurerie classique, à l'exclusion du port de charges lourdes, il a subi un préjudice professionnel de 60 000 euros ;

- pour les préjudices extra patrimoniaux, notamment les préjudices esthétique, moral et sexuel, mais également son incapacité permanente partielle, ses souffrances et sa perte de chance, une somme de 34 000 euros lui est due ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 octobre 2012, présenté par le ministre de la défense et des anciens combattants, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- aucune aggravation de l'état de M. D...ne lui est imputable ;

- l'état de santé de M. D...nécessitait de manière vitale l'intervention qu'il a subie de telle sorte qu'aucune perte de chance ne saurait être retenue à... ;

- le préjudice patrimonial invoqué est sans lien direct avec la faute commise par l'hôpital ;

- le préjudice invoqué au titre de l'incapacité permanente partielle n'est pas en lien avec la complication dont l'intéressé a été victime ;

- il n'a pas subi de préjudice de perte de chance provoqué par l'intervention ;

- la somme de 2 000 euros allouée au titre des souffrances endurées n'est pas sous évaluée ;

- les préjudices esthétique et sexuel sont sans lien direct avec la complication ;

- le préjudice moral n'est pas justifié ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 novembre 2012, présenté pour M.D..., qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que si l'accident médical n'avait pas eu lieu, il n'aurait passé que 10 jours à l'hôpital ;

Vu la décision du 27 août 2012, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle au taux de 55 % à M.D... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 février 2013 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Mecheri, avocat de M.D... ;

1. Considérant que M.D..., né en 1958, a été opéré le 26 septembre 2006 à l'hôpital d'instruction des armées Desgenettes à Lyon, qui relève de l'Etat, pour l'ablation d'une tumeur cancéreuse de l'intestin ; que de retour à son domicile le 4 octobre, il a présenté dès le lendemain des douleurs abdominales accompagnées de fièvre justifiant sa réadmission le 6 octobre suivant à l'hôpital Desgenettes où a été diagnostiquée une plaie de l'uretère gauche à l'origine d'un épanchement liquidien dans la cavité abdominale (uropéritoine), traitée chirurgicalement le 13 octobre 2006 ; que saisi par M.D..., le juge des référés du Tribunal administratif de Lyon a ordonné une expertise, dont le rapport a été remis le 23 décembre 2009 ; que par un jugement du 7 mai 2012, le Tribunal a jugé que la responsabilité pour faute de l'Etat n'était engagée qu'à raison de l'uropéritoine survenu lors de la colectomie réalisée le 26 septembre 2006 et l'a condamné à verser à M. D...une indemnité de 2 000 euros en réparation des seules souffrances endurées, rejetant le surplus de ses conclusions indemnitaires ;

Sur le principe de la responsabilité :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) /Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. /Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, compte tenu de la gravité de sa pathologie, l'intervention à laquelle M. D...s'est soumis, qu'il ne pouvait pas raisonnablement refuser, était impérieusement requise ; que, dès lors, si le service hospitalier a manqué à son devoir d'information en ne lui indiquant pas l'existence d'un risque, même limité, de lésion de l'uretère, une telle circonstance ne l'a privé d'aucune chance d'échapper à la réalisation de ce risque ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) " ;

5. Considérant, d'abord, que M. D...se plaint de la faute qu'aurait commise l'hôpital à l'avoir invité à ne revenir en consultation que le 10 octobre 2006 alors qu'il l'avait averti dès le 5 octobre précédent de l'apparition de signes révélateurs d'une aggravation de son état de santé, il résulte cependant de l'instruction que son médecin traitant l'a adressé à l'hôpital Desgenettes dès le 6 octobre 2006 et que, d'après l'expert, la complication dont il souffrait a donc été prise en charge avec diligence ; qu'ainsi, même à la supposer établie, la faute reprochée au service hospitalier est demeurée sans incidence sur sa situation ;

6. Considérant, enfin, que si, lors de l'intervention du 26 septembre 2006, le service hospitalier a commis une faute qui a nécessité la reprise opératoire effectuée le 13 octobre suivant, il ne résulte pas de l'instruction que l'éventration dont M. D...a par la suite été victime, mentionnée pour la première fois dans un certificat médical du 20 août 2007, donc plusieurs mois après la reprise de son activité professionnelle, laquelle comportait le port de charges lourdes, aurait directement pour origine cette faute ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que ce dommage serait en lien avec la faute de l'hôpital ou la chirurgie réparatrice du 13 octobre 2006 ;

Sur l'indemnisation :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

7. Considérant que, ainsi qu'il a été vu au point 6, l'éventration ayant affecté M. D... est sans lien de causalité avéré ni avec la faute commise par l'hôpital au cours de l'opération du 26 septembre 2006, ni avec l'intervention du 13 octobre suivant ; que, dès lors, le préjudice professionnel auquel a pu l'exposer cette complication, correspondant pour lui à des restrictions à son activité de serrurerie, notamment l'impossibilité de porter des charges lourdes, ne saurait ouvrir droit à réparation ;

En ce qui concerne les préjudices personnels :

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, en particulier des conclusions de l'expert, que l'incapacité temporaire totale en rapport avec la complication post opératoire qu'a entraînée pour M. D...la faute imputée à l'hôpital est d'un mois, la date de consolidation de son état de santé devant être fixée au 1er octobre 2008 ; qu'en lien avec cette faute, l'intéressé a enduré des souffrances tant physiques que psychologiques, évaluées à 2 sur une échelle de 7 et un préjudice moral ; qu'en revanche, selon l'expert, l'incapacité permanente partielle, fixée au taux de 10 %, ainsi que les préjudices esthétique et sexuel dont souffre également l'intéressé, ne sont pas consécutifs à la faute commise par l'hôpital ; qu'ainsi, en fixant à 2 000 euros l'indemnité allouée à M.D..., le Tribunal ne s'est pas livré à une appréciation insuffisante de ses préjudices d'ordre personnel ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a limité à 2 000 euros l'indemnité accordée en réparation des conséquences dommageables de l'opération subie le 26 septembre 2006 à l'hôpital d'instruction des armées Desgenettes à Lyon ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., au ministre de la défense et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône. Il en sera adressé copie à M. B...C..., expert.

Délibéré après l'audience du 7 février 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 février 2013.

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N° 12LY01880


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY01880
Date de la décision : 28/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-01-04 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Existence d'une faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Exécution du traitement ou de l'opération.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SCP VUILLAUME-COLAS et MECHERI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-02-28;12ly01880 ?
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