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31/01/2013 | FRANCE | N°12LY00023

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 31 janvier 2013, 12LY00023


Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2012, présentée pour M. A...B..., domicilié...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001506 du 1er décembre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 26 avril 2010 du ministre du travail, de la solidarité de la fonction publique en tant que cette décision, d'une part, annule la décision du 1er octobre 2009 de l'inspecteur du travail ayant refusé à la société Henkel Technologies France l'autorisation de le licencier et, d'aut

re part, qu'elle autorise ladite société à le licencier ;

2°) d'annuler pour ...

Vu la requête, enregistrée le 6 janvier 2012, présentée pour M. A...B..., domicilié...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001506 du 1er décembre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 26 avril 2010 du ministre du travail, de la solidarité de la fonction publique en tant que cette décision, d'une part, annule la décision du 1er octobre 2009 de l'inspecteur du travail ayant refusé à la société Henkel Technologies France l'autorisation de le licencier et, d'autre part, qu'elle autorise ladite société à le licencier ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société Henkel Technologies France la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que la société Henkel Technologies France n'a pas informé l'inspecteur du travail de son mandat de délégué syndical d'établissement ;

- que son licenciement ne repose pas sur un motif économique dès lors que la société Henkel Technologies France ne justifie pas de la nécessité de sauvegarder la compétitivité au niveau du secteur d'activité " adhesive technologies " du groupe Henkel auquel elle appartient ; que lorsque la société Henkel Technologies France a décidé de fermer le site de Cosne-sur-Loire le secteur d'activité " adhesive technologies " était en croissance et obtenait de bons résultats ;

- que la société Henkel Technologies France n'a pas satisfait à son obligation de reclassement dès lors que les deux postes qui lui ont été proposés ne correspondaient pas à des propositions sérieuses et loyales ;

- que la société Henkel Technologies France n'a pas respecté l'ordre des licenciements ;

- qu'il existe un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les mandats qu'il détient dès lors qu'il est le seul salarié protégé titulaire pour lequel la société Henkel Technologies France a formé un recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail refusant d'accorder l'autorisation sollicitée ;

- que, comme l'a expressément relevé l'inspecteur du travail, compte tenu du rôle actif dont il a fait preuve dans l'exercice de ses mandats, il existe un motif d'intérêt général faisant obstacle à son licenciement ; que la société Henkel Technologies France ne démontre pas en quoi son maintien en activité serait de nature à porter atteinte à ses intérêts ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 juin 2012, présenté pour la société Henkel Technologies France, dont le siège social est 161 rue de Silly à Boulogne-Billancourt (91200) qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. B...en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que l'administration a tenu compte du mandat de délégué syndical d'établissement de M. B...dès lors que la décision du ministre vise expressément ce mandat ;

- que le motif économique du licenciement de M. B...ne peut être sérieusement contesté car la fermeture du site de Cosne-sur-Loire répond à la nécessité de sauvegarder la compétitivité de la branche d'activité " adhesive technologies " dont le chiffre d'affaires a connu une forte baisse liée en particulier à la baisse de la production automobile, notamment en France ;

- qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement en lui faisant deux propositions de postes qui comportaient les indications lui permettant, notamment en ce qui concerne le niveau de rémunération, de prendre position en toute connaissance de cause ;

- qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de contrôler le respect de l'ordre des licenciements ;

- que M. B...n'apporte aucun élément de nature à établir que la demande d'autorisation de licenciement dont il a fait l'objet était en rapport avec les mandats qu'il détient ;

- que c'est à tort que l'inspecteur du travail a cru pouvoir invoquer l'intérêt général pour refuser d'accorder l'autorisation de licencier M. B...au motif que celui-ci se montrait très actif dans l'exercice de son mandat ; que ce motif ne justifiait pas un refus d'autorisation fondé sur l'intérêt général dès lors que le syndicat auquel appartenait M. B...était très bien représenté au niveau de l'entreprise et que les autres représentants de ce syndicat remplissaient parfaitement leur rôle ; que le motif d'intérêt général invoqué par l'inspecteur du travail porte une atteinte excessive à ses intérêts car le site de Cosne-sur-Loire comportait déjà une surreprésentation de salariés protégés ;

Vu le courrier en date du 8 juin 2012 par lequel, en application de l'article R. 612-13 du code de justice administrative, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a été mis en demeure de présenter ses observations ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 juillet 2012, présenté pour M. B...qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 6 août 2012 prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, fixant au 31 août 2012 la date de clôture de l'instruction ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 août 2012, présenté pour la société Henkel Technologies France, qui conclut aux mêmes fins que précédemment et par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 31 août 2012, présenté pour M. B...qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2013 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Koskas, avocat de M. B...et de Me Child, avocat de la société Henkel Technologies France ;

1. Considérant que par décision du 1er octobre 2009, l'inspecteur du travail a refusé à la société Henkel Technologies France l'autorisation de licencier pour motif économique M. B... titulaire des mandats de membre du comité d'établissement de Cosne-sur-Loire, membre du comité central d'entreprise, représentant syndical au comité d'établissement et au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), délégué syndical de l'établissement de Cosne-sur-Loire, délégué syndical central et délégué du personnel ; que, sur recours hiérarchique, le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique, par décision en date du 26 avril 2010, a annulé la décision du 1er octobre 2009 de l'inspecteur du travail ayant accordé l'autorisation sollicitée ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de M. B...tendant à l'annulation de la décision du ministre ;

2. Considérant que lorsque le licenciement d'un salarié protégé est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions qu'il exerce normalement, ni avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif à caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte, notamment, des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise, y compris lorsque l'entreprise fait l'objet d'une procédure de redressement ou en cas de liquidation judiciaire, au regard des perspectives de reprise ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

3. Considérant, en premier lieu, que M. B...soutient que la société Henkel Technologies France n'a pas mentionné, dans la demande d'autorisation de licenciement dont elle a saisi l'inspecteur du travail, son mandat de délégué syndical d'établissement ; que, toutefois, la décision en litige mentionne expressément ce mandat ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la société Henkel Technologies France, filiale de la société Henkel France qui fait partie du groupe Henkel, a décidé de fermer l'établissement de Cosne-sur-Loire dédié à la fabrication de produits adhésifs, d'étanchéité et de traitement de surface pour l'industrie automobile et les équipementiers de ce secteur d'activité ; que cette mesure de réorganisation a été décidée en raison de la crise affectant le secteur de la construction automobile depuis 2007 qui s'est traduite, pour l'établissement de Cosne-sur-Loire, par une forte diminution des commandes émanant des constructeurs automobiles, notamment des constructeurs français, et entraînant une importante sous-utilisation de ses capacités de production et, corrélativement, une très forte augmentation de ses coûts de production ; que, dans ce contexte, contrairement à ce que soutient M.B..., la fermeture de l'établissement de Cosne-sur-Loire était nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de la société Henkel Technologies France ainsi qu'à celle du groupe Henkel, confronté aux mêmes problèmes de sous-utilisation des capacités de production des autres établissements relevant du même secteur d'activité ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que son licenciement, consécutif à la fermeture de l'établissement de Cosne-sur-Loire, ne reposerait pas sur un motif économique ;

5. Considérant, en troisième lieu, que M.B... soutient que la société Henkel Technologies France n'a pas satisfait à son obligation de reclassement ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier qu'il s'est vu proposer successivement par son employeur un poste de conducteur de machine niveau 2 et un poste d'opérateur de fabrication ; que les fiches relatives à ces deux postes de travail, dont il ne conteste pas qu'ils correspondent à des emplois équivalents à celui qu'il occupait jusqu'alors, mentionnent le lieu d'activité, la nature des fonctions exercées ainsi que des éléments relatifs au montant de la rémunération ainsi qu'à la reprise d'ancienneté ; que, dans ces conditions M. B...n'est pas fondé à soutenir que les propositions qui lui ont été adressées par son employeur n'étaient pas sérieuses et loyales ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la société Henkel Technologies France n'a pas satisfait à son obligation de reclassement ne peut qu'être écarté ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du code du travail régissant la fixation des critères relatifs à l'ordre des licenciements ;

7. Considérant, en cinquième lieu, qu'ainsi qu'il a été exposé au point 4 ci-dessus, la demande d'autorisation de licenciement de M. B...a été présentée par son employeur en conséquence de la fermeture pour motif économique de l'établissement de Cosne-sur-Loire ; que, dans ces conditions, en se bornant à faire valoir qu'il est le seul salarié protégé titulaire pour lequel la société Henkel Technologies France a formé un recours hiérarchique contre la décision de l'inspecteur du travail refusant d'accorder l'autorisation sollicitée pour motif économique, M. B... ne justifie pas de l'existence d'un lien entre les mandats qu'il détenait et la demande d'autorisation de licenciement dont il a fait l'objet ;

8. Considérant, enfin, que pour soutenir qu'il existe, comme l'avait relevé l'inspecteur du travail, un motif d'intérêt général faisant obstacle à son licenciement, M. B...fait état de son rôle actif dans l'exercice de ses mandats ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier qu'à la date à laquelle le ministre a autorisé le licenciement de l'intéressé celui-ci n'était pas le seul salarié protégé encore en fonction dans l'établissement de Cosne-sur-Loire et que le syndicat auquel il appartenait était représenté au niveau de la société Henkel Technologies France ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'il existe un motif d'intérêt général propre à faire obstacle à son licenciement ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ; que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Henkel Technologies France présentées au titre des mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Henkel Technologies France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Henkel Technologies France.

Délibéré après l'audience du 10 janvier 2013 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. C...et M. Poitreau, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 31 janvier 2013.

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N° 12LY00023


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00023
Date de la décision : 31/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : KOSKAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2013-01-31;12ly00023 ?
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