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13/12/2012 | FRANCE | N°12LY00613

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 13 décembre 2012, 12LY00613


Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2012, présentée pour M. Abdelkader A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907766 du 3 janvier 2012 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a limité à 7 000 euros la somme que l'Etat a été condamné à lui verser en réparation des préjudices subis à la suite de l'oubli d'une compresse lors d'une intervention chirurgicale pratiquée le 13 juillet 2006 à l'hôpital d'instruction des armées Desgenettes à Lyon ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 65 000 eur

os ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article ...

Vu la requête, enregistrée le 5 mars 2012, présentée pour M. Abdelkader A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0907766 du 3 janvier 2012 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a limité à 7 000 euros la somme que l'Etat a été condamné à lui verser en réparation des préjudices subis à la suite de l'oubli d'une compresse lors d'une intervention chirurgicale pratiquée le 13 juillet 2006 à l'hôpital d'instruction des armées Desgenettes à Lyon ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une somme totale de 65 000 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont considéré les premiers juges, il a été victime d'un retard de diagnostic, car les signes cliniques liés à l'aggravation de son état de santé n'ont pas été pris en compte, comme s'il s'était agi de l'évolution normale de la maladie ;

- le Tribunal a sous-estimé sa situation, en ne prenant pas en compte le désarroi moral dans lequel il s'est trouvé, et l'angoisse de mort qu'il a éprouvée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 13 avril 2012, présenté pour M. A, qui maintient les conclusions de sa requête, par les mêmes moyens, et conclut, en outre, à l'organisation d'une mesure d'expertise complémentaire ;

Il soutient en outre que l'intervention qu'il a subie le 9 février 2010, pour une cure d'éventration abdominale, est en lien avec l'oubli de la compresse ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 octobre 2012, présenté par le ministre de la défense, qui conclut :

1°) à l'organisation d'une mesure d'expertise complémentaire limitée à l'étude de l'aggravation de l'état de santé de M. A ;

2°) au rejet du surplus des conclusions de la requête ;

Il soutient que :

- une expertise médicale complémentaire portant sur l'évaluation de l'ensemble des postes de préjudices n'est pas justifiée, une expertise étant seulement nécessaire pour évaluer l'aggravation des lésions d'éventration ayant conduit à une nouvelle intervention chirurgicale ;

- la responsabilité de l'Etat pour faute de diagnostic ne peut être retenue ;

- les préjudices subis par M. A ont été suffisamment indemnisés par les premiers juges ;

Vu la lettre, en date du 5 novembre 2012, par laquelle les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la Cour était susceptible de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions, présentées pour la première fois en appel par M. A, tendant à la réparation des préjudices résultant de l'intervention chirurgicale qu'il a subie au mois de février 2010, dès alors qu'il était en mesure de demander dès la première instance la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices résultant, le cas échéant, de cette intervention ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Duval, avocat de M. A ;

1. Considérant que M. A, alors âgé de 73 ans, a été hospitalisé, en juin 2006, à l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Desgenettes à Lyon et y a subi des examens qui ont permis de diagnostiquer, notamment, une tumeur cancéreuse sur la partie basse du côlon gauche, traitée, par colectomie, le 13 juillet suivant, à l'hôpital Desgenettes ; que dans les suites de cette intervention, M. A, qui a bénéficié de deux cures de chimiothérapie, a présenté un amaigrissement considérable, un affaiblissement et des troubles digestifs ; qu'il a été, de nouveau, hospitalisé, en urgence, le 28 septembre 2006, en raison de douleurs abdominales et de vomissements, dans ce même établissement, où a été posé le diagnostic d'une occlusion intestinale et dans lequel a été pratiquée, le 30 septembre, une entérotomie, qui a permis de retirer une compresse oubliée lors de l'intervention du 13 juillet, qui avait migré dans l'intestin et en avait provoqué l'obturation ; que M. A fait appel du jugement du 3 janvier 2012 du Tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a limité à 7 000 euros la somme que l'Etat a été condamné à lui verser en réparation des préjudices subis à la suite de l'oubli d'une compresse lors de l'intervention chirurgicale du 13 juillet 2006 ;

2. Considérant qu'il n'est pas contesté que l'oubli d'une compresse dans le corps de M. A lors de l'intervention chirurgicale pratiquée le 13 juillet 2006 à l'hôpital d'instruction des armées Desgenettes à Lyon constitue une faute de nature à entraîner la responsabilité de l'Etat, et que l'intéressé a subi, à raison de cette faute, un déficit fonctionnel temporaire et un déficit fonctionnel permanent, des troubles dans les conditions d'existence ainsi que des souffrances ; que, toutefois, M. A fait également valoir, pour la première fois en appel, qu'il a également subi, le 9 février 2010, une intervention chirurgicale, pour une cure d'éventration abdominale, dont il affirme qu'elle est en lien avec l'oubli de la compresse lors de l'intervention du 13 juillet 2006 et, par suite, avec l'intervention pratiquée le 30 septembre 2006 en conséquence de l'occlusion résultant de la présence de ladite compresse ; que l'état du dossier ne permet pas à la Cour, nonobstant les conclusions du rapport des experts désignés par le Tribunal administratif de Lyon faisant état d'une zone de petites éventrations multiples au niveau de la région péri ombilicale, favorisée par la nécessité de la réintervention, ainsi que d'un risque d'aggravation, au fil du temps, de son éventration pariétale, pouvant nécessiter une réintervention ultérieure, de se prononcer sur ce lien et sur l'incidence précise de la nouvelle intervention sur l'état de santé de M. A ; que l'état du dossier ne permet pas non plus à la Cour de se prononcer sur l'incidence de l'oubli d'une compresse lors de l'intervention du 13 juillet 2006 sur l'évolution de l'état de santé de l'intéressé entre cette intervention et celle du 30 septembre 2006 et sur la nécessité pour le service hospitalier de prescrire, compte tenu de cette évolution, des examens supplémentaires ; qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner une expertise aux fins, d'une part, de déterminer si l'évolution de l'état de santé de M. A avant l'intervention du 30 septembre 2006, caractérisée par des troubles à type d'inappétence et de vomissements, d'asthénie intense avec une importante perte de poids, trouve son origine, au moins pour partie, dans la présence de la compresse oubliée dans son corps et si cette évolution aurait dû conduire à la prescription d'examens complémentaires de nature à permettre de constater la présence de cette compresse avant l'occlusion intervenue en septembre 2006 et, d'autre part, si l'intervention chirurgicale subie par M. A le 9 février 2010 a été la conséquence de l'oubli d'une compresse lors de l'intervention du 13 juillet 2006 et de l'entérotomie pratiquée le 30 septembre 2006 pour retirer cette compresse, et de décrire les conséquences de cette nouvelle intervention sur l'état de santé du patient ;

DECIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur la requête de M. A, procédé à une expertise aux fins de :

1 - indiquer si l'évolution de l'état de santé de M. A, entre l'intervention du 13 juillet 2006 et celle pratiquée le 30 septembre 2006, caractérisée par des troubles à type d'inappétence et de vomissements, d'asthénie intense avec une importante perte de poids, a été causée, en tout ou partie, par la présence d'une compresse dans son corps et si cette évolution aurait dû conduire à la prescription d'examens complémentaires de nature à permettre de constater la présence de cette compresse avant l'occlusion survenue en septembre 2006 ;

2 - déterminer si l'intervention chirurgicale pratiquée le 9 février 2010, pour une cure d'éventration de M. A, a un rapport avec l'intervention pratiquée le 30 septembre 2006 à l'hôpital d'instruction des armées Desgenettes à Lyon en conséquence de l'occlusion résultant de l'oubli d'une compresse lors de l'opération de colectomie, pratiquée le 13 juillet 2006 dans ce même établissement et, par suite, avec l'oubli de cette compresse ;

3 - dire si l'état de M. A à la suite de l'intervention du 9 février 2010 a entraîné un déficit fonctionnel temporaire et en préciser les dates de début et de fin, ainsi que le taux ; dire si l'état de M. A est susceptible de modification en aggravation ou en amélioration ; dans l'affirmative, fournir toutes précisions utiles sur cette évolution, sur son degré de probabilité et dans le cas où un nouvel examen serait nécessaire, mentionner dans quel délai ;

4 - indiquer à quelle date l'état de M. A peut être considéré comme consolidé ; préciser s'il subsiste un déficit fonctionnel permanent et, dans l'affirmative, en fixer le taux, en distinguant la part imputable aux manquements constatés de celle ayant pour origine toute autre cause ou pathologie ;

5 - donner son avis sur l'existence éventuelle de préjudices annexes (souffrances endurées, préjudice esthétique et préjudice d'agrément spécifique) et le cas échéant, en évaluer l'importance, en distinguant la part imputable aux manquements éventuellement constatés de celle ayant pour origine toute autre cause ou pathologie, eu égard notamment aux antécédents médicaux de l'intéressé.

Article 2 : Pour l'accomplissement de sa mission, l'expert convoquera les parties, examinera M. Abdelkader A, se fera remettre l'ensemble de ses dossiers médicaux, le rapport de l'expertise prescrite par le tribunal administratif ainsi que tous les documents utiles à l'accomplissement de sa mission et pourra entendre tous sachants ou s'adjoindre le concours de tout sapiteur de son choix.

Article 3 : L'expert sera désigné par le président de la Cour. Après avoir prêté serment, l'expert accomplira la mission définie à l'article 1er ci-dessus dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la Cour. Il communiquera un pré-rapport aux parties, en vue d'éventuelles observations, avant l'établissement de son rapport définitif.

Article 4 : L'expert déposera son rapport en deux exemplaires au greffe de la Cour. Des copies seront notifiées par l'expert aux parties. Avec leur accord, ces notifications pourront s'opérer sous forme électronique.

Article 5 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. Abdelkader A, au ministre de la défense et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 décembre 2012.

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N° 12LY00613


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00613
Date de la décision : 13/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : CABINET DEVERS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-12-13;12ly00613 ?
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