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13/12/2012 | FRANCE | N°12LY00484

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 13 décembre 2012, 12LY00484


Vu la requête, enregistrée le 14 février 2012, présentée pour la société La Pizza, dont le siège est 4 place Charles de Gaulle à Evian-les-Bains (74500) ;

La société La Pizza demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804521 du 15 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Evian-les-Bains à lui verser la somme de 67 329 euros en réparation de son préjudice financier, avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2006, et la somme de 6 000 euros en réparation de son

préjudice moral ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la c...

Vu la requête, enregistrée le 14 février 2012, présentée pour la société La Pizza, dont le siège est 4 place Charles de Gaulle à Evian-les-Bains (74500) ;

La société La Pizza demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0804521 du 15 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Evian-les-Bains à lui verser la somme de 67 329 euros en réparation de son préjudice financier, avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2006, et la somme de 6 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Evian-les-Bains les frais d'expertise ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Evian-les-Bains une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal, elle a subi un préjudice à la fois spécial et anormal eu égard à la durée importante des travaux qui ont rendu soit inaccessible, soit extrêmement difficile l'accès à son établissement ;

- que l'existence d'une plus-value résultant de la création d'un parking ainsi que de l'aménagement de la place n'a pas été retenue par le tribunal administratif dans les autres litiges opposant d'autres commerçants à la commune d'Evian-les-Bains ;

- que les travaux n'ont pas eu pour effet d'apporter une plus-value directe et spéciale qui compenserait les préjudices qu'elle a subis ;

- que contrairement à ce qu'a estimé le Tribunal, l'augmentation de son chiffre d'affaires est la conséquence des travaux d'agrandissement de son établissement et n'est pas imputable à l'aménagement de la place Charles de Gaulle ; que c'est à tort que le tribunal administratif a pris en considération l'augmentation de son chiffre d'affaires des années 2008 et 2009 alors que, pour l'année 2008, elle a enregistré un déficit de 48 734 euros ;

- que le Tribunal ne pouvait pas prendre en considération l'existence d'une convention d'occupation du domaine public dès lors, d'une part, qu'avant la réalisation des travaux en cause, elle exploitait déjà une partie du domaine public et, d'autre part, que l'occupation du domaine public n'est pas réalisée à titre gratuit ;

- qu'il y a lieu de se reporter à l'évaluation de son préjudice effectuée par l'expert qui retient la somme de 67 329 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 juillet 2012, présenté pour la commune d'Evian-les-Bains qui conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à la réduction des prétentions indemnitaires de la requérante et à ce que soit mise à la charge de la société La Pizza la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que la société La Pizza ne justifie pas que le préjudice dont elle se prévaut revêt un caractère anormal dès lors qu'elle n'établit pas que l'accès à son établissement ait été à un quelconque moment rendu impossible en raison des travaux réalisés ;

- que la société La Pizza ne peut pas se prévaloir de la condamnation par le Tribunal administratif de Grenoble de la commune d'Evian-les-Bains dans les litiges l'opposant à d'autres commerçants installés place Charles de Gaulle ;

- que la société requérante ne démontre pas qu'il existe un lien de causalité entre la baisse de son chiffre d'affaires et les travaux d'aménagement de la place Charles de Gaulle ; que les documents bancaires qu'elle produit à cet égard montrent que de nombreux frais sont en lien avec les travaux d'agrandissement et de rénovation de son établissement à la suite de l'acquisition du bail commercial situé 8 rue du 8 mai 1945 ;

- que c'est à tort que l'expert a neutralisé 2,5 mois pour la détermination du préjudice financier subi par la requérante ; qu'en effet, l'architecte d'intérieur atteste que les travaux du restaurant ont duré en réalité plus de 3,5 mois (du 14 août au 4 décembre 2006) ;

- que c'est à bon droit que le Tribunal s'est référé à l'évolution du chiffre d'affaires qui est un bon indicateur de la fréquentation de l'établissement pour en déduire l'existence d'une plus-value au bénéfice de la société La Pizza ; que la société requérante n'apporte aucun élément permettant d'évaluer les effets de l'agrandissement de son établissement sur l'évolution de son chiffre d'affaires ; que les travaux d'aménagement de la place Charles de Gaulle confèrent à la convention d'occupation du domaine public passée par la société requérante avec la commune un avantage bien supérieur à celui procuré par la même convention antérieurement à la réalisation des travaux ;

- que la société La Pizza n'apporte aucun élément permettant de chiffrer le montant du préjudice qu'elle aurait subi ; que, sur ce point, le rapport de l'expert est peu clair ; qu'il est surprenant que l'expert n'ait pas pris en considération la plus-value dont bénéficie la société requérante eu égard aux travaux d'aménagement et d'embellissement de la place Charles de Gaulle ;

- que, contrairement à ce que soutient la société requérante, l'expert n'a pas évalué son préjudice commercial à la somme de 67 329 euros mais à 35 500 euros ;

- que le préjudice moral invoqué n'est aucunement justifié ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 novembre 2012, présenté pour la société La Pizza qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bayon, avocat de la société La Pizza et de Me Deygas, avocat de la commune d'Evian-les-Bains ;

1. Considérant que d'octobre 2004 à août 2007, la commune d'Evian-les-Bains a fait réaliser des travaux d'aménagement de la place Charles de Gaulle en vue de créer, notamment, un espace piétonnier et un parc de stationnement souterrain sur quatre niveaux ; que la société La Pizza, qui exploite un restaurant sur cette place, fait appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune à l'indemniser des conséquences dommageables qui sont résultées pour elle de ces travaux ;

2. Considérant que si l'accès au restaurant exploité par la société La Pizza place Charles de Gaulle à Evian-les-Bains est resté possible durant toute la durée des travaux réalisés par la commune sur cette place, il résulte de l'instruction que les conditions de fonctionnement de son commerce ont été rendues plus difficile, notamment au cours de l'année 2006, pendant laquelle son chiffre d'affaires a diminué de plus de 50 %, alors qu'il est resté stable au cours des trois années précédentes ; que cette évolution est toutefois due, notamment, à la fermeture de l'établissement durant plusieurs semaines au cours du second semestre de l'année 2006, la société La Pizza ayant réalisé des travaux d'agrandissement, après avoir acquis un fonds de commerce contigu ; que néanmoins, pour le seul premier semestre de l'année 2006, son chiffre d'affaires a diminué d'environ 34 000 euros, soit 27 %, par rapport aux deux années précédentes ; que si son chiffre d'affaires a doublé de 2003 à 2007, cette évolution ne saurait être attribuée à la seule amélioration de ses conditions d'exploitation résultant du nouvel aménagement piétonnier de la place Charles de Gaulle, mais procède également de l'agrandissement de l'établissement qu'elle exploite ; qu'ainsi, la société requérante justifie d'un préjudice anormal et spécial résultant directement des travaux publics effectués place Charles de Gaulle, à l'égard desquels elle a la qualité de tiers ; que, compte tenu d'un taux de marge de brut évalué à 65 % par l'expert désigné en référé, l'indemnité qui lui est due par la commune d'Evian-les-Bains doit être fixée à la somme de 20 000 euros ; que son préjudice moral n'est pas établi ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société La Pizza est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

4. Considérant que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine ;

5. Considérant que la saisine du juge des référés en vue de la désignation d'un expert ne peut être regardée comme une demande d'indemnité adressée par l'auteur de cette saisine aux parties qu'il appelle aux opérations d'expertise ; que, par suite, la société La Pizza n'est pas fondée à demander que l'indemnité de 20 000 euros qui lui est due porte intérêts à compter de la date d'enregistrement de sa demande par laquelle elle a sollicité en référé la désignation d'un expert devant le tribunal administratif ; qu'en revanche, elle a droit aux intérêts au taux légal de cette somme à compter du 2 octobre 2008, date d'enregistrement de sa demande au fond au greffe du tribunal administratif ;

6. Considérant qu'il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Evian-les-Bains les frais de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif, qui s'élèvent à la somme de 2 076,15 euros ; que la contribution pour l'aide juridique qu'elle a acquittée doit être laissée à sa charge ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune d'Evian-les-Bains le paiement à la société La Pizza d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société La Pizza, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la commune d'Evian-les-Bains à l'occasion du litige ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 15 décembre 2011 est annulé.

Article 2 : La commune d'Evian-les-Bains est condamnée à payer à la société La Pizza la somme de 20 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 2008.

Article 3 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 2 076,15 euros sont mis à la charge de la commune d'Evian-les-Bains.

Article 4 : La commune d'Evian-les-Bains versera la somme de 1 500 euros à la société La Pizza au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions de la commune d'Evian-les-Bains tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société La Pizza et à la commune d'Evian-les-Bains.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 décembre 2012.

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N° 12LY00484


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00484
Date de la décision : 13/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-04-01 Travaux publics. Différentes catégories de dommages. Dommages créés par l'exécution des travaux publics. Travaux publics de voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SELARL TRAVERSO-TREQUATTRINI ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-12-13;12ly00484 ?
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