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13/12/2012 | FRANCE | N°11LY02235

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 13 décembre 2012, 11LY02235


Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2011, présentée pour M. Christophe B, domicilié ... et par le syndicat CFDT des salariés de la construction et du bois du Rhône, dont le siège est Bourse du travail, place Guichard à Lyon cedex 03 (69422) ;

M. B et le syndicat CFDT des salariés de la construction et du bois du Rhône demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903705 du 28 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 17 avril 2009 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et d

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Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2011, présentée pour M. Christophe B, domicilié ... et par le syndicat CFDT des salariés de la construction et du bois du Rhône, dont le siège est Bourse du travail, place Guichard à Lyon cedex 03 (69422) ;

M. B et le syndicat CFDT des salariés de la construction et du bois du Rhône demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903705 du 28 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision du 17 avril 2009 du ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville en tant qu'elle a refusé d'autoriser la société Sacer Sud-Est à le licencier ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société Sacer Sud-Est devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la société Sacer Sud-Est la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que le Tribunal a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la demande d'autorisation de licenciement était liée au mandat qu'il détenait ;

- que l'existence de ce lien est établie dès lors que les autres salariés qui ont également participé aux faits qui lui sont reprochés n'ont fait l'objet que d'un simple avertissement ;

- qu'en lui proposant par lettre du 18 décembre 2008 un poste de travail relevant de la qualification d'ouvrier routier en se fondant sur les faits qu'il avait commis le 3 septembre 2008, son employeur a méconnu le principe selon lequel les mêmes faits ne peuvent donner lieu à plusieurs sanctions ;

- que c'est à tort que les premiers juges ont pris en considération des faits qui n'avaient pas été mentionnés dans la demande d'autorisation de licenciement du 10 octobre 2008 ;

- que l'état d'ébriété invoqué par son employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement n'est pas établi ; que lors des faits qui lui sont reprochés sa consommation d'alcool était restée modérée ; qu'une telle consommation d'alcool était tolérée par l'entreprise ;

- qu'il n'a jamais été sanctionné en dehors des faits en cause pendant ses 19 années de présence au sein de l'entreprise ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 juin 2012, présenté pour la société Sacer Sud-Est, qui conclut au rejet de la requête ;

Elle soutient :

- que, comme l'a jugé le tribunal administratif, les faits reprochés à M. B sont d'une gravité de nature à justifier son licenciement ;

- que M. B ne peut pas sérieusement soutenir que la consommation d'alcool aurait été tolérée au sein de l'entreprise alors que, d'une part, le règlement intérieur applicable depuis le 25 juin 2007 prévoit, dans son article 12, qu'il est interdit en particulier ou d'être en état d'ivresse sur les lieux de travail ou en cas de conduite d'un véhicule ou d'un engin et que, d'autre part, cette interdiction a été rappelée dans la lettre d'information du mois de juin 2008 diffusée au sein de l'entreprise ;

- qu'il résulte du constat de l'accident de la circulation causé le 3 septembre 2008 par M. B que celui-ci n'a pas hésité à donner de faux renseignements au conducteur du véhicule accidenté ;

- que M. B ne saurait invoquer un fait isolé et son ancienneté pour s'exonérer de ses fautes ;

- qu'en utilisant la pelle Mécalac pour pousser le mini chargeur Bob Cat, dans lequel se trouvait un de ses collègues de travail, M. B a fait courir à ce salarié un grave risque de blessures, voire de décès ;

- que M. B a également commis une faute d'une particulière gravité en refusant de céder le volant de la camionnette de service, malgré l'interdiction expresse de conduire qui lui avait été signifiée par sa hiérarchie ;

- que les affirmations de M. B quant à l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et ses mandats ne sont aucunement établies ;

- que M. B n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait fait l'objet d'une double sanction pour les mêmes faits en faisant état de ce que lui avait été proposé, le 18 décembre 2008, d'occuper les fonctions d'ouvrier routier ; que s'agissant d'une proposition, qui a été refusée par l'intéressé, elle ne saurait être assimilée à une sanction prenant la forme d'une modification unilatérale par l'employeur de son contrat de travail ;

- que contrairement à ce qu'affirme M. B, il a bien été porté à la connaissance de l'inspecteur du travail, dès sa saisine par lettre du 8 octobre 2008, qu'il avait transmis des éléments erronés au propriétaire du véhicule accidenté et de ce que le chef de chantier avait constaté que l'état dans lequel il se trouvait ne lui permettait pas d'exercer normalement ses fonctions ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 novembre 2012, présenté pour M. Christophe B et le syndicat CFDT des salariés de la construction et du bois du Rhône qui concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 novembre 2012, présenté pour la société Sacer Sud-Est qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 ;

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Bouzaida, avocat de M. B et du syndicat CFDT des salariés de la construction et du bois du Rhône et de Me Kubler, avocat de la société Sacer Sud-Est ;

1. Considérant que le 17 avril 2009, le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville a, d'une part, annulé, comme insuffisamment motivée, la décision de l'inspecteur du travail de la 11ème section du Rhône du 23 octobre 2008 refusant d'autoriser la société Sacer Sud-Est à licencier M. B, membre du comité d'établissement et délégué du personnel et a, d'autre part, refusé d'accorder cette autorisation ; que M. B et le syndicat CFDT des salariés de la construction et du bois du Rhône font appel du jugement par lequel, à la demande de la société Sacer Sud-Est, le Tribunal administratif de Lyon a annulé ce refus d'autorisation ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que pour annuler la décision en litige, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce que, les faits reprochés à M. B étant d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, le ministre chargé du travail avait commis une erreur d'appréciation en refusant de l'autoriser ; que ce refus ne reposait pas sur le motif tiré de l'existence d'un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et les mandats que détenait ce salarié et que l'administration n'a pas demandé que ce motif soit substitué à celui qu'elle avait retenu ; que, dès lors, en ne répondant pas au moyen invoqué par M. B, tiré de l'existence d'un tel lien, les premiers juges n'ont pas entaché d'irrégularité leur jugement ;

Sur la légalité de la décision en litige :

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le 3 septembre 2008, M. B, ayant absorbé une quantité excessive d'alcool pendant la pause méridienne, a, en début d'après-midi, à son retour sur le chantier sur lequel il travaillait, pris part à un " jeu " auquel se livraient deux de ses collègues de travail avec un mini-chargeur ; qu'il a utilisé la pelleteuse qu'il conduisait pour pousser le mini chargeur sur une vingtaine de mètres, alors que se trouvait à son bord le conducteur de cet engin ; que le chef de chantier a constaté dans l'après-midi que M. B, qui avait " du mal à s'exprimer et avait des gestes mal coordonnés ", éprouvait de grandes difficultés à réaliser les tâches qu'il effectuait habituellement ; qu'en fin d'après-midi, au moment de quitter le chantier, M. B a insisté pour conduire la camionnette de l'entreprise au lieu de laisser le volant au salarié qui l'accompagnait ; que, sur le trajet entre le chantier et le dépôt, à l'approche d'un rond-point, l'intéressé a freiné trop tardivement et a percuté le véhicule qui le précédait ;

5. Considérant que si M. B affirme avoir eu une consommation d'alcool modérée, cette affirmation est contredite par le compte rendu du 10 septembre 2008 qu'il a signé, ainsi que le chef de chantier et les autres salariés présents sur le chantier le 3 septembre 2008 ; que, de même, ses affirmations selon lesquelles la consommation d'alcool était tolérée par la société Sacer Sud-Est sont contredites par le règlement intérieur applicable dans l'entreprise depuis le 25 juin 2007, interdisant, en cas d'ivresse, l'accès sur les lieux de travail ainsi que la conduite d'un véhicule ou d'un engin, cette interdiction ayant été rappelée dans le numéro de juin 2008 d'une lettre interne d'information destinée au personnel ; que, contrairement à ce qu'a estimé le ministre chargé du travail, les faits reprochés à M. B, seuls invoqués à l'appui de la demande d'autorisation de licenciement présentée le 8 octobre 2008 par la société Sacer Sud-Est, revêtent, compte tenu notamment des conséquences qu'était susceptible de comporter l'imprudence caractérisée dont il a fait preuve, un caractère de gravité suffisante pour justifier le licenciement de ce salarié, malgré l'ancienneté dont il pouvait se prévaloir dans l'entreprise ;

6. Considérant, enfin, que la proposition d'un emploi d'ouvrier routier faite le 18 décembre 2008 à M. B, alors même qu'elle aurait été en lien avec les faits du 3 septembre 2008 qui lui sont reprochés, n'a pas revêtu le caractère d'une sanction ; que l'intéressé ne saurait, dès lors, faire valoir qu'il a fait l'objet de deux sanctions à raison des mêmes faits ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B et le syndicat CFDT des salariés de la construction et du bois du Rhône ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé la décision refusant à la société Sacer Sud-Est l'autorisation de le licencier ; que les conclusions de M. B tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B et du syndicat CFDT des salariés de la construction et du bois du Rhône est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Christophe B, au syndicat CFDT des salariés de la construction et du bois du Rhône, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Sacer Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 22 novembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 décembre 2012.

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N° 11LY02235


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY02235
Date de la décision : 13/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute. Existence d'une faute d'une gravité suffisante.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SELARL DELGADO et MEYER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-12-13;11ly02235 ?
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