La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/09/2012 | FRANCE | N°12LY00318

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 27 septembre 2012, 12LY00318


Vu le recours, enregistré le 19 janvier 2012, présenté par le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTE qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000443 du 1er décembre 2011 par lequel Tribunal administratif de Dijon a annulé sa décision en date du 3 décembre 2009 ainsi que le refus tacite opposé le 15 juin 2009 par l'inspecteur du travail de la Côte d'Or en tant qu'ils portaient rejet de la demande de l'Opéra de Dijon tendant au transfert du contrat de travail de Mme A à la " Camerata de Bourgogne " ;

2°) de rejeter la demande de l'Opéra de Dijo

n devant le Tribunal ;

Il soutient que :

- les personnes transférées par...

Vu le recours, enregistré le 19 janvier 2012, présenté par le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTE qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000443 du 1er décembre 2011 par lequel Tribunal administratif de Dijon a annulé sa décision en date du 3 décembre 2009 ainsi que le refus tacite opposé le 15 juin 2009 par l'inspecteur du travail de la Côte d'Or en tant qu'ils portaient rejet de la demande de l'Opéra de Dijon tendant au transfert du contrat de travail de Mme A à la " Camerata de Bourgogne " ;

2°) de rejeter la demande de l'Opéra de Dijon devant le Tribunal ;

Il soutient que :

- les personnes transférées participent à une même activité économique mais sans objectif propre ;

- dès lors que la fonction de l'orchestre est d'accompagner des oeuvres lyriques, les musiciens ne peuvent être considérés comme ayant une activité détachable du reste de l'opéra puisque l'oeuvre lyrique se caractérise par la rencontre du chant et de la musique ;

- les représentations données sont pour la plupart des oeuvres lyriques et sont jouées dans la fosse, la fonction de l'orchestre étant d'accompagner des chants ;

- il importe peu que les musiciens aient été qualifiés pour interpréter des oeuvres purement instrumentales ;

- le transfert n'était qu'un démembrement de la structure " Opéra de Dijon " ;

- il y avait un lien avec les mandats, les musiciens de l'orchestre constituant la partie du personnel de l'opéra avec la plus grande proportion de salariés protégés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le courrier en date du 16 mai 2012 par lequel, en application de l'article R. 612-13 du code de justice administrative, la régie de l'Opéra de Dijon et Mme A ont été mises en demeure de présenter leurs observations ;

Vu le mémoire enregistré le 9 mai 2012, présenté pour la régie du Grand Théâtre de Dijon, dont le siège est 11 boulevard de Verdun à Dijon (21000) qui conclut au rejet du recours et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le signataire de la décision ministérielle n'avait pas compétence pour la prendre ;

- les décisions ont été prises dans une matière étrangère aux attributions de l'administration ;

- les décisions sont insuffisamment motivées faute en particulier de toutes considérations relatives à la discrimination ;

- la procédure est entachée d'irrégularité, l'inspecteur ayant inutilement et abusivement prolongé l'enquête ;

- ni l'inspecteur ni le ministre n'ont procédé à un examen particulier de chaque dossier ;

- la neutralité de l'enquête est suspecte, jamais les propos reprochés à l'employeur n'ayant été tenus ;

- l'administration a indûment pris une position de principe en retenant la discrimination ;

- la décision de l'inspecteur du travail, qui ne consacre aucun " considérant " à la discrimination, est illégale ;

- le ministre ne caractérise aucune discrimination ;

- il revient au juge judiciaire d'apprécier si un transfert partiel d'activité entre ou non dans le champ d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ;

- en se prononçant sur les conditions d'application de l'article L. 1224-1, l'administration a outre passé sa compétence ;

- l'opéra et la Camerata collaborent depuis quelques années pour les projets symphoniques ;

- ces deux structures ont une vocation régionale, sont composées à plus de 80 % des mêmes musiciens, font des concerts symphoniques ;

- le projet envisagé a pour objectif de développer l'activité et le rayonnement de l'orchestre au sein de la Camerata qui a fait preuve de son savoir-faire ;

- les musiciens sont salariés dans un emploi de fonctionnaire et la quasi-totalité sont également salariés de la Camerata ;

- l'activité " orchestre " est dotée d'un personnel propre ayant une qualification particulière et bénéficiant d'un personnel dédié ;

- son organisation est propre, comportant un régisseur d'orchestre affecté exclusivement à cette activité ;

- elle bénéficie de moyens d'exploitation qui lui sont propres ;

- elle a une finalité propre et autonome ;

- l'activité de l'orchestre au sein des projets lyriques et symphoniques a été maintenue après le transfert ;

- il n'existe aucun moyen de prouver la discrimination, qui n'est pas caractérisée ;

- le projet de transfert n'a pu motiver les grèves puisqu'il leur était antérieur ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 septembre 2012, présenté par Mme A, domiciliée Résidence les Argonautes, 6 rue Georges Bernanos à Dijon (21000) ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2012 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Ruault, avocat de la régie de l'Opéra de Dijon ;

Considérant que la ville de Dijon souhaitant regrouper les orchestres de l'Opéra de Dijon et de l'association " Camerata de Bourgogne " en une structure musicale unique appelée à diffuser les musiques symphonique et lyrique, la régie de l'Opéra de Dijon a décidé de transférer les 45 musiciens de son orchestre à la " Camerata de Bourgogne " ; que saisi en application de l'article L. 2414-1 du code du travail, l'inspecteur du travail a implicitement refusé le 15 juin 2009 de faire droit à la demande d'autorisation préalable présentée par la régie de l'Opéra de Dijon de transférer le contrat de travail de Mme A, déléguée syndicale et, par un courrier du 17 juillet 2009, a explicité les motifs de son refus, indiquant que " l'orchestre de l'Opéra de Dijon a pour seule mission d'assurer les représentations d'oeuvres lyriques à l'Opéra, dans la fosse d'orchestre et que, dès lors, il n'exerce pas une activité économique qui poursuit un objectif propre ", justifiant un transfert du contrat de travail de l'intéressée en application de l'article L. 2414-1 du code du travail ; que sur recours hiérarchique de la régie de l'Opéra de Dijon, le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, par décision du 3 décembre 2009, a confirmé la décision de l'inspecteur, retenant que l'orchestre de l'Opéra de Dijon ne constituait pas une entité économique autonome et qu'il existait un lien entre l'exercice du mandat protecteur de la salariée concernée et la demande de transfert ; qu'à la demande de la régie de l'Opéra de Dijon le Tribunal administratif de Dijon, par un jugement du 1er décembre 2011, a annulé chacune de ces décisions, jugeant que l'opération en cause, qui portait transfert d'une entité économique autonome, était soumise aux règles de l'article L. 2414-1 du code du travail ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2414-1 du code du travail : " Le transfert d'un salarié compris dans un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement par application de l'article L. 1224-1 ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail lorsqu' il est investi de l'un des mandats suivants : 1° Délégué syndical et ancien délégué syndical ayant exercé ses fonctions pendant au moins un an ; 2° Délégué du personnel (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2421-9 du même code : " Lorsque l'inspecteur du travail est saisi d'une demande d'autorisation de transfert, en application de l'article L. 2414-1, à l'occasion d'un transfert partiel d'entreprise ou d'établissement, il s'assure que le salarié ne fait pas l'objet d'une mesure discriminatoire. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1224-1 de ce code: " Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l'entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise. " ; que ces dernières dispositions trouvent à s'appliquer en cas de transfert par un employeur à un autre employeur d'une entité économique autonome, conservant son identité, et dont l'activité est poursuivie et reprise par le nouvel employeur ; que constitue une entité économique un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels et incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit un objectif propre ;

Considérant que si le ministre ne conteste pas que l'orchestre de l'Opéra de Dijon devait être regardé comme " un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique ", il soutient qu'il ne poursuivait aucun " objectif propre " ; qu'il fait ainsi valoir que la seule fonction de cet orchestre, qui n'est pas détachable d'un ensemble incluant les chanteurs ou les choristes ainsi que les accessoiristes et la fabrication de décors, était principalement la représentation d'oeuvres lyriques ; que toutefois, à l'instar de tout orchestre, qui se définit comme un groupe d'instrumentistes consacrés à l'exécution de musique polyphonique, l'orchestre de l'Opéra de Dijon, même s'il contribuait dans la " fosse " de l'opéra à la représentation d'oeuvres lyriques, avait aussi vocation à interpréter de la musique symphonique, qu'il comptait d'ailleurs dans son répertoire ; que cet orchestre, qui n'est pas qu'un démembrement de l'activité lyrique de l'Opéra, mais poursuit un objectif propre, distinct de cette activité, constitue, par conséquent, au sens des dispositions précitées du code du travail, une entité économique autonome, qui a été transférée à la " Camerata de Bourgogne " ; que, par suite, ces dispositions du code du travail trouvaient à s'appliquer ;

Considérant, en outre, qu'à l'appui du motif tiré du caractère discriminatoire du transfert litigieux, le ministre soutient que les musiciens de l'orchestre constituaient la partie du personnel comprenant la plus forte proportion de représentants du personnel, que le transfert a été annoncé en janvier 2009, près d'un mois après le dépôt en décembre 2008 d'un préavis de grève portant sur la durée du travail et la rémunération des musiciens, que le directeur de l'Opéra aurait déclaré à l'inspecteur que " le transfert est la réponse du maire aux revendications de décembre 2008 " et que le directeur de la " Camerata de Bourgogne " s'était exprimé dans un article paru en avril 2009 dans la presse locale en critiquant la trop grande influence des délégués syndicaux au sein de l'Opéra, en avertissant qu'ils auraient moins de représentation et de pouvoir au sein de la " Camerata de Bourgogne " et en précisant que " le pouvoir à la Camerata c'est la musique " ; que pour regrettables que soient les propos prêtés aux directeurs de l'Opéra et de la " Camerata de Bourgogne ", il ne ressort pas des pièces du dossier que l'opération de transfert critiquée, qui porte sur 45 musiciens et dont le projet est antérieur à la grève de décembre 2008, aurait été inspirée par la volonté de mettre à l'écart certains de ses membres, au nombre de 9, exerçant des fonctions de représentation ; que, dès lors, l'existence d'un lien entre cette opération et le mandat exercé par l'intéressée n'est pas avérée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a annulé les décisions en litige portant refus d'autorisation de transfert du contrat de travail de Mme A ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la régie de l'Opéra de Dijon sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI ET DE LA SANTE est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la régie de l'Opéra de Dijon sur le fondement de l'article L. 761-1 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU TRAVAIL, DE L'EMPLOI, DE LA FORMATION PROFESSIONNELLE ET DU DIALOGUE SOCIAL, à Mme Sylvie A et à la régie de l'Opéra de Dijon.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 septembre 2012.

''

''

''

''

1

5

N° 12LY00318


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00318
Date de la décision : 27/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-075 Travail et emploi. Transferts.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : CABINET MOYERSOEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-09-27;12ly00318 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award