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12/07/2012 | FRANCE | N°12LY00092

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 12 juillet 2012, 12LY00092


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 18 janvier 2012 et régularisée le 19 janvier 2012, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105542, du 24 novembre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 23 juin 2011 par lesquelles il a refusé à M. François A la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé la destination de cette mesure de police, lui a enjoint de délivrer à

M. François A une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et fam...

Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 18 janvier 2012 et régularisée le 19 janvier 2012, présentée pour le PREFET DU RHONE ;

Le PREFET DU RHONE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105542, du 24 novembre 2011, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 23 juin 2011 par lesquelles il a refusé à M. François A la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé la destination de cette mesure de police, lui a enjoint de délivrer à M. François A une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement, et a mis à la charge de l'Etat la somme de huit cents euros, à verser au conseil de M. François A, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. François A devant le Tribunal administratif de Lyon ;

3°) de mettre à la charge de M. François A, au profit de l'Etat, la somme de mille euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la décision du 23 juin 2011 par laquelle il a refusé à M. François A la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été prise au vu d'un avis du médecin inspecteur de la santé publique du 24 janvier 2011, selon lequel l'état de santé du patient nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel il peut voyager sans risque ; qu'un programme national de santé mentale a été mis en oeuvre en République démocratique du Congo ; qu'il ne ressort pas des attestations produites par M. François Tshimbalanga Yombo que des médicaments génériques équivalents à ceux déclarés indisponibles dans les pharmacies de la République démocratique du Congo ne seraient pas disponibles ; que le Tribunal administratif de Lyon, en précisant dans sa décision qu'il ressort d'une attestation du laboratoire Lundbeck SAS du 8 septembre 2011 qu'il n'y a pas d'autorisation de mise sur le marché au Congo pour l'escitalopram, principe actif du Seroplex, ce qui fait obstacle à la commercialisation d'une version générique considérée comme équivalente à ce médicament, a porté une appréciation sur l'absence de commercialisation dudit médicament et a méconnu le principe d'égalité entre Etats ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 22 mai 2012, présenté pour M. François A, domicilié chez Mme Béatrice B, ...) qui conclut au rejet de la requête et demande la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 196 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que son traitement médical n'est pas disponible en République démocratique du Congo, pays où ne sont pas commercialisés les médicaments qui lui sont prescrits, où il ne pourrait trouver un emploi eu égard à la charge que cela représenterait pour son employeur en terme de coût de sa prise en charge médicale, où il a vécu les évènements à l'origine de ses troubles psychiatriques et vers lequel il ne peut pas voyager sans risque ; qu'il justifie ainsi de considérations humanitaires qui lui permettent de prétendre à la délivrance d'un titre de séjour pour raisons de santé et qu'en lui refusant un tel titre, le PREFET DU RHONE a commis une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il justifie d'une résidence habituelle en France de plus de dix ans et qu'en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans consulter au préalable la commission du titre de séjour, le PREFET DU RHONE a entaché sa décision d'un vice de procédure ; qu'enfin, eu égard à l'ancienneté de son séjour en France, où il a fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2012 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public,

- et les observations de Me Bescou, avocat de M. François A ;

Sur les conclusions à fins d'annulation du jugement :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. François A, ressortissant de la République démocratique du Congo né le 3 juillet 1967, est entré irrégulièrement en France le 26 janvier 2000, selon ses déclarations ; qu'il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 20 avril 2001 ; que M. François A a déposé auprès du PREFET DU RHONE une nouvelle demande de titre de séjour, le 21 janvier 2008, et a obtenu une carte de séjour temporaire en qualité d'étranger malade valable du 18 mars 2008 au 17 mars 2009 ; que, le 6 février 2009, il a sollicité le renouvellement du titre de séjour dont il était titulaire, qui lui a été refusé par le PREFET DU RHONE, par décision du 30 juillet 2009, assortie de deux décisions du même jour, l'une obligeant M. François A à quitter le territoire français dans le délai d'un mois, l'autre fixant le pays de destination ; que la légalité de ces décisions a été confirmée par la Cour administrative d'appel de Lyon par un arrêt du 2 novembre 2010 ; que M. François A a présenté une nouvelle demande de titre de séjour le 17 novembre 2010, complétée les 10 janvier et 9 mai 2011, sur le double fondement de l'article L. 313-14 et du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par décisions du 23 juin 2011, le PREFET DU RHONE lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a désigné la destination de cette mesure d'éloignement ; que le préfet fait appel du jugement du 24 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour violation des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sa décision du 23 juin 2011 refusant à M. François A la délivrance d'un titre de séjour et, par voie de conséquence, ses décisions du même jour faisant obligation à M. François A de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de destination ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) " ;

Considérant que le Tribunal administratif de Lyon précise dans le jugement en litige, d'une part, que M. François A souffre depuis 2002 de troubles anxio-dépressifs sévères, nécessitant une prise en charge psychiatrique et médicamenteuse dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que les médicaments Lysanxia, Seroplex, Effexor et Stilnox lui ont été prescrits et que le patient a produit, en premier lieu, une attestation émanant d'une agence, située à Kinshasa, de la société Distrimed, grossiste et importateur de produits pharmaceutiques, selon laquelle les spécialités pharmaceutiques dénommées Lysanxia et Seroplex, ne sont pas commercialisées sur le territoire congolais, en deuxième lieu, une autre attestation, émanant du directeur adjoint du groupe Ika, pratiquant le commerce général, la distribution et l'importation de produits pharmaceutiques, dont il ressort notamment que les spécialités Lysanxia et Seroplex sont introuvables dans les pharmacies du groupe en République démocratique du Congo et que leur importation est subordonnée à l'accord du ministre de la santé en cas de demande conséquente et, en troisième lieu, une autre attestation du laboratoire Lundbeck SAS, datée du 8 septembre 2011, qui indique qu'il n'y a pas d'autorisation de mise sur le marché au Congo pour l'escitalopram, principe actif du Seroplex, ce qui fait obstacle à la commercialisation d'une version générique considérée comme équivalente à ce médicament ; que ces éléments sont de nature à remettre en cause l'appréciation du médecin inspecteur de santé publique émise dans son avis du 24 janvier 2011 selon laquelle le patient peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; d'autre part, que le PREFET DU RHONE, en se bornant à produire l'avis médical précité, qui précise, à titre d'observations, que " des équivalents sont disponibles dans le pays d'origine " et " qu'il existe nombre de pharmacies privées dans ce pays " mais ne contient aucune indication sur le médicament ou principe actif considéré comme équivalent aux antidépresseur et anxiolytique prescrits à M. François A, et alors que la liste nationale des médicaments essentiels mise à jour en mars 2010 ne contient aucun produit classé comme tel, n'établit pas que le traitement nécessaire à la pathologie du patient est disponible dans son pays d'origine ;

Considérant que la Cour de céans a jugé, dans un arrêt du 2 novembre 2010, que les attestations précitées de la société Distrimed et du groupe Ika datées des 16 et 19 octobre 2009, produites par M. François A, ne permettent pas d'établir que des médicaments génériques équivalents à ceux dont l'indisponibilité est mentionnée dans les pharmacies de la République Démocratique du Congo ne seraient pas disponibles ; que, toutefois, le document précité émanant du laboratoire Lundbeck SAS, daté du 8 septembre 2011, ainsi que la liste nationale des médicaments essentiels du ministère de la santé publique de la République Démocratique du Congo, révisée en mars 2010, qui indique quels sont les médicaments vendus sous leur dénomination commune internationale, nom chimique de la substance, permettent d'établir que l'escitalopram, la substance active du Seroplex, n'était pas vendue en République démocratique du Congo à la date de la décision en litige et sont de nature à remettre en cause l'appréciation du médecin inspecteur de santé publique émise dans son avis du 24 janvier 2011 selon laquelle M. François A peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que le PREFET DU RHONE, qui se borne à soutenir, d'une part, que le tribunal, en s'appuyant notamment sur l'absence de commercialisation de l'escitalopram pour fonder sa décision, a méconnu le principe d'égalité entre Etats alors que ladite juridiction s'est simplement livrée à une appréciation des pièces du dossier, d'autre part, qu'un programme national de santé mentale a été mis en oeuvre en République démocratique du Congo, sans autre précision, n'établit pas que M. François A pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine à la date de la décision en litige, le 23 juin 2011 ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en refusant à M. François A la délivrance d'un titre de séjour, le PREFET DU RHÔNE a méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que , dès lors, le PREFET DU RHÔNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé, pour ce motif, la décision par laquelle il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. François A, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions lui faisant obligation à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays à destination duquel il serait reconduit, lui a enjoint de délivrer à M. François A une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification dudit jugement, et a mis à la charge de l'Etat la somme de huit cents euros, à verser au conseil de M. François A, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Sur les conclusions du PREFET DU RHONE tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. François A une somme quelconque au titre de cet article ;

Sur les conclusions de M. A tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros au profit de M. A, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du PREFET DU RHONE est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de mille euros à M. A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DU RHONE, à M. François A et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 5 juillet 2012 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Clot, président de chambre,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2012,

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N° 12LY00092


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY00092
Date de la décision : 12/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : BESCOU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-07-12;12ly00092 ?
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