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31/05/2012 | FRANCE | N°11LY01565

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 31 mai 2012, 11LY01565


Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2011, présentée pour M. et Mme A, domiciliés ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001224 du 12 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Cassaniouze à leur verser une somme de 60 000 euros en réparation des préjudices qu'ils subissent, depuis 2004, du fait de la construction et du fonctionnement, en face de leur propriété, d'une salle des fêtes et de son annexe en préfabriqué ;

2°) de prononcer

la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cassaniouze u...

Vu la requête, enregistrée le 10 juin 2011, présentée pour M. et Mme A, domiciliés ... ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001224 du 12 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Cassaniouze à leur verser une somme de 60 000 euros en réparation des préjudices qu'ils subissent, depuis 2004, du fait de la construction et du fonctionnement, en face de leur propriété, d'une salle des fêtes et de son annexe en préfabriqué ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cassaniouze une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- ils subissent un préjudice anormal et spécial d'ordre esthétique et sonore du fait de la présence de la halle démontable située juste en face de leur propriété ;

- la superficie de l'ouvrage, son habillage et sa situation limitent l'ensoleillement des propriétés voisines, accentuent la chaleur et préjudicient à l'esthétique ;

- l'ouvrage n'est pas insonorisé, en contradiction avec la règlementation sur l'isolation phonique des bâtiments recevant du public et la circulation de véhicules lors des manifestations génère des nuisances supplémentaires, aucune étude d'impact sur les nuisances n'ayant été réalisée ;

- il en résulte une perte de valeur vénale du bien ;

- le maire a commis une faute dans l'exercice de ses pouvoirs de police en ne veillant pas à limiter les bruits et nuisances générés par cet ouvrage contrairement aux demandes dont il a été saisi en ce sens par des administrés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 février 2012, présenté pour la commune de Cassaniouze qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le seul emplacement possible était derrière l'école ;

- le secteur est classé UB au plan d'urbanisme, zone d'extension du centre ancien située en continuité du noyau urbain et dans laquelle sont notamment admises les constructions à usage d'équipement collectif ou d'intérêt général ;

- la halle, située en contrebas de la maison des requérants, ne génère pas de préjudice esthétique ;

- au maximum 5 manifestations différentes sont organisées chaque année, peu d'entre elles étant bruyantes ;

- ils ne produisent aucun élément relatif à la valeur de leur bien ;

- l'usage de la halle est restreint ;

- aucune faute du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police n'est caractérisée ;

Vu le mémoire, enregistré le 15 mars 2012, présenté pour M. et Mme A qui concluent aux mêmes fins que la requête, par les même moyens ;

Ils soutiennent en outre que :

- leur maison est désormais dans un environnement disgracieux ;

- la présence d'un terrain de boules ou d'un garage ne génère aucune nuisance sonore ;

- la dévaluation de leur propriété est estimée entre 10 000 et 20 000 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 mars 2012, présenté pour la commune de Cassaniouze, qui persiste dans ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance du 17 février 2012, prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, qui fixe la date de clôture de l'instruction au 16 mars 2012 ;

Vu l'ordonnance du 16 mars 2012, prise sur le fondement des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative, qui reporte la date de clôture de l'instruction au 30 mars 2012 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mai 2012 :

- le rapport de M. Picard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Ramond, avocat de M. et Mme A ;

Considérant que M. et Mme A sont propriétaires, depuis 1996, d'une maison d'habitation dans le bourg de la commune de Cassaniouze (Cantal) ; que sur une parcelle située à une quinzaine de mètres de leur maison, de l'autre côté de la voie communale, la commune a fait édifier en 2004 une halle destinée à accueillir des manifestations festives ; que M. et Mme A ont recherché devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand la responsabilité de la commune de Cassaniouze afin d'obtenir réparation des préjudices subis du fait des nuisances et inconvénients résultant de l'implantation et du fonctionnement de cet équipement ; qu'ils font appel du jugement du 12 avril 2011 par lequel le Tribunal a rejeté leur demande ;

Sur la responsabilité sans faute :

Considérant que M. et Mme A se plaignent de la présence en face de leur maison de la halle, qui présente un caractère disgracieux, entraîne une réduction de l'ensoleillement et une perte de vue et, par voie de conséquence, une dévalorisation de leur bien ; qu'il résulte de l'instruction que les troubles permanents qu'entraîne pour les requérants la présence de cet ouvrage public qui, comme leur maison, est implanté dans une zone classée UB au plan d'urbanisme, définie comme une zone d'extension du centre ancien située en continuité du noyau urbain et dans laquelle sont notamment admises les constructions à usage d'équipement collectif ou d'intérêt général, ne sont pas supérieurs à ceux susceptibles d'affecter tout propriétaire d'un terrain situé dans un telle zone qui se trouve normalement exposé au risque d'édification d'un bâtiment public sur des parcelles voisines ; qu'il n'est pas établi que cet ouvrage n'a pas été réalisé conformément aux règles du plan d'urbanisme ; qu'ainsi, le dommage invoqué par les époux A au titre des troubles permanents n'est pas, en l'espèce, au nombre de ceux pouvant ouvrir droit à indemnisation ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, bien qu'implantée dans un environnement bâti, réalisée en préfabriqué et dénuée de toute isolation phonique, la construction communale reçoit chaque année depuis 2004 une dizaine de manifestations festives, dont la moitié environ constituée de soirées dansantes se terminant tardivement, particulièrement bruyantes pour le voisinage ; qu'elle est à l'origine pour les époux A de nuisances sonores particulièrement importantes, qui se reproduisent régulièrement depuis plusieurs années, générant ainsi pour ces derniers un préjudice grave et spécial excédant les inconvénients que doivent normalement supporter les administrés dans l'intérêt général ; qu'ils sont donc fondés à demander réparation de ce préjudice, dont il sera fait une juste appréciation en fixant son montant à 10 000 euros ;

Considérant en revanche que M. et Mme A n'ont ni envisagé, ni même manifesté l'intention de céder leur propriété ; que, dès lors, le préjudice qu'ils auraient subi du fait d'une perte de valeur vénale de celle-ci ne présente qu'un caractère purement éventuel et ne saurait, dès lors, ouvrir droit à indemnisation ;

Sur la responsabilité pour faute :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui troublent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique ; (...) " ; que les requérants soutiennent que le maire de Cassaniouze aurait commis une faute en n'intervenant pas, comme ils le lui avaient demandé, pour assurer l'insonorisation de la halle municipale et mettre fin au tapage nocturne dû à sa fréquentation ; que, cependant, l'insonorisation d'un bâtiment ne relève pas des pouvoirs de police du maire et qu'il n'est pas démontré que les manifestations festives auraient entraîné aux abords de la halle des nuisances telles qu'elles auraient rendu nécessaire l'édiction par le maire de mesures de police ; que, dès lors, la carence alléguée du maire dans l'exercice de ses pouvoirs de police n'est pas établie ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leur demande tendant à obtenir réparation par la commune de Cassaniouze du préjudice résultant pour eux des nuisances sonores générées par la halle communale ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Cassaniouze le paiement à M. et Mme A de la somme de 1 000 euros qu'ils demandent au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions présentées sur ce même fondement par la commune de Cassaniouze, partie perdante dans la présent instance, ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 12 avril 2011 est annulé.

Article 2 : La commune de Cassaniouze est condamnée à payer à M. et Mme A la somme de 10 000 euros.

Article 3 : La commune de Cassaniouze versera à M. et Mme A la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. et Mme A est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Cassaniouze tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A et à la commune de Cassaniouze.

Délibéré après l'audience du 3 mai 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mai 2012.

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N° 11LY01565 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01565
Date de la décision : 31/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-02-01 Travaux publics. Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. Notion de dommages de travaux publics.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SCP GALLO-RAMOND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-05-31;11ly01565 ?
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