La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/05/2012 | FRANCE | N°11LY01560

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 03 mai 2012, 11LY01560


Vu la requête, transmise par télécopie le 7 juin 2011, confirmée le 8 juin 2011, présentée pour M. Hervé A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704122 du 31 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Haute-Savoie du 29 juin 2007, qui s'est substituée à la décision du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la Haute-Savoie du 1er mars 2007, portant suppression à titre définitif de l'aide au r

etour à l'emploi à compter du 1er mai 2004 ;

2°) d'annuler cette décision ;

3...

Vu la requête, transmise par télécopie le 7 juin 2011, confirmée le 8 juin 2011, présentée pour M. Hervé A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0704122 du 31 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Haute-Savoie du 29 juin 2007, qui s'est substituée à la décision du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle de la Haute-Savoie du 1er mars 2007, portant suppression à titre définitif de l'aide au retour à l'emploi à compter du 1er mai 2004 ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le revenu de remplacement est un droit pour tout travailleur privé d'emploi ; que le Tribunal a inversé la charge de la preuve qui repose sur l'administration ; qu'il s'est toujours présenté aux convocations de l'ANPE ; que celle-ci ne lui a jamais présenté un employeur potentiel ; qu'il justifie avoir été contacté pour le poste de directeur général de Thales Suisse ; qu'une liste de 27 contacts sérieux a été produite ; qu'il n'a jamais été rémunéré au titre de son mandat social ; que le principe est celui du caractère non professionnel du mandat ; que sa qualité de président ne lui permettait pas d'engager la société à l'égard des tiers ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 février 2012, présenté pour le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, tendant au rejet de la requête ;

Il soutient que le changement d'activité de M. A n'a pas été porté à la connaissance de l'administration ; que l'absence de rémunération est sans incidence sur la légalité de la décision d'exclusion ; qu'il appartient au demandeur d'emploi d'établir qu'il a effectué des actes positifs de recherche d'emploi ;

Vu la lettre en date du 17 février 2012 par laquelle la Cour a informé les parties que la formation de jugement était susceptible de soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de l'application des dispositions nouvelles du code du travail plus douces que les dispositions anciennes ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 5 avril 2012, présenté pour M. A ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du 20 mars 2012 accordant à M. A l'aide juridictionnelle partielle ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la loi n° 2008-758 du 1er août 2008 ;

Vu le décret n° 2008-1056 du 13 octobre 2008 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 avril 2012 :

- le rapport de Mme Steck-Andrez, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Grosselin, avocat de M. A ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 351-28 du code du travail, en vigueur à la date de la décision d'exclusion litigieuse : " ... 3° En cas de déclaration inexacte ou mensongère du demandeur d'emploi, faite en vue de percevoir indûment le revenu de remplacement, le préfet supprime ce revenu de façon définitive... " et qu'aux termes de l'article R. 311-3-2 du même code : " Les changements de situation que les demandeurs d'emploi sont tenus de porter à la connaissance de l'Agence nationale pour l'emploi et qui, affectant leur situation, sont susceptibles d'avoir une incidence sur leur inscription ou leur classement comme demandeurs d'emploi sont les suivants : 1. L'exercice de toute activité professionnelle, même occasionnelle ou réduite et quelle que soit sa durée ... " ; que sur ce fondement, le préfet de la Haute-Savoie a, par une décision du 29 juin 2007, exclu à titre définitif M. A du bénéfice de l'aide au retour à l'emploi à compter du 1er mai 2004 au motif qu'il avait omis de déclarer son changement de situation, lequel était susceptible d'avoir une incidence sur son inscription comme demandeur d'emploi indemnisé ;

Considérant qu'une telle mesure d'exclusion, qui ne se borne pas à tirer les conséquences de ce que l'intéressé ne satisfait pas aux conditions légales auxquelles le revenu de remplacement est subordonné, revêt, en raison de ses motifs et des effets qui lui sont attachés, le caractère d'une sanction ; que le recours formé contre une telle sanction que l'administration inflige à un administré présente le caractère d'un recours de plein contentieux ; qu'il résulte toutefois des termes mêmes du jugement par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a statué sur le litige porté devant lui par M. A que le Tribunal s'est estimé saisi d'un recours pour excès de pouvoir, et qu'il a statué sur le bien-fondé de la sanction en se plaçant, non à la date de son jugement, mais à celle de la décision en litige ; qu'il appartient à la Cour de relever d'office l'erreur ainsi commise par le Tribunal sur l'étendue de ses pouvoirs ; que le jugement attaqué doit, en conséquence, être annulé et qu'il y a lieu, pour la Cour, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

Sur le bien-fondé de la sanction :

Considérant que les dispositions des articles L. 5412-1 et L. 5412-2 du code du travail en vigueur à la date de la présente décision, combinées avec celles de l'article R. 5426-3 du même code, définissent le contenu et la portée de l'obligation d'accomplir des actes positifs de recherche d'emploi incombant en principe aux personnes inscrites sur la liste des demandeurs d'emploi ainsi que les conséquences à en tirer en cas de déclaration inexacte du demandeur d'emploi, faite en vue de percevoir indûment le revenu de remplacement, en des termes analogues, notamment, aux dispositions de l'article R. 351-28 du code du travail dont le préfet de la Haute-Savoie a fait application ;

Considérant, toutefois, que la nature et la sévérité des sanctions administratives associées à la méconnaissance de cette obligation ont été modifiées postérieurement à la décision en litige en conséquence, notamment, de l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-758 du 1er août 2008 et du décret n° 2008-1056 du 13 octobre 2008 ; qu'en particulier, si les dispositions précitées de l'article R. 351-28 dont le préfet de la Haute-Savoie a fait application l'habilitaient, en cas de déclaration inexacte ou mensongère du demandeur d'emploi, faite en vue de percevoir indûment le revenu de remplacement, à prononcer son exclusion définitive du revenu de remplacement, il résulte des dispositions du 3° de l'article R. 5426-3 du code du travail désormais applicable que lorsque ce manquement est lié à une activité non déclarée d'une durée très brève, le revenu de remplacement est supprimé pour une durée de deux à six mois ; que, dans ces conditions, ces dispositions nouvelles doivent être regardées comme plus douces que les dispositions anciennes ; que, par suite, il y a lieu pour la Cour, statuant comme juge de plein contentieux sur la demande de M. A, d'appliquer ces dispositions au manquement qui lui est imputé ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après son licenciement pour motif économique, le 23 mars 2004, M. A s'est inscrit comme demandeur d'emploi et qu'il a bénéficié d'allocations chômage à compter du 1er mai 2004 ; qu'il a créé en association avec deux autres personnes, le 19 mai 2004, une société de droit suisse, HBE Consulting ; qu'il est constant qu'il n'a jamais fait état de son activité au sein de cette société alors qu'il détenait la signature à deux, ce qui laisse présumer qu'il accomplissait, avec ses associés, l'essentiel des actes de gestion ; que si M. A soutient que son mandat au sein de la société HBE Consulting était purement honorifique, il lui appartient de justifier qu'il continuait activement à effectuer des démarches de recherche d'un emploi, pour l'occupation duquel il restait immédiatement disponible ; qu'il ne justifie que d'une seule recherche d'emploi en avril 2004 ; que la seule production de la liste des entreprises avec lesquelles il était en contact et d'attestations mentionnant qu'il n'exerçait aucune activité au sein de la société HBE Consulting ne suffisent pas à établir que l'intéressé satisfaisait aux conditions de recherche active d'emploi et de disponibilité prescrites sous peine de suppression du revenu de remplacement ; que, dans ces conditions, la méconnaissance de l'obligation de déclarer son changement de situation qui incombait à M. A est de nature à justifier légalement le prononcé d'une sanction administrative à son encontre, sur le fondement de l'article R. 5426-3 du code du travail ;

Mais considérant que, pour l'application des dispositions de cet article R. 5426-3 du code du travail, le manquement reproché à M. A est lié à une activité non déclarée d'une durée très brève ; qu'il suit de là qu'il ne saurait, en application de ce même article, entraîner son exclusion définitive du bénéfice du revenu de remplacement ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de substituer à la décision litigieuse du préfet de la Haute-Savoie une mesure de suppression du revenu de remplacement pour une durée de cinq mois ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que M. A a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle ; qu'il y a lieu, en l'espèce, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, de mettre à la charge de l'Etat le paiement au conseil de M. A d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 31 mars 2011 est annulé.

Article 2 : Une mesure de suppression du revenu de remplacement alloué à M. A, pour une durée de cinq mois à compter du 1er mai 2004, est substituée à la mesure d'exclusion définitive prononcée par le préfet de la Haute-Savoie.

Article 3 : L'Etat (ministère du travail, de l'emploi et de la santé) versera au conseil de M. A, dans le cadre de la présente instance, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Grenoble et de ses conclusions devant la Cour est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hervé A et au ministre du travail, de l'emploi et de la santé.

Délibéré après l'audience du 12 avril 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 mai 2012.

''

''

''

''

1

2

N° 11LY01560


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY01560
Date de la décision : 03/05/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-11-02 Travail et emploi. Service public de l'emploi. Radiation.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Frédérique STECK-ANDREZ
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : JURISOPHIA SAVOIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-05-03;11ly01560 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award