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05/04/2012 | FRANCE | N°11LY00337

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 05 avril 2012, 11LY00337


Vu la requête, enregistrée le 3 février 2011, présentée pour M. Roger A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 0807081 du 30 novembre 2010 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la communauté urbaine de Lyon et de la compagnie Axa France IARD à lui verser la somme de 17 148,62 euros en réparation des conséquences dommageables de l'accident dont il a été victime à Lyon le 2 décembre 2006 ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre

à la charge solidairement de la communauté urbaine de Lyon et de la compagnie Axa France IAR...

Vu la requête, enregistrée le 3 février 2011, présentée pour M. Roger A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Lyon n° 0807081 du 30 novembre 2010 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la communauté urbaine de Lyon et de la compagnie Axa France IARD à lui verser la somme de 17 148,62 euros en réparation des conséquences dommageables de l'accident dont il a été victime à Lyon le 2 décembre 2006 ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) de mettre à la charge solidairement de la communauté urbaine de Lyon et de la compagnie Axa France IARD la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que, comme l'a constaté le Tribunal, le lien de causalité entre l'ouvrage public et le dommage dont il a été victime est établi ;

- que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la communauté urbaine de Lyon rapportait la preuve de l'entretien normal de la voie publique en se bornant à produire un relevé d'intervention en astreinte du service propreté sur la période du 1er au 8 décembre 2006 ;

- que ces relevés d'intervention ne concernent que les appels reçus par ce service et les déplacements qu'ils ont entraînés ;

- qu'il appartient cependant à la communauté urbaine de Lyon de produire des documents qui fixent les obligations du service propreté indépendamment des appels qu'il reçoit ;

- qu'en l'absence de tels documents, il faut regarder comme établi le défaut d'entretien normal de la voie publique à l'origine du dommage ;

- qu'il apparaît excessif et déraisonnable de laisser aux seuls usagers ou aux tiers le soin de provoquer l'intervention du service gestionnaire de la voie ;

- que, dans ces conditions, la preuve d'un entretien normal de la voie avant l'accident ne saurait être regardée comme apportée ;

- que l'aggravation des conséquences de l'accident est due à la présence anormale d'un pylône non protégé et portant une caméra ;

- que la communauté urbaine de Lyon doit donc être déclarée responsable des dommages causés par l'ouvrage public, en l'espèce le poteau, tant en raison de son existence qu'en raison de son fonctionnement ;

- qu'il justifie de 192 euros de frais médicaux restés à sa charge ;

- qu'il a dû cesser son activité d'antiquaire durant toute la période de déficit fonctionnel temporaire total ; qu'il en est résulté une perte de revenus de 3 406 euros ;

- qu'il sollicite les sommes de 1 600 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total, 4 200 euros au titre des souffrances endurées, 4 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent de 4 %, 600 euros au titre du préjudice esthétique, 1 000 euros au titre de son préjudice d'agrément et 1 583,62 euros au titre de son préjudice matériel ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 décembre 2011, présenté pour la communauté urbaine de Lyon et la compagnie Axa France IARD qui concluent, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à la limitation du montant des préjudices invoqués par le requérant et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elles soutiennent :

- qu'en l'espèce, la présence de la matière visqueuse sur la voie publique, pouvant être analysée comme du liquide de refroidissement ou de l'huile, n'a jamais été signalée à la direction de la propreté de la communauté urbaine ; que les services de police présents sur les lieux à la suite de l'accident n'ont pas signalé la présence de cette matière glissante sur la chaussée ;

- que c'est par une interprétation spécieuse du témoignage d'une personne présente sur les lieux que le requérant prétend que la chaussée aurait été glissante alors que le témoin précise simplement que la moto s'est mise à zigzaguer " comme si " le conducteur ne pouvait pas la contrôler sur une route glissante, sans pour autant affirmer que la route était effectivement glissante ;

- qu'il ne peut être demandé à la communauté urbaine de Lyon d'intervenir à tout instant sur la voirie pour démontrer l'absence de défaut d'entretien normal ;

- que, parallèlement au nettoyage des voies, dont la fréquence est fonction de la fréquentation et des caractéristiques de celles-ci, un service d'astreinte intervient à la suite de tous signalements d'une anomalie sur la voirie telle que présence de gazole ou d'huile sur la chaussée, comme le fait apparaître le relevé d'intervention du 1er décembre au 8 décembre 2006 ;

- qu'en démontrant que le jour de l'accident aucun signalement d'aucune sorte n'a été fait concernant l'avenue Berthelot, la communauté urbaine de Lyon doit être regardée comme apportant la preuve de l'entretien normal de la voirie ;

- qu'il peut être supposé que la matière visqueuse en cause s'était échappée de la moto de M. A, laquelle sortait du garage le matin même pour une réparation des freins arrières, et alors que la police n'exclut pas une possible défaillance de l'engin ;

- que la faute de la victime, circulant sur un véhicule détérioré, doit être regardée comme la seule cause de l'accident ; que cette cause exonère la personne publique de toute responsabilité ;

- que M. A n'est pas fondé à soutenir que la cause de l'accident résiderait dans la présence anormale d'un pylône non protégé dès lors qu'il ne démontre ni l'existence même de ce pylône, ni en quoi il serait intervenu dans la réalisation du dommage ; que la procédure établie par les services de police ne fait aucunement état de la présence d'un pylône ;

- qu'il n'est pas démontré que des frais médicaux seraient en lien avec l'accident ;

- que l'existence d'un lien direct entre l'accident et une perte de revenus n'est pas démontrée ;

- que l'incapacité temporaire totale retenue par l'expert a vraisemblablement été compensée par le versement d'indemnités journalières ;

- que l'indemnisation des souffrances endurées ne pourra être fixée à 4 200 euros, mais qu'une somme de 2 400 euros répondra à la réparation de ce préjudice eu égard à l'évaluation retenue par l'expert, soit 3/7 ;

- qu'il conviendra de retenir la somme de 3 000 euros au titre de l'incapacité permanente partielle et celle de 300 euros au titre du préjudice esthétique ;

- que dans la mesure où l'expert n'a pas retenu de préjudice d'agrément, M. A n'est pas fondé à solliciter le versement de la somme de 1 000 euros à ce titre ;

- que dans la mesure où l'évaluation du préjudice matériel n'a pas été établie de manière contradictoire, l'évaluation procédant du seul requérant ne leur est pas opposable ;

Vu le mémoire, enregistré le 2 mars 2012, présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 mars 2012 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

- et les observations de Me Loye, avocat de M. A et de Me Benabdessadok, avocat de la communauté urbaine de Lyon ;

Considérant que, le 2 décembre 2006, vers 17 heures, M. A, qui circulait à moto sur l'avenue Berthelot à Lyon (7ème arrondissement), s'est arrêté au feu rouge de l'intersection de cette voie avec l'avenue Jean Jaurès ; qu'en redémarrant au feu vert, il a perdu le contrôle de son véhicule et a heurté deux poteaux métalliques anti-stationnement ainsi qu'un poteau de signalisation lumineuse pour piétons, ce qui lui a occasionné un traumatisme crânien et diverses fractures ; que par jugement du 30 novembre 2010, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté urbaine de Lyon et de la compagnie Axa France IARD à lui verser la somme de 17 148,62 euros en réparation de ses préjudices ; que M. A fait appel de ce jugement ;

Sur le principe de la responsabilité :

Considérant qu'il appartient à la victime d'un dommage survenu à l'occasion de l'utilisation d'un ouvrage public d'apporter la preuve du lien de causalité entre l'ouvrage public dont elle était usager et le dommage dont elle se prévaut ; que la collectivité en charge de l'ouvrage public peut s'exonérer de sa responsabilité en rapportant la preuve soit de l'entretien normal de l'ouvrage, soit de ce que le dommage est imputable à la faute de la victime ou à un cas de force majeure ;

Considérant qu'un témoin de l'accident rapporte avoir vu la motocyclette pilotée par M. A, dès son démarrage au feu vert, "zigzaguer comme si le conducteur ne pouvait pas la contrôler sur une route glissante" ; que le procès-verbal établi par les services de police intervenus lors de cet accident relève que "la chaussée, encore sèche malgré un début de pluie légère, était [rendue] glissante par la présence d'une matière visqueuse pouvant être soit de l'huile, soit du liquide de refroidissement ou du liquide de freins" ; qu'il attribue la perte de contrôle du véhicule à une cause indéterminée, et conclut que, "selon les déclarations du témoin et nos constatations, il peut être envisagé une défaillance mécanique du véhicule" ; que, toutefois, M. A, dont la moto avait fait l'objet d'une réparation le jour même de l'accident, produit le rapport d'un expert automobile qui estime que le véhicule, dont les garnitures étaient en bon état, sans aucune trace de gras ni de blocage anormal, ne présentait aucune anomalie de fonctionnement ; que, dans ces conditions, dès lors que l'hypothèse de la défaillance mécanique du véhicule doit être écartée, le lien de causalité entre l'accident et la présence sur la chaussée d'une matière glissante est établi ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'accident est imputable à une faute de la victime ;

Considérant que, pour démontrer l'absence de défaut d'entretien normal de l'ouvrage, la communauté urbaine de Lyon indique que ses services effectuent le nettoyage des voies selon une fréquence d'une à treize fois par semaine, sans toutefois préciser les conditions d'entretien de la voie publique sur laquelle a eu lieu l'accident survenu à M. A ; que la communauté urbaine produit seulement un relevé d'intervention en astreinte du service propreté pour la période du 1er au 8 décembre 2006 ; que ce document, qui retrace les signalements à ce service d'objets ou substances pouvant gêner la circulation, ne permet pas d'établir qu'en l'espèce, le produit visqueux à l'origine de l'accident avait été répandu sur le sol depuis un délai trop bref pour que ce service ait eu la possibilité matérielle d'intervenir à temps soit pour signaler ce danger, soit pour enlever la substance dangereuse pour les usagers de la voie ; que, dès lors, la communauté urbaine de Lyon ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'entretien normal de la voie ; que, par suite, elle doit être déclarée entièrement responsable des conséquences dommageables de l'accident, solidairement avec son assureur de responsabilité, la compagnie Axa France IARD ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :

Quant aux dépenses de santé :

Considérant que si le requérant allègue avoir exposé des frais d'un montant de 192 euros correspondant à quatre consultations chez un médecin ostéopathe, il n'établit pas que ces frais médicaux seraient en lien avec l'accident survenu le 2 décembre 2006 ;

Quant aux pertes de revenus :

Considérant que M. A demande à être indemnisé d'une perte de revenus pendant la période au cours de laquelle il a dû, eu égard au déficit fonctionnel total dont il était atteint, cesser son activité d'antiquaire, soit, selon le rapport d'expertise, du 2 décembre 2006 au 31 janvier 2007, puis du 11 février au 29 février 2008 ; qu'il réclame à ce titre 3 406 euros ; que pour en justifier, il se borne à faire état de la différence entre son bénéfice de l'année 2006, de 19 155 euros, et celui de l'année 2007, de 15 749 euros, alors, d'une part, que la durée de son indisponibilité entre ces deux périodes est inférieure à un mois et, d'autre part, que la caisse d'assurance maladie dont il relève a indiqué devant le tribunal administratif lui avoir versé une indemnité de 1 677,84 euros au titre de sa perte de revenus ; que la réalité du préjudice allégué n'est donc pas établie ;

Quant au préjudice matériel :

Considérant que les frais de remise en état de sa motocyclette s'élevant à 2 075,57 euros, M. A a fait le choix d'acquérir un nouvel engin ; qu'il sollicite une indemnité de 1 150 euros correspondant au coût d'acquisition de celui qui a été endommagé dans l'accident, justifié par une facture du 12 mai 2006 ; que, dès lors, cette somme doit lui être accordée ; que M. A a droit à être indemnisé de divers frais de remorquage et de gardiennage de son véhicule, d'achat d'un casque et d'un antivol ainsi que d'une veste et de chaussures, pour un montant total de 500,22 euros, dont il justifie par des factures ;

En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux :

Considérant que, selon le rapport de l'expert désigné par le juges des référés du tribunal administratif, M. A, qui a subi une incapacité totale du 2 décembre 2006 au 31 janvier 2007, puis du 11 février au 29 février 2008, demeure atteint, à la date de la consolidation, soit le 24 juin 2008, d'une incapacité permanente évaluée à 4 % ; que les souffrances qu'il a endurées et son préjudice esthétique sont évalués à, respectivement, 3 sur 7 et à 0,5 sur 7 ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble de ces chefs de préjudice en les évaluant à la somme de 8 200 euros ; que le préjudice d'agrément invoqué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation solidaire de la communauté urbaine de Lyon et de la compagnie Axa France IARD ;

Sur les dépens :

Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, les frais d'expertise, s'élevant à la somme de 420 euros, doivent être mis à la charge définitive, solidairement, de la communauté urbaine de Lyon et de la compagnie Axa France IARD ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge, solidairement, de la communauté urbaine de Lyon et de la compagnie Axa France IARD, la somme de 1 000 euros que M. A demande au titre des frais non compris dans les dépens qu'il a exposés à l'occasion du litige ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la communauté urbaine de Lyon et la compagnie Axa France IARD, parties perdantes dans la présente instance, bénéficient d'une somme à ce titre ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 1er du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 30 novembre 2010 est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de M. A.

Article 2 : La communauté urbaine de Lyon et la compagnie Axa France IARD sont condamnées solidairement à verser à M. A la somme de 9 850,22 euros.

Article 3 : Les frais d'expertise sont mis à la charge solidairement de la communauté urbaine de Lyon et de la compagnie Axa France IARD.

Article 4 : L'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Lyon du 30 novembre 2010 est annulé.

Article 5 : La communauté urbaine de Lyon et la compagnie Axa France IARD verseront solidairement à M. A la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.

Article 7 : Les conclusions de la communauté urbaine de Lyon et de la compagnie Axa France IARD tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à M. Roger A, à la communauté urbaine de Lyon, à la compagnie Axa France IARD et au régime social des indépendants Mucirel.

Délibéré après l'audience du 15 mars 2012 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

MM. Picard et Poitreau, premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 5 avril 2012.

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N° 11LY00337


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY00337
Date de la décision : 05/04/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Notion de travail public et d'ouvrage public - Ouvrage public.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages sur les voies publiques terrestres - Entretien normal - Chaussée.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : SCP PIOT-MOUNY-JEANTET-LOYE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2012-04-05;11ly00337 ?
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