Vu, I, la requête, enregistrée sous le n° 10LY01806, transmise par télécopie le 16 juillet 2010, confirmée le 19 juillet 2010, présentée pour la société CONNEX CHAMBERY dont le siège social est situé 18 avenue des Chevaliers Tireurs à Chambéry (73006) ;
La société CONNEX CHAMBERY demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0604300 du 17 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer du 9 octobre 2006 annulant la décision du 14 février 2006 de l'inspecteur du travail des transports de Savoie refusant l'autorisation de licencier pour faute M. A ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que le retrait de la décision implicite de rejet du ministre était possible dans le délai de recours contentieux expirant le 11 octobre 2006 ; que la matérialité des faits reprochés à M. A est établie par les témoignages de ses collègues vérificateurs ; que M. A ne conteste pas avoir heurté M. B ; qu'il n'a pas non plus répondu aux appels des contrôleurs ; que la procédure de contrôle embarqué obéit à des règles précises, parfaitement respectées par les contrôleurs ; que le conducteur ne doit pas se rabattre sur l'arrêt le plus proche et devait s'arrêter immédiatement ; qu'il n'a transmis ses explications sur les faits que trois jours plus tard ; que ces faits révèlent une faute de conduite manifeste ; que la demande de licenciement est sans lien avec le mandat ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 juillet 2011, présenté pour le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, qui déclare partager les conclusions de la société CONNEX CHAMBERY et demande à la Cour de rejeter ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 août 2011, présenté pour M. A, tendant au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire de l'Etat et de la société CONNEX CHAMBERY d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le retrait par le ministre de sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique de l'employeur est tardif ; que cette décision de retrait n'est pas motivée ; qu'il se trouvait très mal positionné au milieu de la chaussée et a fait signe aux contrôleurs qu'il allait se garer sur la droite ; qu'il n'a pas vu le choc ; que le visionnage de la vidéo surveillance montre que l'incident ne présentait aucune gravité ; qu'immédiatement après les faits, les contrôleurs ont effectué un contrôle normal des passagers ; que la plainte déposée par les contrôleurs a été classée sans suite ; que les motifs retenus par la décision du ministre sont erronés et contradictoires ; que l'erreur de conduite n'est pas d'une gravité de nature à justifier un licenciement ; qu'en réalité, la demande de licenciement est en lien avec ses mandats ;
Vu le mémoire complémentaire, transmis par télécopie le 24 octobre 2011, confirmée le 25 octobre 2011, présenté pour la société CONNEX CHAMBERY, tendant aux mêmes fins que sa requête, selon les mêmes moyens en les précisant sur certains points ; elle déclare, par ailleurs, renoncer à ses conclusions dirigées contre l'Etat, présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et demande la mise à la charge de M. A d'une somme de 1 500 euros à ce même titre ;
Vu l'ordonnance du 12 octobre 2011 fixant au 14 novembre 2011 la date de clôture de l'instruction ;
Vu, II, le recours, enregistré sous le n° 10LY01883, transmis par télécopie le 22 juillet 2010, confirmée le 29 juillet 2010, présenté pour le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE l'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER ;
Le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE l'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0604300 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision du 9 octobre 2006 annulant la décision du 14 février 2006 de l'inspecteur du travail des transports de Savoie refusant l'autorisation de licencier pour faute M. A ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A devant le Tribunal administratif de Grenoble ;
Il soutient que le retrait de sa décision implicite de rejet a bien été notifiée dans le délai de recours contentieux de 2 mois ; que M. A a commis une erreur de conduite qui a porté atteinte à l'intégrité physique d'un de ses collègues de travail ; que les circonstances des accidents qui se sont produits au même endroit sont différentes et ne permettent pas de retenir une différence de traitement au détriment de M. A ; que le lien avec le mandat n'est pas établi ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire, enregistré le 18 août 2011, présenté pour M. A, tendant au rejet du recours et à la mise à la charge solidaire de l'Etat et de la société CONNEX CHAMBERY d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le retrait par le ministre de sa décision implicite rejetant le recours hiérarchique de l'employeur est tardif ; que cette décision de retrait n'est pas motivée ; qu'il se trouvait très mal positionné au milieu de la chaussée et a fait signe aux contrôleurs qu'il allait se garer sur la droite ; qu'il n'a pas vu le choc ; que le visionnage de la vidéo surveillance montre que l'incident ne présentait aucune gravité ; qu'immédiatement après les faits, les contrôleurs ont effectué un contrôle normal des passagers ; que la plainte déposée par les contrôleurs a été classée sans suite ; que les motifs retenus par la décision du ministre sont erronés et contradictoires ; que l'erreur de conduite n'est pas d'une gravité de nature à justifier un licenciement ; qu'en réalité, la demande de licenciement est en lien avec ses mandats ;
Vu le mémoire, transmis par télécopie le 24 octobre 2011, confirmée le 25 octobre 2011, présenté pour la société CONNEX CHAMBERY, tendant aux mêmes fins que sa requête susvisée n° 10LY01806, selon les mêmes moyens en les précisant sur certains points, et à la mise à la charge de M. A d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er décembre 2011 :
- le rapport de Mme Steck-Andrez, président-assesseur ;
- les observations de Me Guyot, avocat de la société CONNEX CHAMBERY et de Me Girard-Madoux, avocat de M. A ;
- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;
La parole ayant été de nouveau donnée à Me Guyot et à Me Girard-Madoux ;
Considérant que la requête et le recours susvisés sont dirigés contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;
Considérant que, saisi par la société CONNEX CHAMBERY d'une demande d'autorisation de procéder au licenciement pour faute de M. A, titulaire de plusieurs mandats de représentation, l'inspecteur du travail des transports de Savoie a refusé cette autorisation par une décision du 14 février 2006 ; que sur recours hiérarchique de l'employeur, le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer a, le 9 octobre 2006, retiré sa décision implicite rejetant ce recours hiérarchique, née au terme d'un délai de quatre mois, annulé la décision de l'inspecteur du travail et accordé l'autorisation demandée ; que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du ministre du 9 octobre 2006 ;
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande d'autorisation de procéder au licenciement pour faute de M. A, conducteur-receveur au sein de la société CONNEX CHAMBERY, l'employeur a invoqué le fait que l'intéressé, en service le 21 janvier 2006, n'avait pas respecté les instructions d'arrêter son véhicule, données par deux contrôleurs-vérificateurs qui souhaitaient monter à bord du bus entre deux arrêts matérialisés pour procéder au contrôle des passagers, avait percuté l'un des conducteurs-vérificateurs en rabattant son véhicule et avait poursuivi sa route sans se préoccuper de l'état de son collègue ni répondre aux nombreux appels par radio émis par les contrôleurs ;
Considérant qu'il est établi que M. A ne s'est pas arrêté instantanément sur la voie de circulation à la demande des contrôleurs-vérificateurs et qu'en rabattant son bus pour s'arrêter devant l'arrêt d'une autre ligne, il a heurté l'un d'eux ; que toutefois, selon les propres indications de l'employeur dans sa lettre de notification du licenciement du 13 octobre 2006, il n'a poursuivi sa route que sur une quinzaine de mètres afin de se garer sur l'emplacement de l'arrêt le plus proche ; que s'il a commis une imprudence en rabattant son véhicule, il ressort des pièces du dossier que les contrôleurs, qui ont pour consigne de prendre toutes précautions pour effectuer en parfaite sécurité les manoeuvres d'arrêt d'un bus en dehors des arrêts matérialisés, s'étaient avancés jusqu'au tiers de la chaussée ; qu'à supposer même que M. A n'ait pas répondu aux appels radios émis par les contrôleurs, il est constant que le bus s'est arrêté à une quinzaine de mètres seulement du lieu de l'incident et que les contrôleurs ont pu monter à bord du véhicule où ils ont procédé normalement à leur contrôle ; que, dans de telles circonstances, les faits établis à l'encontre de M. A ne présentent pas, ainsi que l'a relevé le Tribunal, un caractère de gravité suffisant pour justifier une mesure de licenciement ; que, par suite, la décision de l'inspecteur du travail refusant l'autorisation de licenciement n'étant pas illégale, le ministre n'a pu légalement annuler la décision initiale de refus de l'inspecteur du travail, retirer sa propre décision implicite rejetant le recours hiérarchique de la société CONNEX CHAMBERY et lui accorder l'autorisation de licenciement sollicitée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société CONNEX CHAMBERY et le MINISTRE DE L'ECOLOGIE, de l'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 9 octobre 2006 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mise à la charge de M. A qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société CONNEX CHAMBERY demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société CONNEX CHAMBERY le versement à M. A d'une somme de 1 000 euros et à la charge de l'Etat une somme de même montant ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société CONNEX CHAMBERY et le recours du MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DE l'ENERGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE ET DE LA MER sont rejetés.
Article 2 : La société CONNEX CHAMBERY et l'Etat verseront chacun la somme de 1 000 euros à M. A sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société CONNEX CHAMBERY, au MINISTRE DE L'ECOLOGIE, DU DEVELOPPEMENT DURABLE, DES TRANSPORTS ET DU LOGEMENT et à M. Gilbert A.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2011 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Steck-Andrez, président-assesseur,
M. Picard, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 22 décembre 2011.
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