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03/11/2011 | FRANCE | N°11LY00785

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 03 novembre 2011, 11LY00785


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 28 mars 2011 et régularisée le 31 mars 2011, présentée pour Mme Alimamode , née , domiciliée ...

Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004958, du 4 novembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 26 mars 2010, prononçant le retrait de la carte de résident dont elle était titulaire, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination

duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtem...

Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 28 mars 2011 et régularisée le 31 mars 2011, présentée pour Mme Alimamode , née , domiciliée ...

Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004958, du 4 novembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet du Rhône, du 26 mars 2010, prononçant le retrait de la carte de résident dont elle était titulaire, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, en cas d'annulation de la décision prononçant le retrait de sa carte de résident, de lui délivrer, dans le délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, un titre de séjour valant autorisation de travailler ou, en cas d'annulation de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français, de lui délivrer, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au réexamen de sa situation administrative ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la décision prononçant le retrait de la carte de résident dont elle était titulaire, est entachée d'un défaut de motivation notamment au regard de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et a donc méconnu les articles 1er et 3 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; que les décisions prononçant le retrait de sa carte de résident et lui faisant obligation de quitter le territoire français ont méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, et sont entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa vie personnelle ; que la décision fixant le pays de renvoi a méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 juin 2011, présenté pour le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête et demande la mise à la charge de Mme de la somme de 1 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la décision prononçant le retrait de la carte de résident dont Mme était titulaire, n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, ainsi, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la même décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que les décisions contestées n'ont pas porté atteinte à l'intérêt supérieur des enfants de Mme et n'ont, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; que les mêmes décisions ne sont pas entachées d'un défaut de motivation ; que c'est à bon droit qu'il a assorti sa décision de retrait de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de destination ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 octobre 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- les observations de Me Guérault, avocat de Mme ,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée à nouveau à Me Guérault ;

Considérant que la requérante, de nationalité malgache, a épousé, le 4 juin 2005 à Madagascar, un ressortissant français qui portait alors le nom de M. Gence, l'a rejoint en France le 26 juin suivant et s'est vue délivrer plusieurs titres de séjour en qualité de conjointe de Français, à compter du 22 août 2005, dont le dernier, une carte de résident, était valable jusqu'au 21 août 2018 ; que leurs trois enfants sont nés en France en 2006, 2007 et 2009 ; que les autorités françaises ont découvert en 2009 que son époux usurpait l'identité d'une personne de nationalité française depuis 2002, date de son entrée en France, et, en fait, s'appelait M. et était de nationalité malgache ; que, par un jugement correctionnel du Tribunal de grande instance de Lyon en date du 17 novembre 2009, Mme a été déclarée coupable des infractions de recel de bien obtenu à l'aide d'une escroquerie, d'entrée ou de séjour irrégulier d'un étranger en France et d'usage de faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité, et condamnée, d'une part, à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis, d'autre part, à verser la somme de 23 803,17 euros à la Caisse primaire d'assurance maladie de Lyon à titre de dommages et intérêts ; que, par trois décisions du 26 mars 2010, le préfet du Rhône a prononcé le retrait de la carte de résident dont Mme était titulaire, a obligé celle-ci à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a désigné le pays à destination duquel elle serait reconduite si elle n'obtempérait pas à cette obligation ; que Mme interjette appel du jugement du 4 novembre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 26 mars 2010 susmentionnées ;

Sur la légalité de la décision prononçant le retrait du titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l' exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) et qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la décision prononçant le retrait de la carte de résident dont Mme était titulaire, qui vise les textes dont elle fait application, qui précise les circonstances de fait tenant à la situation personnelle et familiale de l'intéressée, et qui mentionne qu'elle ne s'est maintenue sur le territoire national que sous couvert de titres de séjours obtenus frauduleusement, que son conjoint est en situation irrégulière, qu'elle n'entre dans aucun cas d'attribution d'un titre de séjour en application du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que la décision de retrait de titre de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, énonce ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; que le préfet du Rhône n'était, en tout état de cause, pas tenu de motiver cette décision au regard de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ; que celle-ci est, par suite, suffisamment motivée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que Mme , née le 10 novembre 1987, fait valoir qu'elle vit en France depuis le 26 juin 2005, que son époux vit en France depuis le 26 février 2002, qu'il a travaillé pendant sept ans en faisant consciencieusement son métier, qu'il a, pendant cette période d'activité professionnelle, payé ses impôts et que ses trois enfants issus de son mariage sont nés sur le territoire français entre 2006 et 2009 ; que, toutefois, la requérante ne s'est maintenue sur le territoire national que sous couvert de titres de séjours obtenus frauduleusement et son époux ne s'y est maintenu que sous couvert de pièces d'identité françaises obtenues frauduleusement ; que, comme il a été dit ci-dessus, Mme a été condamnée par un jugement du tribunal de grande instance de Lyon du 17 novembre 2009 à une peine de quatre mois d'emprisonnement avec sursis et au versement de 23 803,17 euros de dommages et intérêts à la Caisse d'allocations familiales de Lyon ; que les chefs d'accusation concernaient le recel de bien obtenu à l'aide d'une escroquerie, l'entrée ou le séjour irrégulier d'un étranger en France et l'usage de faux document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité ; qu'à la date de la décision en litige, son époux n'était titulaire que d'une autorisation provisoire de séjour valable jusqu'au réexamen de sa situation au regard de son droit au séjour ; qu'ainsi, Mme , qui a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de dix-sept ans, qui est en mesure de reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine où elle n'établit pas être dépourvue d'attaches, et dont le comportement délictuel n'est pas le signe d'une bonne intégration, n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté du préfet du Rhône a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris et a, par suite, méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, la requérante n'est pas fondée à soutenir que ledit arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ;

Considérant que Mme est en mesure de reconstituer sa cellule familiale dans son pays d'origine où ses enfants, très jeunes, pourront être scolarisés ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision prononçant le retrait de la carte de résident dont elle était titulaire, a méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité du retrait de titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français faite à Mme n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour, la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement opposée à Mme n'a pas méconnu les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions à fins d'annulation ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions de Mme tendant à l'annulation des décisions attaquées, n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions à fins d'injonction qu'elle a présentées doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant, d'une part, que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante au présent litige, le versement de quelque somme que ce soit, au titre des frais exposés par Mme et non compris dans les dépens ;

Considérant, d'autre part, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante, une somme quelconque, au titre des frais exposés par le préfet du Rhône et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du préfet du Rhône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme Alimamode et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Montsec, président assesseur,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 novembre 2011,

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N° 11LY00785


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11LY00785
Date de la décision : 03/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : GUERAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-11-03;11ly00785 ?
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