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20/10/2011 | FRANCE | N°09LY01360

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 20 octobre 2011, 09LY01360


Vu la requête, enregistrée le 17 juin 2009, présentée pour M. Christophe A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701280 en date du 21 avril 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 28 décembre 2006, par laquelle l'inspecteur du travail de la 11ième section du Rhône a autorisé son licenciement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions d

e l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la décision ...

Vu la requête, enregistrée le 17 juin 2009, présentée pour M. Christophe A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701280 en date du 21 avril 2009, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 28 décembre 2006, par laquelle l'inspecteur du travail de la 11ième section du Rhône a autorisé son licenciement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la décision attaquée est entachée d'une erreur substantielle en ce qu'elle vise un avis favorable du comité d'établissement au lieu de l'avis défavorable du comité d'entreprise ;

- qu'elle n'a pas été précédée d'une enquête contradictoire comme le prévoient les dispositions de l'article R. 436-4 du code du travail ;

- qu'il n'est pas établi qu'elle a été édictée dans le respect des dispositions de l'article 328 de la convention collective nationale de l'industrie du pétrole ;

- qu'il n'est pas établi que l'auteur de la décision attaquée a contrôlé le respect, par la société Rhône Gaz, de l'obligation de reclassement qui doit s'étendre tant au niveau du groupe auquel cette société appartient qu'en ce qui concerne les emplois équivalents dans la profession en application de l'article 323 de la convention collective de l'industrie du pétrole ; qu'il apparaît que la société Rhône Gaz n'a pas établi devant l'inspecteur du travail qu'elle avait engagé un véritable effort de reclassement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er février 2010, présenté pour la société Rhône Gaz qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. A la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que l'erreur commise dans la décision attaquée, en ce qu'elle vise un avis favorable du comité d'établissement au lieu de l'avis défavorable du comité d'entreprise, ne revêt aucun caractère substantiel et n'est donc pas de nature à exercer une influence sur la légalité de cette décision ;

- que la décision attaquée a bien été précédée d'une enquête contradictoire au sens des dispositions de l'article R. 436- 4 du code du travail dès lors que M. A a été en mesure de formuler ses observations sur les arguments avancés par son employeur ;

- que contrairement à ce que soutient M. A la procédure de saisine de la commission paritaire de l'emploi prévue par les dispositions de l'article 328 de la convention collective de l'industrie du pétrole a bien été respectée ; que la situation des salariés du site de Fos-sur-Mer a ainsi été évoquée lors de la réunion de cette commission qui s'est tenue le 28 septembre 2006 et le délai d'un mois qui doit séparer la date de la réunion de ladite commission a bien été respecté puisque le licenciement de M. A lui a été notifié le 5 janvier 2007 ;

- que contrairement à ce que soutient M. A, le groupe devant définir le périmètre de l'obligation de reclassement ne pouvait pas s'étendre au-delà des sociétés Antargaz et Primagaz et de leurs filiales ; qu'il n'était pas envisageable d'étendre le périmètre de l'obligation de reclassement aux sociétés UGI et SHV qui sont des sociétés holdings qui n'offraient pas des conditions d'emploi comparables ;

- que contrairement à ce qu'affirme M. A les propositions d'emplois qui lui ont été offertes dans le cadre de l'obligation de reclassement comportaient des indications sur la nature des fonctions, le niveau de classification conventionnel, le lieu de travail et l'indication selon laquelle le salaire de base serait maintenu ;

- qu'il ne peut pas davantage être soutenu qu'elle n'aurait pas satisfait aux obligations résultant pour elle de l'article 323 de la convention collective de l'industrie du pétrole puisqu'elle a notamment adressé en juin 2006 au comité français du butane du propane la liste des salariés concernés par la fermeture du site ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 15 juin 2010, présenté pour M. A qui conclut aux mêmes fins que la requête et par les mêmes moyens, sous réserve, s'agissant des conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, que soit mise à la charge de l'État et de la société Rhône Gaz la somme de 3 000 euros ;

Vu l'ordonnance, en date du 29 septembre 2010, fixant la clôture de l'instruction au 29 octobre 2010 en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 4 octobre 2010, présenté pour la société Rhône Gaz qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens ;

Elle soutient en outre que les moyens tirés, d'une part, de l'absence de la réalité et du sérieux du motif économique et, d'autre part, de ce que l'inspecteur du travail ne se serait pas assuré du respect des stipulations de la convention collective applicable dans l'industrie du pétrole, sont inopérants ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée au ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité, qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu la convention collective nationale de l'industrie du pétrole ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 septembre 2011 :

- le rapport de M. Poitreau, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pourny, rapporteur public ;

Considérant que la société Rhône Gaz, qui exerce une activité de conditionnement et d'industrie du gaz liquéfié de pétrole, a décidé la fermeture du centre emplisseur de Fos-sur-Mer entraînant la suppression des 23 emplois salariés occupés sur ce site ; qu'en conséquence de la fermeture de cet établissement, la société Rhône Gaz a, par lettre du 30 octobre 2006, sollicité l'autorisation de licencier pour motif économique M. A, qui exerçait alors, au sein dudit établissement, les fonctions d'ouvrier d'exploitation et y détenait les mandats de représentant suppléant du personnel au sein du comité d'entreprise et de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que, par décision en date du 28 décembre 2006, l'inspecteur du travail de la 11ème section du Rhône a autorisé ce licenciement ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête de M. A dirigée contre la décision autorisant son licenciement ;

Considérant, en premier lieu, que la circonstance que la décision autorisant le licenciement de M. A vise, à tort, un avis favorable du comité d'établissement au lieu de l'avis défavorable rendu par le comité d'entreprise constitue une simple erreur matérielle qui, comme telle, n'est pas susceptible d'exercer une influence sur la légalité de cette décision ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 436-4 du code du travail dans sa rédaction alors applicable : L'inspecteur du travail saisi d'une demande d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé procède à une enquête contradictoire ... ; que, dans le cadre de l'enquête conduite en application de ces dispositions, l'inspecteur du travail n'est pas tenu de communiquer à chaque partie les documents qu'il a pu recevoir de l'autre partie ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'enquête qui a précédé l'édiction de la décision en litige, M. A a pu, lors d'une réunion tenue le 23 novembre 2006, faire connaître à l'inspecteur du travail ses observations concernant l'autorisation de licenciement sollicitée pour motif économique par son employeur ; que, dans ces conditions, M. A, en se bornant à faire valoir qu'il n'aurait pas reçu communication d'un document produit par son employeur, n'établit pas que, dans la conduite de cette enquête, l'inspecteur du travail aurait méconnu les dispositions précitées de l'article R. 436-4 ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 326 de la convention collective nationale de l'industrie du pétrole : En vue de répondre au souci commun des organisations signataires de rechercher toutes les possibilités tant d'assurer la sécurité de l'emploi que d'éviter que l'évolution technique ou économique n'ait des conséquences dommageables pour les salariés, il est institué ... une commission paritaire nationale professionnelle de l'emploi ... ; qu'aux termes de l'article 328 de la même convention collective : a) Dans le cas où, malgré les efforts accomplis, des salariés seraient affectés par des mesures de licenciement collectif, la situation de ce personnel, par classification professionnelle et par établissement, sera communiquée aux membres de la commission. b) celle-ci se réunira dans un délai de 8 jours francs à partir de la date de cette communication. c) les lettres de licenciement ne pourront être envoyées que 1 mois après cette réunion... ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Rhône Gaz a communiqué à la commission mentionnée au a) de l'article 328 précité la situation de M. A ; que cette commission s'est réunie le 28 septembre 2006 et que la lettre signifiant à M. A son licenciement lui a été notifiée en janvier 2007 ; que, dans ces conditions, la société Rhône Gaz n'a pas méconnu les dispositions ci-dessus reproduites de l'article 328 de la convention collective nationale de l'industrie du pétrole ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'en vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la suppression de l'emploi de M. A résulte de la fermeture de l'établissement de Fos-sur-Mer qui a été décidée par la société Rhône Gaz pour des raisons tenant, comme le fait apparaître la note économique communiquée au comité d'entreprise, à la régression du marché du conditionné et à des contraintes liées à la réglementation relative à la protection de l'environnement qui limitaient les capacités de développement de ce site ; que, dans ce contexte, contrairement à ce que soutient le requérant, la fermeture de l'établissement de Fos-sur-Mer apparaissait nécessaire pour sauvegarder la compétitivité de la société Rhône Gaz ainsi que du groupe auquel elle appartenait, formé des sociétés Antargaz et Primagaz détenant, respectivement, 50,62 % et 49,38 % de son capital ;

Considérant, en cinquième lieu, que si M. A allègue que l'obligation de reclassement à la charge de la société Rhône Gaz devait s'étendre aux sociétés UGI Corporation et SHV qui détiennent des participations au sein, respectivement, des sociétés Antargaz et Primagaz, la société Rhône Gaz fait valoir, sans être contredite, que les sociétés UGI Corporation et SHV ont le caractère de sociétés holdings qui ne comportent pas d'emploi équivalent à celui d'ouvrier cariste ; que, contrairement à ce que soutient M. A, les emplois qui lui ont été proposés par la société Rhône Gaz dans le cadre de son obligation de reclassement comportaient des indications suffisamment précises relativement à la nature, au lieu des fonctions proposées, au niveau de classification ainsi qu'au montant de la rémunération ; que, dès lors, il ne peut être soutenu ni que la société Rhône Gaz aurait méconnu l'obligation de reclassement qui lui incombait en application des dispositions de l'article L. 321-1 du code du travail, ni que l'auteur de la décision en litige n'aurait pas exercé son contrôle sur le respect, par ladite société, de cette obligation ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 323 de la convention collective nationale de l'industrie du pétrole : En cas de modification de structure des sociétés ou d'application d'un programme important de modernisation, conduisant à une réduction d'effectifs, les sociétés doivent faciliter l'accession du personnel qui se trouverait concerné à d'autres emplois équivalents prioritairement dans la société, puis dans la profession. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société Rhône Gaz a sollicité des entreprises du secteur d'activité du gaz dans le bassin d'emploi de Fos-sur-Mer en vue de permettre à ses salariés employés dans son établissement de cette localité de retrouver un emploi ; que, dans ces conditions, eu égard aux démarches ainsi effectuées, M. A, qui se borne à affirmer qu'il existait un nombre important de postes susceptibles de lui être proposés dans sa profession, n'établit pas que cette société aurait méconnu les dispositions ci-dessus reproduites de l'article 323 de la convention collective de l'industrie du pétrole ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la société Rhône Gaz tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la somme demandée à ce titre par M. A soit mise à la charge de l'État ou de la société Rhône Gaz, qui n'ont pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Rhône Gaz au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. Christophe A, au ministre du travail, de l'emploi et de la santé et à la société Rhône Gaz.

Délibéré après l'audience du 29 septembre 2011 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Steck-Andrez, président-assesseur,

M. Poitreau, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 octobre 2011.

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N° 09LY01360


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01360
Date de la décision : 20/10/2011
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Gérard POITREAU
Rapporteur public ?: M. POURNY
Avocat(s) : KHANNA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-10-20;09ly01360 ?
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