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12/07/2011 | FRANCE | N°10LY02412

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 3ème chambre, 12 juillet 2011, 10LY02412


Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 25 octobre 2010 et régularisée le 6 décembre 2010, présentée pour le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005820 en date du 1er octobre 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 28 septembre 2010 par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Boubacar Aissatou A, et les décisions du même jour fixant le pays dont il a la nationali

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Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 25 octobre 2010 et régularisée le 6 décembre 2010, présentée pour le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1005820 en date du 1er octobre 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 28 septembre 2010 par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Boubacar Aissatou A, et les décisions du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande de M. A tendant à l'annulation des décisions susmentionnées ;

Il soutient que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, M. A n'entre pas dans le champ des dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne justifie pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de sa fille de nationalité française ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces dont il résulte que la requête n'a pas pu être communiquée à M. A dont l'adresse est inconnue ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juillet 2011 :

- le rapport de M. Fontanelle, président ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la légalité de la décision ordonnant la reconduite à la frontière de M. A :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 4º Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire au delà du délai d'un mois suivant l'expiration de ce titre (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité guinéenne, est entré sur le territoire français le 13 septembre 2008 en possession d'un visa long séjour et a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étudiant, valable du 20 novembre 2008 au 19 novembre 2009 ; qu'il est constant que M. A n'a pas engagé de démarche en vue de régulariser sa situation dans le délai d'un mois suivant l'expiration de son titre de séjour ; qu'ainsi, à la date de la décision attaquée, M. A se maintenait irrégulièrement sur le territoire français et entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 4° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) et qu'aux termes de l' article 371-2 du code civil : Chacun des parents contribue à l'entretien et à l'éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l'autre parent ainsi que des besoins de l'enfant. (...) ;

Considérant que, pour annuler la décision du 28 septembre 2010 par laquelle le PREFET DE L'ISERE a ordonné la reconduite à la frontière de M. A et les décisions subséquentes, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a retenu la violation, par la décision de reconduite à la frontière, des dispositions précitées du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que M. A, est le père d'un enfant de nationalité française, né le 2 juillet 2010, reconnu par lui avant sa naissance le 12 mars 2010, et contribue à l'entretien et à l'éducation de cet enfant, au moins d'un point de vue affectif ; que, toutefois, les pièces du dossier ne permettent pas d'établir que M. A contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant né de sa relation avec Mme , rencontrée selon ses dires, en août 2009 ; que les pièces du dossier ne permettent pas d'établir qu'il réside auprès de son enfant depuis sa naissance ; qu'il ressort des propres déclarations de M. A faites le 28 septembre 2010, auprès des services de police, lors de son audition consécutive à la plainte déposée par Mme à son encontre pour violences aggravées, que ce dernier résidait depuis seulement une semaine avec la mère de son enfant alors même qu'il indiquait un domicile différent de celui de Mme ; qu'il ne justifie pas davantage participer à l'éducation et l'entretien de son enfant et rendre visite régulièrement à ce dernier ; que s'il se prévaut de la circonstance que son enfant souffre d'une pathologie récemment décelée susceptible d'affecter sa descendance, il n'établit pas le caractère indispensable de sa présence auprès de sa fille pour ce motif alors même qu'aucun soin ou traitement ne lui est prescrit ; que, par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé sa décision du 28 septembre 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A et les décisions subséquentes, pour violation de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A, devant le Tribunal administratif ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que M. A fait valoir qu'il a fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que M. A, alors âgé de vingt ans, est entré le 13 septembre 2008, en France où il se maintient irrégulièrement depuis l'expiration de son titre de séjour étudiant ; que s'il se prévaut de sa relation avec Mme , ressortissante française, avec laquelle il a eu un enfant, il n'établit ni l'ancienneté, ni la stabilité de cette relation qui, à la date de la décision attaquée datait, en tout état de cause, seulement d'une année ; que l'antériorité de la communauté de vie entre M. A et la mère de son enfant n'est pas davantage établie dès lors que M. A a déclaré lors de son audition du 28 septembre 2010, résider dans un logement à Saint Martin d'Hères, distinct de celui de Mme ; que l'attestation de cette dernière, produite par M. A, dépourvue de toute force probante, ne permet pas d'établir que M. A, qui est sans ressource, participe effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant, et lui rende visite régulièrement ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour du requérant en France, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur les décisions distinctes fixant le pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative :

Considérant que pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés dans le cadre de la légalité de la décision ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, les décisions fixant le pays de destination et ordonnant son placement en rétention administrative ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 28 septembre 2010 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, fixant le pays à destination à l'égard duquel cette mesure de police serait exécutée et ordonnant son placement en rétention administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1005820, en date du 1er octobre 2010 du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande de M. A présentée devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'ISERE, à M. Boubacar Aissatou A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.

Lu en audience publique, le 12 juillet 2011.

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N° 10LY02412

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10LY02412
Date de la décision : 12/07/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guy FONTANELLE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-07-12;10ly02412 ?
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