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31/05/2011 | FRANCE | N°10LY02595

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 31 mai 2011, 10LY02595


Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 21 novembre 2010 et régularisée le 23 novembre 2010, présentée pour M. Sadok A, domicilié chez M. Mohamed Anouar Haif, appartement 311, 53, galerie de l'Arlequin à Grenoble (38100) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003340, en date du 14 octobre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 17 mai 2010, portant refus de délivrance d'un certificat de résidence, obligation de quitter le territoir

e français dans le délai d'un mois et désignation du pays de renvoi ;

2°) d'ann...

Vu la requête, enregistrée à la Cour par télécopie le 21 novembre 2010 et régularisée le 23 novembre 2010, présentée pour M. Sadok A, domicilié chez M. Mohamed Anouar Haif, appartement 311, 53, galerie de l'Arlequin à Grenoble (38100) ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1003340, en date du 14 octobre 2010, par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Isère, du 17 mai 2010, portant refus de délivrance d'un certificat de résidence, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays de renvoi ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées portant refus de délivrance d'un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que la décision portant refus de délivrance de certificat de résidence est insuffisamment motivée au regard des dispositions des articles 1 et 3 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; que les décisions attaquées ont été prises en violation du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ainsi que de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'enfin, l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 14 décembre 2010 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A ;

Vu le mémoire, enregistré à la Cour le 12 mai 2011, présenté par le préfet de l'Isère qui conclut au rejet de la requête en se référant à ses observations de première instance ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mai 2011 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, modifiée : Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...). et qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ;

Considérant que cette décision vise notamment les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, la demande de titre de séjour présentée sur ce fondement par M. A, ressortissant algérien, et l'avis émis le 16 avril 2010 par le médecin inspecteur de santé publique, et indique en particulier que ce dernier a estimé que l'état de santé de M. A nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais que l'intéressé pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Algérie, vers lequel il pouvait voyager en avion sans risque : que cette décision, qui énonce ainsi les considérations de droit et de fait qui la fondent, est, par suite, régulièrement motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...). ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, ressortissant algérien arrivé sur le territoire français le 7 octobre 2008, est suivi, depuis cette date, par un médecin spécialiste du système nerveux et bénéficie d'une prise en charge médicamenteuse et psychothérapeutique pour une symptomatologie anxieuse et dépressive ; que la décision de refus de délivrance de titre de séjour contestée a été prise au vu d'un avis rendu le 16 avril 2010 par le médecin inspecteur de santé publique, selon lequel l'état de santé de M. A nécessite une prise en charge médicale dont le défaut aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qui peut effectivement être réalisée en Algérie, pays à destination duquel l'intéressé peut voyager en avion sans risque ; que si M. A soutient qu'il importe que la continuité des soins qui lui sont dispensés en France soit assurée et que les infrastructures et moyens humains requis pour traiter sa pathologie font défaut en Algérie, il n'apporte, au soutien de cette affirmation, aucun justificatif, alors que le préfet de l'Isère a produit au dossier, devant les premiers juges, un document établi en 2006, faisant état de la possible prise en charge médicale des états dépressifs sur tout le territoire algérien ainsi qu'un courrier rédigé le 4 juin 2007 par un chef de service hospitalo-universitaire de psychiatrie algérien affirmant que toutes les pathologies psychiatriques et psychologiques peuvent être soignées en Algérie, où des psychiatres et psychologues sont installés sur l'ensemble du territoire ; qu'il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que M. A ne pourrait pas recevoir des soins appropriés dans son pays d'origine ; que, dès lors, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien en refusant de lui délivrer un certificat de résidence algérien ;

Considérant en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que si M. A soutient qu'il a tissé des liens importants sur le territoire français et que sa sécurité ne serait pas assurée en Algérie, il n'apporte aucune précision quant à l'intensité de ces liens, alors que, célibataire, sans enfant et présent en France depuis seulement un an et demi, ses attaches proches constituées de ses parents et de ses frères et soeurs se situent en Algérie, où lui-même a vécu et travaillé jusqu'à l'âge de trente-six ans et où il n'établit pas qu'il ne pourrait pas mener une vie privée normale ; que, par suite, en lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de l'Isère n'a pas porté au droit de M. A au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus et n'a, en conséquence, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été énoncés ci-dessus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour, les moyens tirés de la violation, par la décision faisant obligation à M. A de quitter le territoire français, des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être écartés ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant que M. A soutient encourir des risques, au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'il doit, par suite, être regardé comme entendant contester la décision du 17 mai 2010 par laquelle le préfet de l'Isère a désigné le pays à destination duquel il serait éloigné ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que M. A soutient que le 28 août 2008, alors qu'il circulait comme passager dans un taxi collectif, le véhicule dans lequel il se trouvait a été contraint de s'arrêter à un barrage tenu par des terroristes qui ont menacé les passagers et lui ont notamment demandé s'il travaillait pour l'Etat, ce qu'il a démenti, que les occupants du taxi se sont ensuite rendus dans un commissariat pour déposer plainte mais que les policiers leur ont indiqué que des poursuites contre leurs agresseurs étaient difficilement envisageables et que la peur qu'un tel évènement ne se reproduise l'a incité à quitter l'Algérie pour la France le 7 octobre 2008 ; que, toutefois, M. A, qui n'apporte aucun justificatif à l'appui de son récit, n'établit pas la réalité des faits ainsi allégués ni le caractère réel, personnel et actuel de risques qu'il encourrait en cas de retour en Algérie en se bornant à produire des articles de presse faisant état d'attaques terroristes contre des militaires algériens ; que, par suite, en désignant l'Algérie comme pays à destination duquel M. A serait renvoyé, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Sadok A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 18 mai 2011 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. Vivens, président de chambre,

M. Picard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 31 mai 2011.

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N° 10LY02595


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10LY02595
Date de la décision : 31/05/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : LEVY- SOUSSAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-05-31;10ly02595 ?
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