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03/01/2011 | FRANCE | N°10LY00897

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 3ème chambre, 03 janvier 2011, 10LY00897


Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 22 avril 2010 et régularisée le 26 avril 2010, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001670 en date du 19 mars 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 16 mars 2010, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Hamza et les décisions distinctes du même jour fixant le pays dont il a la nationalité

comme destination de la reconduite et ordonnant son placement en rétention adminis...

Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 22 avril 2010 et régularisée le 26 avril 2010, présentée par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001670 en date du 19 mars 2010, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 16 mars 2010, par lequel il a ordonné la reconduite à la frontière de M. Hamza et les décisions distinctes du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) de rejeter la demande de M. tendant à l'annulation de ces décisions ;

Il soutient qu'en annulant l'arrêté de reconduite à la frontière édicté à l'encontre de M. , le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a entaché son jugement, d'une part, d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'intéressé ne justifie pas de dix années de présence continue sur le territoire français et, d'autre part, d'une erreur de droit en retenant à tort la violation des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré par télécopie au greffe de la Cour le 4 août 2010 et régularisé le 6 août 2010, présenté pour M. Hamza , domicilié ... qui conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient, à titre principal, que la requête du préfet de la Haute-Savoie est irrecevable dès lors qu'elle est signée par une autorité incompétente, que c'est à bon droit que le premier juge a annulé l'arrêté de reconduite à la frontière édicté à son encontre dès lors qu'il justifie d'une présence sur le territoire français de plus de dix ans et entre dans le cadre des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ayant fixé en France le centre de sa vie privée, la décision ordonnant sa reconduite à la frontière porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire complémentaire enregistré par télécopie au greffe de la Cour le 1er octobre 2010 et régularisé le 5 octobre 2010, présenté par le préfet de la Haute-Savoie qui confirme ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens, et soutient que sa requête introductive d'instance est recevable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 décembre 2010 :

- le rapport de M. Fontanelle, président ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la recevabilité de la requête du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE :

Considérant qu'aux termes de l'article 43 du décret du 29 avril 2004 susvisé : Le préfet de département peut donner délégation de signature : 1° En toutes matières et notamment pour celles qui intéressent plusieurs chefs des services des administrations civiles de l'Etat dans le département, au secrétaire général et aux chargés de mission ; ; que, conformément à ces dispositions, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE a donné, par arrêté préfectoral n° 2009-2396 du 31 août 2009 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Savoie du même jour, délégation à M. Jean-François B, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Savoie, aux fins de signer notamment tous arrêtés et décisions, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département du la Haute-Savoie à l'exception des arrêtés portant élévation de conflit, des réquisitions de logement, et des réquisitions de comptables publics; que, par suite, le moyen tiré de ce que M. B n'était pas habilité à signer la requête d'appel manque en fait ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation du jugement :

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. , de nationalité bosniaque, est entré irrégulièrement en France en août 1998 et n'était pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de la mesure d'éloignement, le 16 mars 2010 ; qu'ainsi, il entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière du 16 mars 2010 et les décisions subséquentes du même jour édictées par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE à l'encontre de M. , le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a retenu la violation, par la mesure de reconduite, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard à la circonstance que M. doit être regardé au regard des pièces produites comme prouvant sa présence sinon continue, à tout le moins habituelle à Annecy depuis 1998, et qu'il ne serait pas vraisemblable qu'après une présence aussi longue dans une seule ville, il n'y ait noué aucun lien ; que, toutefois, pour attester de sa présence en France depuis plus de dix ans, M. a produit plusieurs attestations de centres d'hébergement pour justifier de sa présence du 3 décembre 1998 au 30 novembre 1999, puis pour les années 2001 et 2002, toutes établies postérieurement aux périodes concernées, au demeurant contradictoires et dépourvues de valeur probante, et qu'il ressort d'un procès-verbal de gendarmerie daté du 11 août 2009 que M. n'a jamais été hébergé dans l'un de ces foyers ; que les copies de deux cartes bancaires expirant en 2001 et 2003 ne permettent pas, par elle-même, d'établir sa présence en France sur les périodes antérieures à leur expiration ; que l'attestation d'un tiers datée du 21 avril 2008 qui déclare connaître M. est dépourvue de toute valeur probante ; que, si M. produit également une ordonnance et le compte rendu d'un acte médical pour l'année 1999, de deux lettres de la caisse primaire d'assurance maladie datée du 9 septembre 1999 et du 11 octobre 2002 et se prévaut de ses demandes d'asile formulées les 28 septembre 1998, 9 juin 1999 et 18 janvier 2005 ainsi que de la remise en mains propres d'une invitation à quitter le territoire national, le 28 septembre 2009, il n'apporte pas suffisamment d'éléments probants pour justifier sa présence habituelle en France, notamment pour les années 2001 et 2006, et n'établit pas y résider habituellement depuis dix ans ; qu'à supposer même cette circonstance avérée, en tout état de cause, M. n'établit pas être intégré en France où, hormis de courtes périodes où il était titulaire d'une autorisation provisoire de séjour en attente de l'instruction de ses demandes, il s'est maintenu irrégulièrement malgré les mesures d'éloignement prises à son encontre, par une invitation à quitter le territoire national du 10 mai 1999, un refus de titre de séjour et une invitation à quitter le territoire national le 29 novembre 1999, une reconduite à la frontière du 29 mai 2000 dont la légalité a été confirmée par le Tribunal administratif de Grenoble le 14 juin 2000, d'autres des 18 janvier 2005 et 23 septembre 2007 dont la légalité a été confirmée par la Cour de céans, puis à nouveau une reconduite à la frontière du 9 octobre 2008 dont la légalité a également été confirmée par la Cour de céans ; qu'au surplus, M. fait l'objet d'un signalement au fichier Schengen, territoire dans lequel il n'est pas admissible ; qu'au surplus, selon ses propres déclarations, M. est dépourvu d'attaches en France quand sa famille réside dans son pays d'origine ; que, compte tenu des circonstances de l'espèce, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé, d'une part, l'arrêté de reconduite à la frontière pour violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et d'autre part, par voie de conséquence, les décisions fixant le pays de renvoi de la mesure d'éloignement et ordonnant le placement de M. en rétention administrative ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. , tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière édicté à l'encontre de M. , le 16 mars 2010 a été signé par M. Régis Castro, directeur de cabinet du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, titulaire d'une délégation de signature en application de l'arrêté 2009-3501 du 23 décembre 2009, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Savoie; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des actes ne peut qu'être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté de reconduite à la frontière litigieux énonce les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sur lesquelles il est fondé et les éléments de fait qui justifient la mesure d'éloignement édictée à l'encontre de M. ; que l'absence de mention de la circonstance que l'intéressé soit entré en France une première fois en 1992 n'est pas de nature à faire regarder ledit arrêté comme insuffisamment motivé ; qu'il ressort, en outre, des pièces du dossier que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE qui n'était pas tenu de préciser en quoi la situation particulière de l'intéressé ne faisait pas obstacle à la mise en oeuvre de la procédure d'éloignement, a effectivement procédé à l'examen préalable de la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination et ordonnant le placement en rétention de M. :

Considérant que M. ne soulève aucun moyen à l'encontre des décisions fixant le pays de destination et ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé son arrêté du 16 mars 2010 portant reconduite à la frontière de M. , et, par voie de conséquence, les décisions fixant le pays de destination et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé ; que, par suite, doivent être rejetées les conclusions à fin d'injonction présentées en appel par M. ainsi que ses conclusions à fin d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 100670 du 19 mars 2010 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon est annulé.

Article 2 : La demande de M. tendant à l'annulation des décisions du 16 mars 2010 du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE portant reconduite à la frontière, fixant le pays à destination duquel cette mesure de police serait exécutée et ordonnant le placement en rétention administrative est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. présentées devant la Cour sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Hamza et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE.

Lu en audience publique, le 3 janvier 2011.

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N° 10LY00897.DOC

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 10LY00897
Date de la décision : 03/01/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guy FONTANELLE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : SCP METRAL - CARBINER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2011-01-03;10ly00897 ?
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