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09/12/2010 | FRANCE | N°10LY01872

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 2ème chambre, 09 décembre 2010, 10LY01872


Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 5 août 2010, présentée pour Mme , domicilié chez M. , 1 bis allée des Carreaux à Verrières le Buisson (91370) ;

Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004556 du 29 juillet 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 26 juillet 2010, par lequel le préfet de l'Ain a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, des décisions

distinctes du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité comme destination d...

Vu la requête, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 5 août 2010, présentée pour Mme , domicilié chez M. , 1 bis allée des Carreaux à Verrières le Buisson (91370) ;

Mme demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004556 du 29 juillet 2010 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 26 juillet 2010, par lequel le préfet de l'Ain a ordonné sa reconduite à la frontière et, d'autre part, des décisions distinctes du même jour fixant le pays dont elle a la nationalité comme destination de la reconduite et ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler l'arrêté et les décisions susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ain de procéder au réexamen de sa situation et lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1500 euros au profit de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Elle soutient que le premier juge a omis de statuer sur l'intégralité des moyens qu'elle avait soulevés devant lui, tirés, d'une part, de l'absence d'examen préalable de sa situation et, d'autre part, de l'erreur de fait et de droit dont est entachée la décision de placement en rétention administrative ; que, par suite, le jugement est entaché d'irrégularités ; que l'arrêté de reconduite à la frontière, qui ne comporte pas d'élément propre à sa situation est insuffisamment motivé en fait et que le préfet de l'Ain s'est abstenu de procéder à un examen particulier de sa situation avant d'édicter la mesure d'éloignement ; qu'en raison de son absence d'attaches et de ressources dans son pays d'origine, et des liens affectifs qu'elle a noués avec son cousin et ses petits-cousins, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ; que sa présence étant indispensable à l'équilibre affectif de ses petits-cousins, la mesure de reconduite méconnaît dès lors les stipulations de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant ; que, disposant de garanties de représentation suffisantes, la décision de placement en rétention administrative prise à son encontre est injustifiée et entachée d'une erreur de fait et de droit ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 9 septembre 2009 présenté par le préfet de l'Ain, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que le jugement est régulier ; que l'arrêté de reconduite à la frontière, édicté après examen préalable de la situation de Mme , est suffisamment motivé ; qu'il ne viole ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles de l'article 3-1 de la convention des droits de l'enfant et n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; que la mesure de placement en rétention administrative est justifiée dès lors que Mme , laquelle était dépourvue de domicile personnel et était hébergée dans la région parisienne, ne justifie pas de garanties de représentation suffisante, comme d'ailleurs l'a corroboré le fait qu'elle ne s'était pas présentée à l'embarquement qui lui avait été notifié en vue d'exécuter la mesure d'éloignement prise à son encontre ;

Vu la décision du 1er octobre 2010 accordant l'aide juridictionnelle totale à Mme ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 novembre 2010 :

- le rapport de M. Chanel, président ;

- les observations de Me Calvet-Baridon, avocate de Mme ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

- la parole ayant été donnée à nouveau à Me Calvet-Baridon ;

Sur la régularité du jugement contesté :

Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que Mme a présenté, par mémoire complémentaire daté du 29 juillet 2010, des moyens tirés, d'une part, du défaut d'examen préalable de sa situation à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière et, d'autre part, de l'erreur de fait et de droit à l'encontre de la décision ordonnant son placement en rétention administrative ; qu'il n'est pas établi que ledit mémoire soit parvenu au Tribunal administratif après la clôture d'instruction ; qu'il ressort du jugement que le premier juge a répondu aux moyens qui y étaient développés à l'encontre de la décision ordonnant le placement en rétention administrative de Mme ; qu'en revanche, il ne s'est pas prononcé sur le moyen, qui n'est pas inopérant, tiré de ce que le préfet de l'Ain n'a pas procédé à un examen particulier de la situation de l'intéressée avant d'édicter à son encontre un arrêté de reconduite à la frontière ; que, dès lors, la requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer sur ce moyen dirigé contre l'arrêté de reconduite à la frontière ; que, par suite, ledit jugement est irrégulier et doit être annulé ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer dans cette mesure et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par Mme devant le Tribunal administratif à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme , de nationalité camerounaise, est entrée régulièrement en France, sous couvert d'un visa de court séjour, valable du 13 juin 2007 au 3 juillet 2007, et s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, le 26 juillet 2007, elle entrait dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des mentions de l'arrêté de reconduite à la frontière, qui cite les dispositions du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que Mme est de nationalité camerounaise, est entrée en France sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa Schengen valable du 13 juin 2007 au 3 juillet 2007 pour un séjour touristique de dix jours et s'est maintenue sur le territoire français au-delà de la validité de son visa sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; que cette mesure d'éloignement, qui énonce les considérations de droit ou de fait sur lesquelles elle se fonde, est, suffisamment motivée, quand bien même elle ne ferait pas état du rôle qu'elle jouerait auprès de petits-cousins ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Ain a procédé à un examen particulier de la situation de Mme avant d'édicter à son encontre l'arrêté de reconduite à la frontière contesté ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui.

Considérant qu'au soutien du moyen tiré du non-respect des stipulations précitées par la décision contestée, Mme fait valoir qu'elle réside en France depuis trois ans et y a fixé le centre de sa vie privée et familiale, qu'elle est dépourvue de famille, de ressources et de moyens dans son pays d'origine alors qu'elle s'occupe des enfants de sa cousine décédée et seconde leur père, M. Mambou ; que, toutefois, Mme n'établit pas son lien de parenté avec les enfants Mambou ; qu'au demeurant, elle ne démontre pas le caractère indispensable de sa présence auprès d'eux, à la supposer avérée, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'ils ne sont pas dépourvus de famille proche en France susceptible de les assister ; que, si elle soutient résider et assister la famille Mambou, elle déclare être sans ressources et bénéficier du soutien financier de compatriotes camerounais et produit, par ailleurs, une attestation dépourvue de valeur probante, rédigée postérieurement à la date de la décision attaquée, selon laquelle sa cousine résidant en Suisse contribuerait à ses besoins ; que Mme est entrée en France à l'âge de 61 ans, qu'elle a donc passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine où elle n'établit pas être dépourvue d'attaches ; que l'intéressée ne justifie pas d'une insertion particulière en France où elle se maintient irrégulièrement depuis 2007, et n'a effectué aucune démarche en vue de régulariser sa situation ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour de la requérante en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il n'est pas davantage entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale ; qu'il résulte de ces dernières stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

Considérant que Mme fait valoir qu'elle prend soin, depuis trois ans, d'enfants mineurs de sa famille, orphelins de mère ; que, toutefois, la seule production d'une attestation de la directrice d'école selon laquelle Mme vient chercher l'un des enfants, présenté comme son petit-fils à l'école, est, en tout état de cause, insuffisante pour démontrer à la fois le rôle qu'elle jouerait auprès de ces enfants avec lesquels, comme il a été dit, le lien de parenté n'est pas établi, et le caractère indispensable de sa présence auprès d'eux ; que, par suite, le préfet de l'Ain a pu légalement édicter un arrêté de reconduite à la frontière à l'encontre de Mme sans porter une atteinte à l'intérêt supérieur des enfants, en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits des enfants ; qu'il n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la légalité de la décision ordonnant son placement en rétention administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Le placement en rétention d 'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger : (...) 3° Soit, faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 et édicté moins d'un an auparavant, (...) ne peut quitter immédiatement le territoire français ; (...) ;

Considérant que Mme prétend présenter des garanties de représentation suffisantes motif pris de ce qu'elle est domiciliée chez le mari de sa défunte cousine ; que, toutefois, il n'est pas établi par les pièces du dossier que Mme , qui a fait état d'une fausse identité lors de son interpellation, justifie d'un domicile stable, et qui, en tout état de cause, n'était pas connu de l'administration préfectorale dès lors qu'elle n'a jamais engagé de démarche en vue de régulariser sa situation ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de l'Ain.

Lu en audience publique, le 9 décembre 2010.

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N° 10LY01872

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 10LY01872
Date de la décision : 09/12/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian CHANEL
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : CALVET-BARIDON CECILE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-12-09;10ly01872 ?
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