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09/07/2010 | FRANCE | N°09LY01255

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 3ème chambre, 09 juillet 2010, 09LY01255


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 8 juin 2009, présentée pour M. Helmi A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902013 en date du 17 avril 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 3 avril 2009, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination d

e la reconduite, et d'autre part, de la mise en demeure, du même jour, de quitter ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 8 juin 2009, présentée pour M. Helmi A, domicilié ... ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902013 en date du 17 avril 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 3 avril 2009, par lequel le préfet du Rhône a ordonné sa reconduite à la frontière et de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite, et d'autre part, de la mise en demeure, du même jour, de quitter le territoire national dans le délai de sept jours qui les accompagnait ;

2°) d'annuler l'arrêté et la décision susmentionnés pour excès de pouvoir ainsi que la mise en demeure ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une carte de séjour mention vie privée et familiale , dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 60 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Il soutient que le fondement légal de l'arrêté de reconduite à la frontière pris à son encontre est erroné dès lors qu'il est entré régulièrement sur le territoire national ; que cette mesure porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et que le préfet du Rhône a fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ; que la décision fixant le pays de destination est signée par une autorité incompétente, comme l'est aussi la mise en demeure qui, au surplus, méconnaît les dispositions de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000 modifiée relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 28 octobre 2009 présenté par le préfet du Rhône, qui conclut au rejet de la requête et sollicite le bénéfice de la somme de 1000 Euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que M. A entre dans le cas prévu par les dispositions précitées du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ; que les décisions contestées ne sont pas entachées d'incompétence ;que l'arrêté de reconduite à la frontière ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu la lettre en date du 28 janvier 2010 par laquelle le président de la Cour a informé les parties, de ce que la Cour est susceptible de procéder d'office à une substitution de base légale en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée, relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juillet 2010 :

- le rapport de M. Fontanelle, président ;

- et les conclusions de M.Reynoird, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) et qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 21 de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985, signée le 19 juin 1990 : Les étrangers titulaires d'un titre de séjour délivré par une des Parties contractantes peuvent, sous le couvert de ce titre ainsi que d'un document de voyage, ces documents étant en cours de validité, circuler librement pendant une période de trois mois au maximum sur le territoire des autres Parties contractantes ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A, de nationalité tunisienne, est entré en France le 13 décembre 2004, en provenance d'Allemagne, sous couvert d'un titre de séjour délivré par les autorités allemandes, venant à expiration le 8 février 2005 ; qu'ainsi, contrairement à ce qu'indiquent les motifs de l'arrêté attaqué, M. A justifiait être entré régulièrement en France ; que, par suite, la décision de reconduire l'intéressé à la frontière ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, toutefois, que lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui appliqué, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'un telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

Considérant qu'à la date de l'arrêté attaqué, M. A résidait en France depuis plus de trois mois et n'était pas titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré par les autorités françaises ; qu'il entrait ainsi dans le cas prévu par les dispositions précitées du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ; qu'ainsi, il y a lieu de procéder à la substitution de base légale , laquelle n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;

Considérant que M. A, ressortissant tunisien, fait valoir qu'il vit depuis 2004 en France, qu'il y a rejoint l'essentiel de sa famille, régulièrement installée, et ne dispose plus d'attaches en Tunisie ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier, qu'à la date de la décision attaquée, M. A, célibataire et sans enfant, est âgé de 27 ans, qu'il a vécu l'essentiel de son existence dans son pays d'origine où réside une partie de sa famille et notamment, selon ses propres déclarations aux services de police, trois frères et une soeur, et où se trouve la maison familiale ; que si l'intéressé produit les demandes d'inscription en institut universitaire de technologie effectuées en 2005 pour démontrer sa volonté de poursuivre ses études en France, ces pièces ainsi que les attestations de proches, dénuées de force probante et pour la plupart postérieures à la date de la décision attaquée, ne sauraient suffire à justifier d'une intégration particulière ; que par suite, et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions d'entrée et de séjour du requérant en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ;

Considérant en second lieu, que M. A soutient que le préfet du Rhône a fait une appréciation manifestement erronée des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. A dès lors que ce dernier est en permanence au chevet de son père qui souffre de diabète insulino-dépendant et de polypathologies invalidantes nécessitant en permanence la présence d'un tiers et qu'il est le seul enfant à pouvoir lui apporter cette assistance en raison de sa disponibilité, qu'il dispose d'une promesse d'embauche et qu'il a accompli dès mars 2007, par l'intermédiaire d'un conseiller juridique, des démarches en vue de régulariser sa situation auprès du ministère de l'Intérieur lequel s'est abstenu de transmettre ladite demande au préfet du Rhône, en violation des dispositions de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 ; que toutefois, M. A produit à l'appui de ses allégations, deux certificats médicaux relatifs à l'état de santé de son père, dont l'un est postérieur à date de la décision contestée et, par conséquent, sans incidence sur la légalité de ladite décision, et, qu'à supposer avérée la nécessité pour le père de l'intéressé d'être en permanence assisté, il n'est pas établi que M. A soit la seule personne en capacité d'apporter une telle assistance dès lors que la mère de ce dernier vit avec son époux ainsi que plusieurs de leurs autres enfants, en situation régulière ; que, par ailleurs, M. A fait valoir sa volonté de s'intégrer et produit une promesse d'embauche établie le 4 avril 2009, soit postérieurement à la date de la décision contestée et par conséquent sans incidence ; qu'enfin, le fait que M. A ait adressé au ministre de l'Intérieur, par courrier du 7 mars 2007 , une demande de régularisation de sa situation et qu'il appartenait audit ministre, en application de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000, de transmettre cette demande aux fins d'instruction, au préfet territorialement compétent, est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière contesté, dès lors qu'à supposer que le préfet du Rhône ait été saisi d'une telle demande, cette circonstance ne lui faisait pas obligation de surseoir à l'édiction d'un arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé, les conditions légales de la reconduite se trouvant réunies ; que M. A ne peut utilement alléguer, qu'il aurait été induit en erreur par un tiers, qu'il aurait chargé d'effectuer ses démarches de régularisation, et qu'il ne s'est pas présenté personnellement au guichet de la préfecture aux fins de dépôt d'une demande de titre de séjour, par crainte d'y être interpellé et de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

Sur la décision fixant le pays de destination

Considérant que la décision fixant le pays de destination de la reconduite de M. A a été signée par M. René B, secrétaire général de la préfecture du Rhône ; que M. A soutient que M. B ne tire sa compétence que de l'absence ou de l'empêchement de M. C, préfet délégué pour la sécurité et la défense auprès du préfet du Rhône, en vertu des dispositions de l'arrêté préfectoral du 9 juin 2008 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture mais que l'absence ou l'empêchement ne seraient pas établis ; que toutefois, il appartient à la partie contestant la qualité du délégataire pour signer l'arrêté attaqué d'établir que le préfet délégué n'était ni absent, ni empêché ; que M. A n'apporte aucun élément à l'appui de ses allégations ;

Sur la mise en demeure de quitter le territoire national

Considérant que la mise en demeure de quitter le territoire national du 3 avril 2009, qui se borne à informer l'intéressé des sanctions encourues en cas de non exécution, dans le délai de sept jours, de l'arrêté de reconduite à la frontière dont il fait l'objet, ne constitue pas une décision faisant grief et sur laquelle la mesure d'éloignement serait fondée ; que, par suite, les moyens dirigés contre cette mise en demeure sont inopérants ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

Sur les conclusions du préfet du Rhône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A quelque somme que ce soit au profit de l'Etat, au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Helmi A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Lu en audience publique, le 9 juillet 2010.

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N° 09LY01255

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY01255
Date de la décision : 09/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Guy FONTANELLE
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : ROKSANA NASERZADEH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-07-09;09ly01255 ?
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