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05/05/2010 | FRANCE | N°09LY01981

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 05 mai 2010, 09LY01981


Vu la requête, enregistrée à la Cour le 17 août 2009, présentée pour Mlle Naima A, domiciliée ... ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901285, en date du 21 juillet 2009, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Côte d'Or, du 15 avril 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à déf

aut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui ...

Vu la requête, enregistrée à la Cour le 17 août 2009, présentée pour Mlle Naima A, domiciliée ... ;

Mlle A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901285, en date du 21 juillet 2009, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Côte d'Or, du 15 avril 2009, portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignation du pays à destination duquel elle serait reconduite à l'expiration de ce délai, à défaut pour elle d'obtempérer à l'obligation de quitter le territoire français qui lui était faite ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

Elle soutient que les pièces qu'elle produit démontrent qu'elle réside en France depuis plus de dix ans à la date de la décision en litige et que, par conséquent, les décisions portant refus de délivrance de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d'un vice de procédure en l'absence de consultation préalable de la commission du titre de séjour ; qu'eu égard à l'ancienneté de ses liens personnels et familiaux en France, où elle déclare résider depuis 1996, ainsi qu'à son isolement dans son pays d'origine, où elle soutient avoir subi des maltraitances de la part de ses frères, et au rôle qu'elle assumait à la date de la décision en litige auprès de son père souffrant, ces mêmes décisions méconnaissent les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle a fui son pays d'origine en raison des maltraitances qu'elle y subissait de la part de ses frères et que, dès lors, ces mêmes décisions méconnaissent les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; que les décisions portant refus de délivrance de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'un retour dans son pays d'origine l'exposerait aux violences de ses frères de sorte que la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 28 décembre 2009, présenté par le préfet de la Côte d'Or, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que Mlle A n'apporte pas la preuve d'une résidence continue de dix ans en France et que le moyen tiré du vice de procédure doit, dès lors, être écarté ; qu'elle n'apporte pas la preuve de son isolement au Maroc où elle a vécu jusqu'à son entrée en France et où demeurent encore cinq de ses soeurs et qu'en outre, elle n'apporte pas la preuve du lien entre les cicatrices dont font état les pièces médicales qu'elle verse au dossier et les violences alléguées de la part de ses frères ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté de même que celui tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-14 du même code ; que les moyens tirés de l'erreur manifeste d'appréciation, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de cette même convention doivent, eux aussi, être écartés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 avril 2010 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la légalité des décisions portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du quatrième alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. ;

Considérant qu'en se bornant à produire une simple attestation, daté du 25 octobre 2006, émanant d'un médecin généraliste qui certifie la suivre depuis plus de dix ans , Mlle A n'établit pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans à la date du 15 avril 2009, à laquelle a été prise la décision attaquée ; qu'elle n'est, par suite, pas fondée à soutenir qu'avant de prendre cette décision, le préfet de la Côte d'Or aurait dû saisir la commission du titre de séjour mentionnée à l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; ( ...) et qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que Mlle A, ressortissante marocaine née le 31 décembre 1974, fait valoir qu'elle réside depuis 1996 en France, où elle s'est réfugiée, fuyant les maltraitances que lui infligeaient ses frères au Maroc, qu'à la date de la décision attaquée, sa présence en France, auprès de son père, était indispensable en raison de l'état de santé de ce dernier, aujourd'hui décédé, et qu'elle a fait des efforts d'insertion sociale et professionnelle ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que Mlle A n'établit pas résider habituellement en France depuis 1996, ainsi qu'elle le prétend ; que les conditions et la date de son entrée sur le territoire français sont indéterminées ; qu'elle est célibataire et sans enfant, et ne justifie pas d'une insertion sociale ou professionnelle en France, en dépit de son inscription auprès d'un centre linguistique le 14 avril 2008, afin d'apprendre le français ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que sa présence auprès de son père malade ait présenté un caractère indispensable, n'étant pas la seule personne susceptible de lui prêter assistance ; que les risques de mauvais traitements qu'elle invoque sont sans incidence sur la légalité de la décision refusant un titre de séjour qui ne fixe pas le pays de renvoi ; qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales au Maroc, pays où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 22 ans et où vivent, notamment, cinq de ses soeurs ; que, dans ces conditions, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de Mlle A ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. que la requérante soutient que les maltraitances qu'elle déclare avoir subies de la part de ses frères au Maroc ainsi que les troubles psychologiques dont elle souffre justifient qu'un titre de séjour lui soit délivré sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'à l'appui de ses allégations, elle produit des certificats médicaux indiquant la présence sur son corps de nombreuses cicatrices témoignant de mauvais traitements dont elle était la victime apparemment dans son pays d'origine ainsi que des déclarations sur l'honneur faisant état de disputes entre elle et ses frères ; que, toutefois, outre que ces documents ne sauraient, par eux-mêmes, attester de la réalité de sévices qui lui auraient été infligés par ses frères, il ressort d'un certificat médical versé au dossier que la requérante ne présentait, à la date de la décision en litige, aucune pathologie justifiant un suivi psychiatrique ; que, dans ces conditions, Mlle A n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la Côte d'Or a fait une inexacte application des dispositions précitées du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant que pour les mêmes motifs que ceux qui ont été précédemment énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, la décision portant obligation pour Mlle A de quitter le territoire français n'est pas entachée d'un vice de procédure, n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni celles de l'article L. 313-14 dudit code ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ; que ces stipulations, combinées avec les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que Mlle A fait valoir qu'un retour au Maroc l'exposerait aux menaces de ses frères, dont elle a soutient avoir été victime de maltraitances, ainsi qu'à un risque de décompensation dépressive, voire de suicide ; qu'ainsi qu'il a été dit plus haut, les certificats médicaux et les déclarations sur l'honneur produits par la requérante ne permettent pas d'établir que les cicatrices qu'elle présente ont pour origine des maltraitances infligées par ses frères et, qu'en cas de retour dans son pays d'origine, elle encourrait des risques sérieux de traitements inhumains ou dégradants auxquels les autorités marocaines ne seraient, le cas échéant, pas en mesure de parer par une protection appropriée ; qu'enfin, si Mlle A invoque des troubles psychologiques et un risque de suicide en cas de retour dans son pays d'origine, il ressort d'un certificat établi le 28 janvier 2009 par un médecin psychiatre agréé, versé au dossier, qu'elle ne présente aucune pathologie justifiant un suivi psychiatrique ; que, par suite, en désignant le Maroc comme pays de destination de la mesure d'éloignement prise à l'encontre de l'intéressée, le préfet de la Côte d'Or n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mlle A n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mlle A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle Naima A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de la Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 28 avril 2010 à laquelle siégeaient :

M. Le Gars, président de la Cour,

M. du Besset, président de chambre,

M. Arbaretaz, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 mai 2010.

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N° 09LY01981


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY01981
Date de la décision : 05/05/2010
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : MEHDAOUI ABDELLAH

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-05-05;09ly01981 ?
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