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03/02/2010 | FRANCE | N°09LY00407

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 2ème chambre, 03 février 2010, 09LY00407


Vu le recours, enregistré par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 25 février 2009 et régularisé le 22 octobre 2009, présenté par le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900768 du 13 février 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 11 février 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ioan A, ainsi que ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordon

nant le placement en rétention administrative de l'intéressé ;

2°) de condamner M...

Vu le recours, enregistré par télécopie au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 25 février 2009 et régularisé le 22 octobre 2009, présenté par le PREFET DE L'ISERE ;

Le PREFET DE L'ISERE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0900768 du 13 février 2009 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 11 février 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ioan A, ainsi que ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé ;

2°) de condamner M. Ioan A à lui rembourser les sommes versées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le tribunal administratif a commis une erreur de droit dès lors que la réalité ou l'existence d'une menace réelle, grave et immédiate à l'ordre public n'est pas subordonnée à l'existence de poursuites ou de condamnations pénales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les lettres des 15 mai et 14 septembre 2009, réceptionnées par la préfecture de l'Isère respectivement les 18 mai et 17 septembre 2009, rappelant au préfet les dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative et l'invitant à régulariser sa requête dans le délai de quinze jours, à peine d'irrecevabilité, en indiquant à la Cour le domicile de M. A ;

Vu la réponse du PREFET DE L'ISERE, enregistrée par télécopie au greffe de la Cour le 22 octobre 2009, indiquant qu'aucune adresse de M. A n'est connue de ses services ;

Vu l'absence de communication de la requête du PREFET DE L'ISERE à M. A en l'absence de domicile connu du défendeur ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le traité relatif à l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne, signé à Luxembourg, le 25 avril 2005 ;

Vu la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du conseil de l'Union européenne du 29 avril 2004 relative aux droits des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Le PREFET DE L'ISERE ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 janvier 2010 :

- le rapport de M. Chanel, président ;

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la directive n° 2004/38 CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 susvisée : 1. Les citoyens de l'Union ont le droit de séjourner sur le territoire d'un autre Etat membre pour une période allant jusqu'à trois mois, sans autres conditions ou formalités que l'exigence d'être en possession d'une carte d'identité ou d'un passeport en cours de validité. (...) ; qu'aux termes de l'article 27 de la même directive : 1. (...) les États membres peuvent restreindre la liberté de circulation et de séjour d'un citoyen de l'Union ou d'un membre de sa famille, quelle que soit sa nationalité, pour des raisons d'ordre public, de sécurité publique ou de santé publique. (...) / 2. Les mesures d'ordre public ou de sécurité publique doivent respecter le principe de proportionnalité et être fondées exclusivement sur le comportement personnel de l'individu concerné. L'existence de condamnations pénales antérieures ne peut à elle seule motiver de telles mesures. Le comportement de la personne concernée doit représenter une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société. Des justifications non directement liées au cas individuel concerné ou tenant à des raisons de prévention générale ne peuvent être retenues. (...) ; qu'aux termes de l'article L. 121-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Tout citoyen de l'Union européenne, tout ressortissant d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ou les membres de sa famille qui ne peuvent justifier d'un droit au séjour en application de l'article L. 121-1 ou de l'article L. 121-3 ou dont la présence constitue une menace à l'ordre public peut faire l'objet, selon le cas, d'une décision de refus de séjour, d'un refus de délivrance ou de renouvellement d'une carte de séjour ou d'un retrait de celle-ci ainsi que d'une mesure d'éloignement prévue au livre V. ; qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du même code : L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : / (...) 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / (...) 8° Si pendant la période de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, pendant la période définie au 2° ci-dessus, le comportement de l'étranger a constitué une menace pour l'ordre public ou si, pendant cette même durée, l'étranger a méconnu les dispositions de l'article L. 341-4 du code du travail. ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté du 11 février 2009 du PREFET DE L'ISERE ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, de nationalité roumaine, et les décisions du même jour fixant la destination de la reconduite et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Lyon a jugé que la mesure d'éloignement visant M. A ne pouvait être regardée comme légale au regard des exigences des dispositions précitées, et notamment de celles édictées à l'article 27 précité de la directive n° 2004/38 CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004, dès lors que, selon lui, le comportement de l'intéressé, interpellé le 11 février 2009 par les gendarmes de la brigade de Pont de Claix environ deux mois après son entrée en France pour menace avec arme, ne pouvait être regardé comme représentant une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société, de nature à justifier une mesure de reconduite à la frontière, dès lors que la réalité de cette menace était contestée par M. A et que ce dernier n'avait pas fait l'objet de poursuites ou d'une condamnation pénales à raison de ces faits ;

Considérant, toutefois, que, même si le procureur de la République a renoncé aux poursuites contre M. A et que celui-ci conteste avoir menacé avec une arme le veilleur de nuit du centre où il était hébergé avec sa famille, il ne ressort pas des pièces du dossier que les faits ci-dessus relevés à son encontre soient inexacts ; que, selon plusieurs témoignages de membres du personnel du centre d'hébergement, l'intéressé aurait, à plusieurs reprises, menacé de mort des travailleurs du centre alors qu'il était en état d'ébriété ; qu'ainsi, dans les circonstances de l'espèce, le comportement menaçant et violent de M. A, tel qu'il a pu être observé dès son entrée sur le territoire, survenue au début du mois de décembre 2008, doit être regardé comme représentant une menace pour l'ordre public , au sens du 8° du II de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et comme constituant une menace réelle, actuelle et suffisamment grave pour un intérêt fondamental de la société au sens de l'article 27 de la directive n° 2004/38 CE du 29 avril 2004 ; que l'arrêté de reconduite à la frontière dont s'agit n'est pas dépourvu de fondement légal ; que, par suite, le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 11 février 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. A au motif qu'il était entaché d'erreur de droit et, par voie de conséquence, les décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. A devant le Tribunal administratif ;

Sur la décision ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé :

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 11 février 2009 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Ioan A, a été signé par M. B, secrétaire général adjoint de la préfecture de l'Isère, et que M. B disposait à cet effet d'une délégation du préfet par arrêté n° 2008-10784 pris le 29 décembre 2008 et publié le jour même au recueil des actes administratifs ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés attaqués doit être écarté ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article R. 512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : La notification des arrêtés de reconduite à la frontière pris à l'encontre des ressortissants mentionnés à l'article L. 121-4 comporte le délai imparti pour quitter le territoire. Sauf urgence, ce délai ne peut être inférieur à un mois. ;

Considérant que la décision ordonnant la reconduite à la frontière de M. A vise notamment le 8° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, précise que M. Ioan A a déclaré être entré sur le territoire français fin 2008 sous couvert d'un passeport en cours de validité et qu'il a été interpellé le 11 février 2009 par les gendarmes de la brigade de Pont de Claix environ deux mois après son entrée en France pour menace avec arme , ce qui constitue une menace pour l'ordre public , et mentionne la nécessité d'exécuter en urgence la mesure d'éloignement ; que le PREFET DE L'ISERE a suffisamment caractérisé l'urgence au sens de l'article R. 512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en décrivant les méfaits commis par M. A sur le territoire français ; que, par suite, la décision attaquée, qui énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde, est suffisamment motivée ;

Sur la décision fixant le pays de destination de l'intéressé :

Considérant, en premier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux ci-dessus retenus dans le cadre de l'examen de la légalité externe de la décision ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, l'auteur de la décision fixant le pays de destination de l'intéressé, M. B, était compétent pour prendre la décision en litige ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : L'étranger qui est obligé de quitter le territoire français ou qui doit être reconduit à la frontière est éloigné :

1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ;

2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ;

3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible.

Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 11 février 2009 par lequel le PREFET DE L'ISERE a fixé le pays de destination de M. A, vise l'arrêté de reconduite à la frontière du même jour et mentionne que l'intéressé peut être reconduit à destination du pays dont il a la nationalité, ou qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ou encore à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible, et qu'il n'établit pas que sa vie ou sa liberté seraient menacées, ni qu'il serait exposé à des traitements contraires à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans l'un de ces pays ; qu'ainsi cet arrêté est suffisamment motivé ;

Sur la décision ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative :

Considérant, en premier lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux ci-avant retenus dans le cadre de l'examen de la légalité externe de la décision ordonnant la reconduite à la frontière de M. A, l'auteur de la décision ordonnant le placement de l'intéressé en rétention administrative, M. B, était compétent pour prendre la décision en litige ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger : (...) 3° Soit, faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 et édicté moins d'un an auparavant, (...) ne peut quitter immédiatement le territoire français ; (...) ; qu'aux termes de l'article L. 551- 2 du même code : La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger et, le cas échéant, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l' issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée. Un double en est remis à l'intéressé. Le procureur de la République en est informé immédiatement. (...) Lorsque l'étranger ne parle pas le français, il est fait application des dispositions de l'article L. 111-7. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 11 février 2009 par lequel le PREFET DE L'ISERE a décidé que M. A devait être maintenu dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, vise l'arrêté de reconduite à la frontière du même jour et mentionne que l'intéressé a déclaré, au début de sa garde à vue, qu'il ne comprend ni ne sait lire la langue française, qu'en conséquence il a été fait appel à un interprète en langue roumaine qu'il déclare comprendre, que l'absence de moyen de transport immédiat ne permet pas son départ, qu'il ne justifie pas de garanties de représentation effectives et qu'il y a nécessité de le maintenir dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pendant le temps strictement nécessaire à l'organisation de son départ ; que si l'arrêté fait référence à l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans préciser lequel des six alinéas de cet article était appliqué à A, il énonce toutefois les conditions prévues au troisième alinéa dudit article ; qu'ainsi le moyen tiré de ce que cet arrêté ne serait pas suffisamment motivé doit être écarté ;

Considérant, en dernier lieu, que si M. A fait valoir que les arrêtés susmentionnés sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation, ces moyens ne sont assortis d'aucune précision de nature à permettre à la Cour d'en apprécier la pertinence ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE L'ISERE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 11 février 2009 portant reconduite à la frontière de M. A, fixant le pays de destination et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé ;

Considérant que le Tribunal administratif de Lyon n'ayant pas condamné l'Etat sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les conclusions du PREFET DE L'ISERE tendant à un remboursement à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0900768 en date du 13 février 2009, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du 11 février 2009, par lequel le PREFET DE L'ISERE a ordonné la reconduite à la frontière de M. Ioan A, ainsi que ses décisions distinctes du même jour fixant le pays de destination de cette mesure de police et ordonnant le placement en rétention administrative de l'intéressé, est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 3 : La demande présentée par M. Ioan A devant le Tribunal administratif de Lyon est rejetée.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au PREFET DE L'ISERE, à M. A et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire.

Lu en audience publique, le 3 février 2010.

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N° 09LY00407

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 09LY00407
Date de la décision : 03/02/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christian CHANEL
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2010-02-03;09ly00407 ?
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