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26/11/2009 | FRANCE | N°09LY00277

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 26 novembre 2009, 09LY00277


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 et 27 février 2009, présentés pour la COMMUNE DE MAILLET (Allier) ;

La commune demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0900030 du 23 janvier 2009 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que soit prescrite une expertise en application de l'article R. 532-1 du code de justice administrative ;

2°) d'ordonner cette expertise ;

La commune soutient qu'elle n'a pas demandé que l'expert exerce des missions pouvant

être rapprochées d'appréciations de droit, mais a simplement fait référence à un contex...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 12 et 27 février 2009, présentés pour la COMMUNE DE MAILLET (Allier) ;

La commune demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0900030 du 23 janvier 2009 par laquelle le juge des référés du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que soit prescrite une expertise en application de l'article R. 532-1 du code de justice administrative ;

2°) d'ordonner cette expertise ;

La commune soutient qu'elle n'a pas demandé que l'expert exerce des missions pouvant être rapprochées d'appréciations de droit, mais a simplement fait référence à un contexte juridique particulier, en notant qu'il y avait des inadéquations avec le code de l'urbanisme, le plan d'occupation des sols ne permettant pas la réalisation du projet, et des discordances avec le droit de l'environnement, sans parler de l'absence de lien avec l'intérêt général d'un projet ayant pour objet de satisfaire des intérêts privés ; qu'il est plus que curieux d'avoir sur une même commune, qui plus est de petite taille, deux centres de déchets, à une période où a été engagée au plan départemental une réflexion d'ensemble ; que nombre d'élus s'accordent à dire que le site envisagé est loin d'être le plus approprié, d'autant que le projet ne correspond plus du tout au cadre énoncé dans le dossier d'origine ; qu'il y a un risque avéré par rapport à l'ordre public et aux nuisances ; qu'il y a eu un seul projet ; que cette situation s'explique par la satisfaction d'intérêt privés ; qu'il n'y a jamais de risque zéro pour ce type d'activité et, dans le cas présent, de nombreux éléments démontrent au contraire que les risques paraissent dès à présent identifiables et importants, ce qui renforce la présente demande ; qu'en outre, l'implantation du projet a été totalement modifiée après l'enquête publique ; que des éléments n'ont pas été intégrés au projet ou évoqués dans le cadre de l'enquête publique ; que l'arrêté préfectoral du 5 septembre 2007 autorisant l'ouverture d'une enquête publique pour exploiter un centre de déchets ultimes est totalement en contradiction avec les arrêtés préfectoraux ; qu'on ne sait pas véritablement quelle va être la nature du projet Coved, ce qui là encore justifie la demande de référé instruction ; que le maire doit garantir l'ordre public sur le territoire de sa commune et assurer le principe de précaution ; qu'elle revendique ainsi à ce titre le bénéfice des dispositions de l'article 5 de la charte de l'environnement ; que les capacités de stockage mentionnées dans le dossier de présentation et les données sur ce point qui figurent dans les différents arrêtés préfectoraux présentent des différences significatives, qui justifient ses interrogations et ses craintes, sans parler de la servitude des 200 mètres qui n'est manifestement pas respectée ; que le rapport du cabinet Blondel fait apparaître des questions préoccupantes en matière de risques sanitaires et de respect de la tranquillité et de la sécurité publiques ; que la carte du BRGM montre que la zone d'exploitation est située sur une faille géologique ; qu'il y a donc lieu de réformer l'ordonnance attaquée et de faire droit à la demande d'expertise, en l'absence de question de droit et la mesure étant susceptible de se rattacher à un éventuel litige relevant de la compétence du juge administratif ; que, contrairement à ce qu'a estimé le juge des référés, le caractère utile du référé instruction est acquis ; que la nomination d'un expert permettra de garantir au mieux les droits des administrés et d'éviter tous risques, désordres, nuisances et troubles aux différentes composantes de l'ordre public ; que le contexte dans lequel est envisagé le projet justifie à lui-seul sa démarche et l'utilité de l'expertise ; que l'on ne saurait lui reprocher d'utiliser les procédures qui sont à sa disposition pour faire valoir ses droits et, par extension, ceux des administrés, en préservant ces derniers de tous les risques possibles par rapport au second projet de stockage de déchets ;

Vu l'ordonnance attaquée ;

Vu le mémoire, enregistré le 16 avril 2009, présenté pour la société Coved SA, qui demande à la Cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner la COMMUNE DE MAILLET à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société soutient que :

- la commune ne justifie pas du respect du délai d'appel prévu par l'article R. 533-1 du code de justice administrative ;

- la COMMUNE DE MAILLET n'a pas qualité pour présenter une telle demande en matière de police des installations classées ; qu'en effet, si la commune justifie sa qualité à agir par les pouvoirs dévolus à son maire en matière de police administrative générale et de protection de l'ordre public, toutefois, elle n'apporte pas la preuve d'une situation de péril imminent, laquelle serait seule susceptible de justifier sa demande d'expertise relative à une installation classée ; qu'en réalité, la commune tente de s'immiscer dans l'exercice des pouvoirs de police spéciale dévolus au préfet en matière d'installations classées ; qu'il était parfaitement loisible à la commune de solliciter du préfet une tierce expertise des éléments du dossier qu'elle a présenté, et notamment de l'étude d'impact ; que, dans ces conditions, la commune ne justifiant pas de sa qualité à présenter une demande d'expertise, la requête est irrecevable ;

- le requête est également irrecevable en ce qu'elle ne porte pas sur l'appréciation actuelle de faits ; que la mission confiée à l'expert ne peut porter que sur des questions de fait, et non sur des questions de droit, ce qui exclut notamment les questions portant sur la qualification juridique des faits ou sur les conséquences à tirer de constatations de fait ; que, de plus, la mesure d'expertise doit porter sur une situation de fait née et actuelle, la possibilité d'une mesure préventive étant expressément circonscrite, par le deuxième alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, à l'hypothèse de l'exécution de travaux publics ; qu'en l'espèce, la mesure d'expertise sollicitée porte purement et simplement sur des questions de droit, la commune souhaitant qu'un expert se prononce sur la compatibilité du projet avec les dispositions applicables en matière de droit de l'environnement, de droit de l'urbanisme et, plus généralement, avec la protection de l'ordre public ; que la demande est également irrecevable en ce qu'elle tend à confier à l'expert la mission d'apprécier une situation seulement future, l'exploitation n'étant pas commencée, alors que l'on ne se trouve pas dans l'hypothèse de l'exécution de travaux publics ;

- la mesure d'expertise demandée est inutile ; qu'en effet, sur le plan formel, cette mesure n'a pas d'intérêt particulier par rapport aux mesures d'instruction qui pourraient être demandées au juge du fond, saisi d'une demande d'annulation de l'autorisation d'exploiter du 13 novembre 2008 ; que, sur le fond, la demande d'expertise tend à l'obtention d'éléments déjà connus et présentés par l'étude d'impact du projet, s'agissant notamment d'apprécier si le projet est susceptible de générer des nuisances ; que les appréciations requises par la commune ont d'ores et déjà été effectuées par le préfet et les services administratifs compétents ; que les avis et rapports établis dans le cadre de la procédure d'instruction de la demande d'autorisation d'exploiter sont communicables à la COMMUNE DE MAILLET, si elle n'en a pas déjà eu connaissance ; que cette dernière n'établit pas que ces éléments ne seraient pas suffisants ; que l'argument tiré de la situation de l'ancien maire est inopérant et infondé ; qu'enfin, aucun risque d'atteinte à la sécurité, la salubrité ou la tranquillité publiques n'est démontré ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 avril 2009, présenté par le ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que :

- la requête, qui ne comporte pas de conclusions expressément dirigées contre l'ordonnance du 23 janvier 2009, est, par suite, irrecevable ;

- la COMMUNE DE MAILLET sollicite de la Cour une demande d'expertise qui soulève les mêmes problèmes de recevabilité qu'en première instance, la mission de l'expert portant en réalité sur des questions de droit ; que la requête est également irrecevable à ce titre ;

- contrairement à ce que soutient la commune, le juge des référés du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a correctement analysé sa demande ; que le juge des référés a estimé que la mesure demandée ne présente aucune utilité ; que les nuisances mentionnées par la requérante ont été analysées dans les études d'impact et des dangers fournies par l'exploitant dans la cadre de la procédure d'autorisation ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 15 mai 2009, la clôture de l'instruction a été fixée au 11 juin 2009 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 octobre 2009 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les observations de Me Foures, avocat de la société Coved ;

- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

- la parole ayant à nouveau été donnée à la partie présente ;

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 532-1 du code de justice administrative : Le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction ;

Considérant que la COMMUNE DE MAILLET a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'ordonner une expertise, aux fins, en premier lieu, d'apprécier si l'installation de stockage de déchets non dangereux de la société Coved, autorisée par un arrêté du 13 novembre 2008 du préfet de d'Allier, est susceptible de porter atteinte à l'ordre public, et plus particulièrement à la salubrité, la sécurité et la tranquillité publiques, en deuxième lieu, d'apprécier si cette installation est susceptible de compromettre les dispositions existantes et applicables sur la zone en matière environnementale et en droit de l'urbanisme , et, en troisième lieu, d'indiquer si les modifications intervenues depuis le dépôt du projet remettent en cause l'installation, en ce qui concerne notamment les garanties apportées en matière d'ordre public, d'environnement et d'urbanisme ; qu'ainsi que le juge des référés du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand l'a jugé, ces missions que la COMMUNE DE MAILLET souhaiterait voir confier à l'expert, qui sont relatives à la qualification juridique des faits et aux conséquences juridiques à tirer de constations de fait, portent donc, non sur des questions de fait, mais sur des questions de droit ; que, par suite, elles ne sont pas au nombre de celles qu'un juge peut confier à un expert ;

Considérant que la COMMUNE DE MAILLET a également demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand de confier à l'expert la mission d'indiquer si l'installation de stockage de déchets non dangereux de la société Coved est susceptible de générer des nuisances et d'avoir des incidences sur la santé des administrés ; que la mission ainsi sollicitée, en présence d'une étude d'impact et d'une étude des dangers ayant déjà abordé ces questions, et alors qu'en outre, il n'est pas contesté que l'installation n'a pas encore commencé à fonctionner, ne présente aucun caractère d'utilité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées en défense, la COMMUNE DE MAILLET n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la COMMUNE DE MAILLET le versement d'une somme quelconque au bénéfice de la société Coved sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE MAILLET est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la société Coved tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE MAILLET, à la société Coved et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

Délibéré après l'audience du 6 octobre 2009 à laquelle siégeaient :

M. Bézard, président de chambre,

M. Fontbonne, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2009.

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N° 09LY00277

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 09LY00277
Date de la décision : 26/11/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BEZARD
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : EYRAUD CHRISTÈLE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-11-26;09ly00277 ?
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