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30/09/2009 | FRANCE | N°08LY02595

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 30 septembre 2009, 08LY02595


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 27 novembre 2008 et régularisée le 5 décembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, présentée pour M. Samir X, domicilié ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0806616 en date du 21 octobre 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2008, par lequel le préfet de la Drôme a ordonné sa reconduite à la frontière, de la décision distincte du même jour fixant le

pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite et de la décision, p...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 27 novembre 2008 et régularisée le 5 décembre 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon, présentée pour M. Samir X, domicilié ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0806616 en date du 21 octobre 2008, par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 octobre 2008, par lequel le préfet de la Drôme a ordonné sa reconduite à la frontière, de la décision distincte du même jour fixant le pays dont il a la nationalité comme destination de la reconduite et de la décision, portant la même date, ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler l'arrêté et les décisions susmentionnés pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale dans le délai de quinze jours, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Il soutient que le signataire de l'arrêté de reconduite à la frontière contesté était incompétent pour prendre une telle mesure ; que cette mesure d'éloignement est entachée d'erreur de fait quant à l'existence de démarches entreprises en vue de la régularisation de sa situation administrative ; qu'eu égard à la circonstance qu'il a reconnu l'enfant à naître de sa compagne française et à l'importance de sa présence aux côtés de ces derniers, cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'auteur de la décision désignant le pays de renvoi n'était pas compétent pour la signer ; qu'un retour en Algérie l'exposerait à de graves difficultés, circonstance qui avait justifié le dépôt de sa demande d'asile territorial, et que la décision fixant le pays de renvoi est illégale en conséquence de l'illégalité de la mesure de reconduite à la frontière ; que le signataire de la décision de placement en rétention administrative ne disposait pas d'une délégation de signature régulière pour prendre une telle mesure ; que cette décision de placement en rétention administrative repose sur une motivation erronée et est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision de reconduite à la frontière ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 février 2009, présenté par le préfet de la Drôme ; le préfet de la Drôme demande le rejet de la requête ;

Il fait valoir que l'arrêté attaqué a été signé par un fonctionnaire doté d'une délégation régulière ; que M. X est entré dans l'espace Schengen le 21 avril 2002 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa touristique à entrées multiples valable du 18 novembre 2001 au 17 mai 2002 et s'est maintenu sur le territoire sans être titulaire d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait donc dans le cas prévu par le 2° du II l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet pouvait décider sa reconduite à la frontière ; que, quand bien même M. X aurait été titulaire d'un récépissé lors d'une demande d'asile territorial antérieure, il n'en demeure pas moins qu'il n'a jamais été titulaire d'un titre de séjour régulièrement délivré ; qu'en effet un tel récépissé ne vaut pas titre de séjour régulièrement délivré au sens des dispositions du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'intéressé ne fait pas partie des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement en application de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le requérant ne peut pas encore justifier d'une qualité de parent d'enfant français pour un enfant à naître ; que, célibataire et sans charge de famille, ayant en Algérie ses parents et quatre de ses frères et soeurs, il ne peut obtenir un titre de séjour de plein droit en application de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ; qu'il n'y a pas eu violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale, ni erreur manifeste d'appréciation, ni méconnaissance des stipulations de la convention de New-York relative aux droits de l'enfant ; que la décision de rétention est justifiée par sa situation, et notamment par le fait qu'il ne possède pas de passeport ; que la décision fixant le pays d'origine n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, la décision attaquée étant légale, sa demande d'injonction ne peut qu'être rejetée ;

Vu l'arrêt de la Cour, en date du 16 avril 2009, faisant application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative, et posant au Conseil d'Etat la question de savoir si l'obtention de récépissés de demande de titre de séjour, ou plus généralement, d'autorisations provisoires de séjour fait obstacle à ce qu'une mesure de reconduite soit prise sur le fondement du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et également si la circonstance que la demande de titre est intervenue avant ou après l'expiration de la durée de validité du visa d'entrée a une incidence ;

Vu l'avis contentieux n° 327282 émis par le Conseil d'Etat le 24 juillet 2009 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 septembre 2009 :

- le rapport de M. Bernault, président ;

- et les conclusions de M. Raisson, rapporteur public ;

Considérant que M. X, qui possède la nationalité algérienne, est entré régulièrement le 21 avril 2002 sur le territoire français sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa touristique à entrées multiples valable du 18 novembre 2001 au 17 mai 2002 ; qu'il a déposé, le 25 mai 2002, une demande d'asile territorial dont il s'est vu délivrer récépissé ; que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 12 février 2003 du ministre de l'intérieur ; qu'il a fait l'objet, le 16 octobre 2008, d'un arrêté de reconduite à la frontière, assorti d'une décision fixant comme destination le pays dont il a la nationalité, pris par le préfet de la Drôme sur le fondement du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ; que M. X relève appel du jugement du 21 octobre 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité de la reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction résultant de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'intégration et à l'immigration : I. L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. (...) / II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ; qu'aux termes de l'article R. 311-4 du même code : Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise (...) ; et qu'aux termes de l'article R. 311-5 de ce code : La durée de validité du récépissé (...) ne peut être inférieure à un mois. Le récépissé peut être renouvelé ;

Considérant que le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide la reconduite à la frontière d'un étranger qui, étant en situation irrégulière à la date de cette demande, se trouve dans l'un des cas mentionnés aux 1°, 2° ou 4° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par conséquent, si un étranger a déposé une demande de titre de séjour postérieurement à l'expiration de la durée de validité de son visa, la circonstance qu'un récépissé ou une autorisation provisoire de séjour lui a été délivré pendant la durée d'instruction de sa demande de titre de séjour ne place pas l'étranger hors du champ d'application du 2° du II de l'article L. 511-1 précité ; qu'ainsi, n'étant couvert par aucun titre de séjour régulièrement délivré à la date des décisions contestées, et n'ayant sollicité un titre de séjour qu'après l'expiration de la durée de validité de son visa d'entrée, M. X se trouvait bien dans un des cas, prévus au 2° du II de cette disposition, où il pouvait faire l'objet d'une reconduite à la frontière ; qu'il ne saurait utilement faire valoir l'existence, à l'époque, de démarches entreprises en vue de la régularisation de sa situation administrative ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la secrétaire générale de la préfecture de la Drôme, signataire des décisions attaquées, avait bien reçu du préfet de la Drôme délégation régulière à l'effet de signer le type d'acte en cause ; que cette délégation avait été publiée au recueil des actes administratifs de la Drôme ; que le moyen tiré d'un vice d'incompétence doit donc être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'à la date de la reconduite à la frontière, l'enfant attendu par la compagne française de M. X n'était pas encore né ; qu'il ne saurait donc invoquer les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;

Considérant, en quatrième lieu, que M. X, entré en France en 2002 seulement, était, à la date des décisions en cause, célibataire et sans charge de famille ; qu'il ne pouvait faire état que d'une situation de concubinage récente ; qu'il avait ses parents et quatre frères et soeurs en Algérie ; qu'il est sans emploi en France ; qu'il ne saurait donc invoquer une méconnaissance des droits garantis par l'article 6, paragraphe 5 de l'accord franco-algérien modifié du 27 décembre 1968, et par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en cinquième lieu, que M. X n'établit pas ne pas pouvoir installer en Algérie la cellule familiale qu'il cherche à fonder ; que le moyen qu'il entend tirer, sur le fondement de l'article 16 de la convention relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990, de ce que l'enfant à naître de ses oeuvres serait privé d'une cellule familiale s'il retourne en Algérie doit donc être écarté ; qu'au demeurant, en cherchant à fonder et implanter une famille sur notre territoire en sachant pertinemment s'y trouver en situation irrégulière, l'intéressé a mis l'Etat français devant un fait accompli dont il ne peut à présent se prévaloir ;

Sur la légalité de la décision fixant l'Algérie comme pays de destination :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, à l'encontre de la décision fixant l'Algérie comme pays de destination, de l'illégalité de la décision de reconduite à la frontière doit être écarté ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le moyen tiré d'une incompétence de la signataire des décisions critiquées doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que la réalité des risque qu'encourrait M. X en cas de retour en Algérie n'est pas sérieusement établie ; que le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite être écarté ;

Sur la légalité de la décision plaçant M. X en rétention administrative :

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens avancés par M. X à l'encontre de la décision le plaçant en rétention administrative, qui sont tirés de l'incompétence de l'auteur de l'acte et de l'illégalité de la reconduite à la frontière, ne peuvent qu'être écartés ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Drôme de lui délivrer un titre de séjour ne peuvent qu'être rejetées, ainsi que ses conclusions fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Samir X et au ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Copie en sera adressée au préfet de la Drôme et au président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat.

Délibéré après l'audience du 24 septembre 2009 à laquelle siégeaient :

M. Bernault, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 septembre 2009.

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N° 08LY02595


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY02595
Date de la décision : 30/09/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: M. RAISSON
Avocat(s) : COUDRAIS MAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-09-30;08ly02595 ?
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