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30/09/2009 | FRANCE | N°06LY00071

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 30 septembre 2009, 06LY00071


Vu la requête, enregistrée le 12 janvier 2006 au greffe de la Cour, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) DERUELLE AUXILIAIRE, dont le siège social est 4 boulevard Eugène Deruelle à Lyon (69003) ;

La société DERUELLE AUXILIAIRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0304471, en date du 15 novembre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998, ainsi

que des pénalités dont il a été assorti ;

2°) de prononcer la décharge de ces imp...

Vu la requête, enregistrée le 12 janvier 2006 au greffe de la Cour, présentée pour la société à responsabilité limitée (SARL) DERUELLE AUXILIAIRE, dont le siège social est 4 boulevard Eugène Deruelle à Lyon (69003) ;

La société DERUELLE AUXILIAIRE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0304471, en date du 15 novembre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998, ainsi que des pénalités dont il a été assorti ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de condamner l'Etat au paiement des intérêts moratoires conformément aux dispositions de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat à son profit la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société DERUELLE AUXILIAIRE soutient que :

- il résulte des dispositions de l'article 2 de la 6ème directive ainsi que de l'article 256 du code général des impôts que, pour un prestataire de services, la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ne peut être assise que sur des sommes entrant dans le champ d'application de la TVA et donc réellement encaissées ; ainsi, le Tribunal ne pouvait prétendre asseoir la TVA sur des sommes qu'elle n'a jamais perçues ; cette interprétation est confirmée par la jurisprudence administrative ; au cas d'espèce, l'administration fiscale n'est pas en droit, a posteriori, de réclamer la TVA sur un montant de loyers qui n'a pas été facturé ni a fortiori encaissé par elle de la part de son locataire, la Banque Populaire Loire et Lyonnais ;

- pour prétendre asseoir la TVA sur un soi-disant complément de loyers, l'administration a recours à une lecture erronée des dispositions de l'article 266-1-1° du code général des impôts faisant entrer dans la base d'imposition à la TVA les subventions directement liées aux prix de ces opérations ; par ailleurs la doctrine administrative (instruction du 22 septembre 1994, 3 CA-94) commente la notion de subvention complément de prix en citant les situations dans lesquelles la subvention est versée par un tiers qui n'est pas le client en contrepartie d'une prestation de services ou d'une livraison de biens : en l'espèce, le prétendu complément de prix que l'administration entend soumettre à la TVA ne remplit aucune des quatre conditions permettant le recours à la notion de subvention complément de prix ;

- dès lors que l'avantage que constitue le prêt sans intérêt n'est nullement un service rendu à son profit, mais une subvention constituant une renonciation à recettes, elle ne peut entrer dans le champ d'application de la TVA conformément à l'instruction du 22 septembre1994 :

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- dès lors qu'en application des dispositions des articles 256-1 et 266-1 du code général des impôts, l'existence d'une prestation de services individualisée et précise, comme en l'espèce, la location de matériel rendu par le bénéficiaire de l'aide consentie, détermine le caractère taxable de l'aide consentie, c'est à bon droit que le tribunal a considéré que la renonciation à la perception d'intérêts sur les avances doit être regardée pour la requérante comme un avantage en lien direct avec la prestation de services de location de matériel, nettement individualisée, réalisée au bénéfice de la société-mère ;

- dès lors qu'en l'espèce, l'aide à la requérante est consentie en contrepartie de la location, il existe un lien direct entre l'aide et la prestation de services effectuée à titre onéreux et l'examen du contrat montre que le prix de la location devait comprendre le coût du financement des capitaux empruntés, elle doit être soumise à la TVA ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 septembre 2006, présenté pour la société DERUELLE AUXILIAIRE, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

La société DERUELLE AUXILIAIRE soutient en outre que :

- l'avantage résultant de l'avance sans intérêt n'est pas une prestation de services : le prêt accordé a été consenti dans l'optique de financer l'achat du matériel et non de diminuer le montant des loyers ; l'avantage est directement lié à l'emprunt qui lui a été octroyé ; par ailleurs, la jurisprudence communautaire s'oppose à ce que la taxe sur la valeur ajoutée puisse être assise sur des sommes qui n'ont pas été réellement perçues comme en l'espèce ;

- l'avantage résultant de l'avance sans intérêt est une subvention n'entrant pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée : elle se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction du 16 juin 2006, 3 A-7-06 qui est applicable aux contentieux en cours, dont elle remplit les conditions, dès lors que la subvention litigieuse n'a pas été versée par un tiers, et que, de ce fait, la qualification de subvention, complément de prix ne peut être appliquée ; par ailleurs, dès lors que les sommes allouées au titre de l'avance sans intérêt l'ont été dans l'objectif de financer l'acquisition de matériel informatique, la subvention correspond aux intérêts non perçus pourrait être considérée comme une subvention à l'achat ou encore une subvention de fonctionnement également exclue du champ d'application de la TVA ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Il soutient en outre que :

- le régime de groupe applicable en matière d'impôt sur les sociétés, qui permet à la société-mère de se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble du groupe formé par elle-même et ses filiales n'a, en tout état de cause, nullement pour objet ou pour effet de supprimer la personnalité juridique de ses membres : en l'espèce, dès lors que la Banque Populaire Loire et Lyonnais et la société DERUELLE AUXILIAIRE sont des personnes morales juridiquement distinctes, l'avantage concédé par l'une à l'autre, ne peut être considéré comme correspondant à un virement interne ;

- dès lors que l'avantage dont la requérante a bénéficié a un lien direct et immédiat avec le prix de la location des biens qu'elle a réalisée, il ne peut être qualifié de subvention à l'achat ou de fonctionnement au sens de l'instruction administrative du 16 juin 2006, 3 A-7-06 ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 décembre 2006, présenté pour la société DERUELLE AUXILIAIRE, qui conclut en outre à ce que la somme devant être mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit portée à 4 000 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 mars 2009, présenté pour la société DERUELLE AUXILIAIRE, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 22 avril 2009 par laquelle, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, le président de la 5ème chambre de la Cour a fixé la clôture de l'instruction au 7 mai 2009 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la 6ème directive 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2009 :

- le rapport de Mme Pelletier, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Raisson, rapporteur public ;

Considérant que la SARL DERUELLE AUXILIAIRE fait appel du jugement en date du 15 novembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée auquel elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 1998, ainsi que des pénalités dont il a été assorti ;

Sur le terrain de la loi fiscale :

Considérant, qu'aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) ; que, par ailleurs, le 1 de l'article 266 du même code dispose, dans sa rédaction applicable au cours de la période d'imposition concernée par le présent litige, que la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée est constituée : a) Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations. (...) ; que cette dernière disposition a été prise pour l'adaptation de la législation nationale à l'article 11 A § 1 de la 6ème directive 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977, selon lequel : la base d'imposition est constituée : a) pour les livraisons de biens et les prestations de services (...) par tout ce qui constitue la contrepartie obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (...) ; que la base d'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée des livraisons de biens et des prestations de services est ainsi constituée, notamment, par tout ce qui constitue la contrepartie, que ce soit en argent ou en services, obtenue ou à obtenir par le fournisseur ou le prestataire pour ces opérations de la part de l'acheteur des prestations ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL DERUELLE AUXILIAIRE, filiale de la société Banque Populaire Loire et Lyonnais, donne en location à sa société-mère des matériels informatiques en application d'une convention liant les deux sociétés, en date du 4 décembre 1992 ; qu'en vertu de l'article 3 de la convention susmentionnée, le prix de location inclut le coût de financement des capitaux empruntés ; que la société requérante bénéficie de la part de sa société-mère d'avances sans intérêts affectées au financement de l'acquisition des matériels informatiques loués, de sorte qu'elle ne supporte pas la charge du financement des matériels qu'elle donne en location à la société Banque Populaire Loire et Lyonnais ; que la gratuité du crédit alloué à la société DERUELLE AUXILIAIRE par la Banque Populaire Loire et Lyonnais pour acquérir les biens que cette entreprise loue à ladite Banque Populaire Loire et Lyonnais est en rapport direct avec le niveau du prix de cette location convenu entre les parties ; qu'ainsi, en échange de la prestation de location de matériels qu'elle délivre à la Banque Populaire, la société requérante reçoit gratuitement de celle-ci, outre la somme convenue, une prestation de services financiers ; que la valeur de cette dernière prestation doit donc bien être ajoutée au prix convenu entre les parties pour former l'assiette de la taxe due par l'entreprise requérante à raison des locations de matériels dont s'agit ;

Sur le terrain de l'interprétation de la loi fiscale :

Considérant, en premier lieu, que la société requérante se prévaut, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction administrative 3 CA-94 du 8 septembre 1994 ; que, d'une part, si la requérante fait valoir que l'avantage constitué de la renonciation à intérêts que lui a procuré la société Banque Populaire Loire et Lyonnais ne remplit pas les conditions précisées par cette instruction permettant de regarder une subvention versée par une entreprise à une autre entreprise comme un complément de prix entrant dans la base d'imposition de la taxe sur la valeur ajoutée, toutefois, la doctrine invoquée ne vise sur ce point que les subventions par un tiers qui n'est pas le client ; que tel n'est pas le cas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, en l'espèce, l'avantage reçu par la SARL DERUELLE AUXILIAIRE ayant été perçu en contrepartie d'une prestation de services réalisée au bénéfice de sa société-mère, en l'occurrence partie versante ; que, d'autre part, si l'instruction précitée indique encore que lorsqu'une opération est effectuée gratuitement, elle n'est pas placée dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée , il est constant que la prestation de location de la SARL DERUELLE AUXILIAIRE à la société-mère n'est pas effectuée à titre gratuit ; qu'il suit de là que la société requérante ne peut utilement invoquer la doctrine précitée à l'appui de ses conclusions en décharge des impositions litigieuses ;

Considérant, en second lieu, que si la SARL DERUELLE AUXILIAIRE se prévaut sur le fondement de l'article L. 80-A du livre des procédures fiscales de l'instruction du bulletin officiel des impôts 3 A-7-06 du 16 juin 2006, qui a trait aux règles applicables, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, aux subventions directement liées aux prix d'opérations imposables à cette taxe, elle ne saurait, en tout état de cause, utilement se prévaloir de l'interprétation du texte fiscal qu'elle contiendrait, dès lors que ladite instruction est postérieure à la date de mise en recouvrement ou de déclaration des impositions contestées ; que si la requérante fait valoir que cette instruction mentionne que ses dispositions sont applicables aux contrôles et contentieux en cours , cette instruction définit sa propre applicabilité dans le temps et ne saurait, dès lors être regardée sur ce point comme interprétant le texte fiscal constituant le fondement légal de l'imposition contestée ; que, par suite, la SARL DERUELLE AUXILIAIRE ne saurait valablement invoquer les énonciations de l'instruction précitée ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence sont rejetées tant les conclusions tendant au versement d'une somme d'argent au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que celles visant à obtenir le paiement d'intérêts de retard ;

DECIDE :

Article 1er : La requête présentée par la SARL DERUELLE AUXILIAIRE est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL DERUELLE AUXILIAIRE et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2009 à laquelle siégeaient :

M. Bernault, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Pelletier, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 septembre 2009.

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N° 06LY00071


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06LY00071
Date de la décision : 30/09/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: Mme Pascale PELLETIER
Rapporteur public ?: M. RAISSON
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE LYON

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-09-30;06ly00071 ?
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