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29/09/2009 | FRANCE | N°06LY00677

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 29 septembre 2009, 06LY00677


Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2006 au greffe de la Cour, présentée pour M. Michel X, demeurant ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0302272, en date du 12 janvier 2006, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1998 ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du c

ode de justice administrative, les frais irrépétibles qu'il a été ou serait amené à exposer ...

Vu la requête, enregistrée le 30 mars 2006 au greffe de la Cour, présentée pour M. Michel X, demeurant ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0302272, en date du 12 janvier 2006, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1998 ;

2°) de prononcer la décharge de cette imposition ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, les frais irrépétibles qu'il a été ou serait amené à exposer au cours de l'instance ;

Il soutient que :

- la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité, dans la mesure où la vérification de comptabilité, commencée le 4 mai 2000, a été poursuivie au-delà du délai de trois mois, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 52 du livre des procédures fiscales, du fait de la visite faite à la Coopérative Dijon Céréales le 19 septembre 2000 ;

- il a établi la réalité de la mise en dépôt à la Coopérative Dijon Céréales d'une partie de la récolte de 1997, jusqu'au 31 mars 1998, et que ce dépôt constituait un choix de gestion conforme à l'intérêt de l'exploitation ;

- contrairement à ce qu'a retenu le jugement, l'administration fiscale n'a pas établi que l'encaissement d'une partie des recettes de l'année 1997 avait été différé artificiellement dans le but d'éluder l'impôt ;

- il remplissait en conséquence les conditions prévues à l'article 151 septies du code général des impôts pour bénéficier d'une exonération de l'imposition de la plus-value générée à l'occasion de l'apport de son exploitation agricole à l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) des Iles ; s'agissant des modalités d'appréciation de la condition relative au plafond de recettes, il peut se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction du 10 mai 1988, reprise dans la documentation administrative de base sous la référence 5 E-3223, nos 45, 46 et 48 ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 20 octobre 2006, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant au rejet de la requête de M. X ; il soutient que la procédure d'imposition a été régulière, le délai de trois mois s'appliquant à la seule procédure de vérification de comptabilité et non à une intervention se rattachant à l'exercice du droit de communication auprès d'un tiers ; que le requérant ne remplit pas la condition de plafond de recettes fixée par les dispositions combinées des articles 151 septies et 202 bis du code général des impôts, dans leur rédaction alors applicable, pour bénéficier d'une exonération d'imposition de la plus-value générée à l'occasion de l'apport de son exploitation à l'EARL des Iles, le 31 mars 1998 ; que, même en appliquant la doctrine à laquelle il se réfère, qui prévoit que le plafond de recettes est apprécié en fonction de la moyenne des recettes des deux années précédentes, il ne remplit pas cette condition, dans la mesure où l'encaissement d'une partie des recettes liées à la récolte de 1997 a été volontairement différé par lui sur l'année 1998 afin de minorer les recettes de 1997 servant de référence avec celles de 1996 ; qu'une fois ces encaissements réintégrés au titre de l'année 1997, la moyenne des recettes de 1996 et 1997 s'élève à 1 196 312 francs et dépasse le plafond alors fixé à 1 000 000 francs ; que la demande relative à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est irrecevable à défaut d'être chiffrée ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 4 décembre 2006, présenté pour M. X, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en défense complémentaire, enregistré le 2 avril 2007, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 2 juillet 2007, présenté pour M. X, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 6 août 2007, présenté pour M. X, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 20 juillet 2009, présenté pour M. X, tendant aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens, et fixant à 4 650 euros la somme demandée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2009 :

- le rapport de M. Montsec, président-assesseur ;

- les observations de Me Besson, avocat de M. X ;

- et les conclusions de M. Raisson, rapporteur public ;

- la parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes ;

Considérant que M. X, qui exerçait à titre individuel une activité d'exploitant agricole à Genlis (Côte-d'Or), a fait apport de cette exploitation, le 31 mars 2008, à l'EARL des Iles ; que, suite à une vérification de la comptabilité de l'exploitation de M. X, portant sur la période du 1er janvier 1997 au 31 mars 1998, l'administration fiscale a remis en cause l'exonération d'imposition de la plus-value générée à l'occasion de cet apport, en considérant que l'intéressé ne remplissait pas les conditions fixées à l'article 151 septies du code général des impôts pour bénéficier d'une telle exonération ; que M. X fait appel du jugement en date du 12 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu, et pénalités y afférentes, auxquelles il a été en conséquence assujetti au titre de l'année 1998 ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur l'autre moyen de la requête :

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi :

Considérant qu'aux termes de l'article 151 septies du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : Les plus-values réalisées dans le cadre d'une activité agricole (...) par des contribuables dont les recettes n'excèdent pas le double de la limite du forfait ou de l'évaluation administrative sont exonérées, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, et que le bien n'entre pas dans le champ d'application de l'article 691 (...) ; qu'aux termes de l'article 202 bis du même code, dans sa rédaction alors applicable : En cas de cession ou de cessation de l'entreprise, les plus-values mentionnées à l'article 151 septies du présent code ne sont exonérées que si les recettes de l'année de réalisation, ramenées le cas échéant à douze mois, et celles de l'année précédente ne dépassent pas le double des limites de l'évaluation administrative et du forfait ; que la limite du forfait est définie, en ce qui concerne les bénéfices agricoles, par l'article 69-1 du même code qui, dans sa rédaction applicable en l'espèce, fixe cette limite à 500 000 francs ; qu'il résulte de ces dispositions qu'en cas de cession ou de cessation d'entreprise, il y a lieu, pour déterminer si un contribuable remplit la condition exigée par l'article 151 septies de n'avoir pas perçu des recettes excédant le double de la limite du forfait, soit 1 000 000 francs, de tenir compte, d'une part, des recettes afférentes à l'année de réalisation effective de la plus-value, ramenée à douze mois, et, d'autre part, des recettes de l'année précédente ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que les recettes de l'exploitation agricole de M. X au cours du premier trimestre de l'année 1998, ramenées à douze mois, ont excédé le plafond susmentionné de 1 000 000 francs ; qu'en application de la loi fiscale, M. X ne pouvait donc bénéficier du régime d'exonération des plus-values prévu à l'article 151 septies du code général des impôts ;

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :

Considérant, cependant, que M. X entend se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de l'instruction du 10 mai 1988, reprise dans la documentation administrative de base sous la référence 5 E-3223, nos 45, 46 et 48, qui prévoit que le plafond de recettes fixé à l'article 151 septies du code général des impôts pour bénéficier de l'exonération de l'imposition des plus-values doit être apprécié en fonction de la moyenne des recettes des deux années précédant l'année de cession ;

Considérant que, pour l'application de la condition relative au plafond de recettes, il y a lieu de retenir l'ensemble des sommes effectivement encaissées au titre de la vente des produits de l'exploitation au cours de l'année civile, une somme pouvant être regardée comme encaissée dès la date où le bénéficiaire en a eu la libre disposition ;

Considérant que M. X soutient que la moyenne de ses recettes des deux années 1996 et 1997 ne s'est élevée qu'à 969 389 francs et que c'est à tort que l'administration fiscale a réintégré dans les recettes de l'année 1997 une somme de 465 844 francs, correspondant au produit de la vente d'une partie de la récolte de 1997 (blé et tournesol), qu'il avait livrée à la Coopérative Dijon Céréales en juillet et août 1997, mais qui n'avait été encaissée qu'en 1998 ; qu'il fait en effet valoir que cette partie de récolte avait fait l'objet seulement d'un stockage en 1997 dans les équipements de la Coopérative Dijon Céréales et n'a été vendue qu'en 1998 ;

Considérant que la pratique dite du stockage à façon à laquelle se réfère M. X est explicitement prévue par circulaire de l'Office national interprofessionnel des céréales (ONIC) en date du 9 juillet 1984 ; qu'elle a pour objet de permettre aux producteurs de bénéficier de l'évolution des conditions du marché ; qu'elle constitue un service rendu au producteur par des établissements agréés tels la Coopérative Dijon Céréales, moyennant le paiement de frais de stockage, et ne comporte aucun transfert de propriété, nonobstant le caractère fongible des produits en cause et la circonstance que la coopérative n'était pas tenue d'isoler physiquement les récoltes stockées et les récoltes cédées ; que, contrairement à ce que soutient l'administration fiscale, M. X établit que la partie de récolte en litige, livrée en juillet et août 1997 à la Coopérative Dijon Céréales, avait, à cette date, fait l'objet d'un tel dépôt et non d'une vente, en produisant une partie des laissez-passer et bons de livraisons alors établis, portant la mention en dépôt , et surtout en justifiant avoir perçu en mars 1998 une majoration bi-mensuelle (MBM), prévue au bénéfice des producteurs en cas de stockage de céréales et dont le montant est fixé chaque année par circulaire de l'ONIC, laquelle majoration était en l'espèce liée au stockage de la partie de récolte en litige et était calculée sur la base de 53,50 francs la tonne, montant dont l'administration ne conteste pas qu'il suppose effectivement un stockage jusqu'au 31 mars 1998 ; qu'à cet égard, la seule circonstance qu'aucun contrat n'ait été produit par M. X ne suffit pas à remettre en cause la réalité de cette opération de stockage, dès lors que la passation d'un contrat écrit n'était pas à l'époque exigé, ainsi que cela a été ultérieurement prévu par une circulaire de l'ONIC en date du 14 septembre 2000 ;

Considérant que l'administration, à laquelle incombe à cet égard la charge de la preuve, n'établit pas que le stockage dont s'agit, même s'il était inhabituel pour M. X, ainsi que le révèle l'évolution de ses recettes durant les années en cause, présentait un caractère fictif et avait en réalité pour seul but d'éluder l'impôt, alors que M. X démontre de son côté que l'opération n'était pas assimilable à une cession différée et était conforme à l'intérêt de l'exploitation et à une saine gestion de sa trésorerie, eu égard notamment au fait que les frais de stockage qui lui ont été réclamés (de l'ordre de 25 francs la tonne) était très inférieurs à la majoration bi-mensuelle qu'il a perçue (de l'ordre de 53,50 francs la tonne), ce qui lui a procuré une rentabilité au taux moyen de l'ordre de 7,11 %, supérieur au taux d'intérêt de 6,3 % appliqué à l'emprunt qu'il a, dans le même temps, souscrit afin de procéder à des investissements et dont, contrairement à ce que soutient l'administration, il établit la réalité en produisant le contrat correspondant ;

Considérant que l'administration ne justifie pas, ainsi, du bien-fondé de la rectification des recettes de l'année 1997 à laquelle elle a procédé ; qu'il est constant que, sans cette rectification, la moyenne des recettes de M. X pour les années 1996 et 1997 ne dépassait pas le plafond de 1 000 000 francs ; que M. X justifie ainsi de ce qu'il remplissait les conditions fixées par la doctrine pour bénéficier de l'exonération de la plus-value générée par l'apport de son exploitation à l'EARL des Iles le 31 mars 1998 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu, et pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1998 ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, à verser à M. X en l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon n° 0302272, en date du 12 janvier 2006, est annulé.

Article 2 : M. X est déchargé de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu, et pénalités y afférentes, auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1998.

Article 3 : L'Etat versera à M. X la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Michel X et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.

Délibéré après l'audience du 10 septembre 2009, à laquelle siégeaient :

M. Bernault, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Jourdan, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 29 septembre 2009.

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N° 06LY00677


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06LY00677
Date de la décision : 29/09/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. Pierre MONTSEC
Rapporteur public ?: M. RAISSON
Avocat(s) : LYON JURISTE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-09-29;06ly00677 ?
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