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03/09/2009 | FRANCE | N°06LY00285

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 03 septembre 2009, 06LY00285


Vu le recours, enregistré par télécopie le 6 février 2006 et régularisé le 10 février 2006 au greffe de la Cour, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 0304167 - 0304169, en date du 27 septembre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a, d'une part, déchargé M. et Mme Pierre X des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1996

2001, et des pénalités y afférentes, et, d'autre part, déchargé M. X des droi...

Vu le recours, enregistré par télécopie le 6 février 2006 et régularisé le 10 février 2006 au greffe de la Cour, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;

Le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE demande à la Cour :

1°) d'annuler les articles 1er et 2 du jugement n° 0304167 - 0304169, en date du 27 septembre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a, d'une part, déchargé M. et Mme Pierre X des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1996 à 2001, et des pénalités y afférentes, et, d'autre part, déchargé M. X des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à son nom au titre de la période du 1er janvier 1996 au 30 avril 2002 ;

2°) de remettre à la charge de M. et Mme Pierre X les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils avaient été assujettis au titre des années 1996 à 2001, à concurrence de la somme de 3 832 066,29 euros, montant de la décharge prononcée en première instance ;

3°) de remettre à la charge de M. Pierre X les droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée mis à son nom au titre de la période du 1er janvier 1996 au 30 avril 2002 sous l'avis de mise en recouvrement n° 05033 du 14 février 2003, à concurrence de la somme de 1 723 140,09 euros, montant de la décharge prononcée par les premiers juges ;

Il soutient que :

- le Tribunal administratif de Lyon a dénaturé les faits qui lui ont été soumis ;

- aux termes de l'article 4 A du code général des impôts, les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu à raison de l'ensemble de leurs revenus ;

- selon le 1 de l'article 92 de ce code, sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçant et toutes occupations lucratives et sources de profit ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus ; que tel est le cas des bénéfices réalisés par des personnes qui se livrent à des traductions à caractère technique, soit à domicile, soit dans les locaux de sociétés clientes ;

- l'administration, s'appuyant sur l'analyse de pièces saisies, des documents et informations obtenus dans le cadre de l'assistance administrative auprès des autorités britanniques, de banques de données Internet et du registre des sociétés anglaises, de pièces obtenues dans le cadre d'une demande d'information et du droit de communication auprès des sociétés Innovation 128 et Interface Conseil , entendait démontrer que M. X a exercé une activité occulte de traduction et d'interprétariat sous couvert de facturations de travaux de traduction et de locations de matériels effectuées par la société Casacrest à la société Interface Conseil et à d'autres clients ;

- M. X détenait bien le capital de la société Casacrest grâce à un acte de cession en blanc à son profit des actions Casacrest, signée de Mme Ann Benoit, détentrice de 90 actions ;

- M. X assurait le suivi financier de l'activité de cette société et en assurait en fait la gestion administrative ; il existe des documents démontrant qu'il a fait transférer à son profit des fonds en direction de Jersey, paradis fiscal, depuis les comptes de Casacrest ; que M. X possédait une société Kinetrad établie à Jersey, où il faisait transférer des fonds ;

- la société Casacrest avait été dissoute en 1995 ; elle ne pouvait donc avoir accompli les travaux de traduction qu'elle avait facturés ;

- c'est à tort que le Tribunal administratif de Lyon n'a pas tenu compte de l'ensemble de ces éléments ;

- M. X a fait obstacle au contrôle en refusant le courrier annonçant une vérification de comptabilité et en refusant tout rendez-vous avec la vérificatrice ; que le service des impôts a à bon droit évalué d'office ses bases d'imposition de la catégorie de bénéfices non commerciaux sur le fondement de l'article L. 74 du livre des procédures fiscales ;

- en tout état de cause l'intéressé se trouvait en situation d'évaluation d'office et de taxation d'office de ses bénéfices en vertu des dispositions des articles L. 73-2° et L. 66-3° du livre des procédures fiscales, dont le fondement sera substitué, au besoin, à celui invoqué précédemment ;

- les bénéfices non commerciaux de l'intéressé ont été déterminés conformément aux dispositions du 1 de l'article 93 du code général des impôts en fonction des encaissements relevés sur les documents en possession du service des impôts et recueillis dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société Interface conseil, du droit de communication exercé auprès de cette même société, d'une demande d'information adressée à la société Innovation 128, et d'une procédure de visite et de saisie de l'article 16 B du livre des procédures fiscales ; les sommes facturées à la société Interface conseil par la société Casacrest ont été considérées comme un chiffre d'affaires réalisé par M. X ; les autres facturations effectuées par Casacrest en direction de tiers ont été évaluées en fonction d'un ratio chiffre d'affaires clients autres / chiffre d'affaires Interface Conseil , le ratio observé le plus élevé, à savoir celui de 1999, ayant été appliqué à toutes les années concernées ; en l'absence de justificatifs, des charges ont été admises en déduction des produits pour une valeur forfaitaire de 10 % de ceux-ci ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2006, présenté pour M. et Mme X, demeurant ... ;

M. et Mme X demandent le rejet du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, la condamnation de l'administration fiscale aux dépens et la mise à la charge de l'Etat de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils font valoir que :

- le Tribunal administratif de Lyon n'a pas dénaturé les faits de la cause ;

- M. X ne détenait pas le capital de la société Casacrest ; l'acte de cession en blanc invoqué par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'était qu'un projet et n'a eu aucune suite ; le transfert de propriété n'est jamais intervenu ; M. X n'a à aucun moment assuré le suivi financier, ni la gestion ou la direction de la société Casacrest ; aucun transfert de fonds ne s'est opéré à son profit en direction de Jersey ; l'administration n'appuie ses affirmations sur aucun document précis qui soit probant ; elle n'établit pas que les factures reprochées attribuées à M. X étaient établies à Lyon ;

- l'opposition à contrôle fiscal n'est pas constituée ; M. X ne pouvait recevoir ni accepter du courrier adressé à Casacrest ; il n'était dépositaire d'aucune pièce comptable ressortissant à la comptabilité de la société Casacrest ;

- le chiffre d'affaires imposable a été déterminé selon des modalités contestables ; ont été méconnues les instructions administratives 13 L-1542, n° 7 du 1er avril 1995, doc adm 13 L-1551, n° 95, 102 et 103, doc adm 4 G-63326, n° 1, 16, 22 et 24 du 15 mai 1993, doc adm 5 G-3313, n° 10 du 15 mai 1991, doc adm 5 B-8212, n° 2 du 15 mai 1991 préconisant de tendre à une évaluation aussi exacte que possible et d'éviter l'établissement d'impositions excessives ou insuffisantes ; l'administration n'a pas justifié les montants de chiffre d'affaires qu'elle a retenus ; elle n'a pas tenu compte des refacturations de frais ; elle n'a pas pris en compte les données statistiques de la profession et n'a retenu aucun critère objectif ; l'extrapolation à laquelle elle s'est livrée est constitutive d'une méthode radicalement viciée ;

- le service des impôts s'est mépris sur la situation juridique de la société Casacrest, qui n'a été ni clôturée ni dissoute au sens du droit français ; une société qui est radiée en droit anglais peut être rétablie (radiation réversible) ; le rétablissement de la société Casacrest a eu une portée rétroactive ; les requérants apportent la preuve de l'existence de l'autonomie nationale et internationale de la société Casacrest, tandis que l'administration ne démontre pas la maîtrise effective de cette société par M. X ;

- il a été donné aux opérations en cause que présume n'administration une qualification libérale erronée : il s'agit de bénéfices industriels et commerciaux, dès lors que M. X aurait dû recourir à l'exploitation du travail d'autrui pour réaliser le chiffre d'affaires que lui a assigné le service des impôts ;

- le service des impôts n'a pas respecté le principe de la personnalisation des voies de recours hiérarchique, inscrit dans la charte du contribuable vérifié, rendue opposable à l'administration par l'article L. 10 du livre des procédures fiscales ;

- le principe général des droits de la défense a été méconnu, l'administration n'ayant pas informé M. X de ses investigations auprès des autorités britanniques ;

- les dispositions de l'articles L. 51 du livre des procédures fiscales ont également été méconnues, les investigations du service des impôts ayant été poursuivies ou reprises après la notification des redressements ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 16 mars 2007, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE, qui maintient ses conclusions, par les mêmes moyens, et qui souligne, en outre, que le recours à la procédure d'évaluation d'office prévue à l'article L. 74 du livre des procédures fiscales est bien justifiée ; que l'administration ayant démontré que M. X avait exercé, à partir des locaux et avec les moyens de la société Interface Conseil, une activité occulte de traduction, sous le couvert de la société britannique Casacrest, il lui incombait de présenter tous les documents nécessaires à la vérification de comptabilité de cette activité professionnelle, ce qu'il n'a pas fait ; qu'il a refusé systématiquement les avis de vérification de comptabilité et les courriers d'information qui lui étaient adressés en courrier recommandé ou en mains propres ; qu'il a été jugé que le contribuable vérifié n'est pas fondé à se plaindre de ce que le supérieur hiérarchique du vérificateur, désigné dans l'avis de vérification de comptabilité, a ultérieurement apposé son visa sur la réponse aux observations du contribuable ou sur le document portant motivation des pénalités de mauvaise foi ; que M. X n'a pas demandé à être reçu par ce supérieur hiérarchique ni par l'interlocuteur départemental ; que de plus, ces garanties ne sont offertes qu'aux redevables relevant de la procédure contradictoire de rehaussement ; que M. X a lui-même participé à l'activité intellectuelle de traduction ; que la catégorie des bénéfices non commerciaux est donc bien celle dans laquelle doivent être rangées les opérations litigieuses ; qu'en toute hypothèse, si la Cour retient le moyen tiré d'une erreur de qualification juridique, il y aurait lieu de procéder à une substitution de base légale en retenant la base fournie par la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux ; que cette substitution ne priverait les requérants d'aucune garantie de procédure, M. X étant en situation d'évaluation d'office comme n'ayant souscrit aucune déclaration catégorielle de revenus ; que l'essentiel des redressements provient du chiffre d'affaires facturé par la société Casacrest à la société Interface Conseil, tel qu'il ressort de la comptabilité de cette dernière société ; qu'en tant qu'il ne résulte pas, dans cette mesure, d'une reconstitution de recettes, le chiffre d'affaires assigné à M. X est donc en tout état de cause justifié ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 juillet 2007, présenté pour M. et Mme X, qui persistent dans leurs précédentes conclusions, par les mêmes moyens ;

Ils font, en outre, valoir que les mémoires de l'administration contiennent de nombreuses erreurs ; que le service des impôts indique lui-même qu'il dispose seulement d'indices et non de certitudes ; que le service des impôts n'a pas démontré que M. X était le seul maître de l'affaire constituée par la société Kinetrad ; que la substitution de base légale demandée par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ne peut être admise ; qu'il y a détournement de procédure ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 17 octobre 2008, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, qui maintient ses conclusions, par les mêmes moyens, et qui soutient, en outre, que le jugement attaqué du Tribunal administratif de Lyon est irrégulier pour avoir joint deux litiges relatifs à deux contribuables différents, le couple X, d'une part, contribuable de l'impôt sur le revenu, et M. X, d'autre part, seul redevable de la taxe sur la valeur ajoutée due à raison de ses activités propres ; que, M. X étant en situation d'évaluation d'office, le moyen tiré du détournement de procédure est inopérant ; que les requérants ne démontrent pas que la substitution de la cédule des bénéfices industriels et commerciaux à celle des bénéfices non commerciaux aboutit à des chiffre d'affaires et résultats inférieurs à ceux notifiés ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 février 2009, présenté pour M. et Mme X, qui persistent dans leurs précédentes conclusions ;

Ils font, en outre, valoir que la jonction d'instance à laquelle ont procédé les premiers juges était justifiée et régulière en l'espèce ; que la légalité des visites domiciliaires de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales a été remise en cause par la Cour européenne des droits de l'homme ; que la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 n'a pu sauver ce dispositif ; qu'en tout état de cause ils n'entraient pas dans les prévisions des dispositions de ce texte ouvrant un nouveau délai pour un possible recours contre la régularité des opérations de visite ; qu'il y a contradiction entre les mises en demeure adressées à M. X et la notification de redressements quant au type de déclaration à souscrire ; que M. X n'était donc pas en situation d'évaluation d'office de ses bénéfices ; qu'il appartient au service des impôts de démontrer la situation d'imposition d'office, en vertu des textes applicables comme de la doctrine administrative ; qu'il n'y a pas eu d'opposition à contrôle ; que M. X n'était pas tenu de recevoir des courriers adressés à Casacrest ; que la doctrine administrative prévoit que les avis de vérification de comptabilité sont adressés aux dirigeant de droit ou de fait de l'entreprise ; que, par rapport à Casacrest, M. X n'était ni l'un, ni l'autre ; que la substitution de base demandée entre bénéfices non commerciaux et bénéfices industriels et commerciaux ne peut être acceptée, les méthodes de détermination des résultats étant différentes et aboutissant à des chiffre de recettes et de bénéfices différents ; que la notification de redressements est insuffisamment motivée ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré par télécopie le 22 avril 2009, régularisé le 28 avril 2009, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, qui maintient ses conclusions, par les mêmes moyens, et qui soutient, en outre, que si la légalité des visites domiciliaires de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales a été remise en cause par la Cour européenne des droits de l'homme, la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 a légalisé ce dispositif en ouvrant, au IV de son article 164, un nouveau délai de recours contre les opérations de visite ; que M. et Mme X ont été informés de ce qu'ils disposaient à cette fin d'un nouveau délai de deux mois ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2009, présenté pour M. et Mme X, qui persistent dans leurs précédentes conclusions ; en outre, ils font valoir que seul M. X a été informé de la possibilité d'introduire un recours à l'encontre des opérations de visite domiciliaire ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu l'ordonnance, en date du 7 avril 2009 du président de la 5ème chambre de la Cour clôturant l'instruction de l'affaire au 24 avril 2009, et l'ordonnance du 12 mai 2009 de la présidente de la 2ème chambre rouvrant l'instruction de la même affaire ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 2009 :

- le rapport de M. Bernault, président ;

- les observations de Me Bonnevay, avocat de M. et Mme X ;

- et les conclusions de M. Raisson, rapporteur public ;

- la parole ayant été de nouveau donnée à Me Bonnevay après les conclusions du rapporteur public ;

Considérant que M. Pierre X exerçait au cours des années 1996 à 2001 les fonctions de gérant de la société de traduction et conseil Interface Conseil, qui a pour objet social la prestation de services de traduction et la mise à disposition d'interprètes et de matériels permettant la traduction immédiate lors de séminaires organisés par ses clients ; que les revenus des époux X ont fait l'objet au titre de ces années d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle qui n'a débouché sur aucun rehaussement ; que, par contre, une visite domiciliaire effectuée le 28 février 2002 dans les locaux de la société Interface Conseil et au domicile des époux X sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, a donné lieu à de très importants redressements d'impôt sur le revenu et de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'en effet l'exploitation des pièces saisies à la suite de cette visite, ainsi que l'examen des données obtenues par la suite auprès des autorités britanniques, dans le cadre de l'assistance internationale, sur le fondement de l'article L. 114 A du livre des procédures fiscales, a persuadé le service des impôts que les factures émises sous le nom de la société Casacrest, société de droit anglais, ayant en principe son siège en Angleterre, qui, bien que dissoute et mise en sommeil pendant la période litigieuse, avait facturé à la société Interface Conseil des prestations d'interprétariat pour un montant total de 18 919 287 francs (2 884 074 euros) de 1996 à 2001, étaient destinées à dissimuler une activité de traduction exercée de manière occulte par M. X grâce aux moyens mis à sa disposition par la société Interface Conseil, et que les produits de cette activité avaient été transférés à Saint-Helier au moyen de virements de fonds des comptes de la société Casacrest vers ceux d'une autre société, la société Kinetrad, qui serait contrôlée par M. X ; que les sommes facturées à la société Interface Conseil par la société Casacrest, et d'autres facturations effectuées en direction de tiers, évaluées en fonction d'un ratio chiffre d'affaires clients autres / chiffre d'affaires Interface Conseil ont été considérées par le service des impôts comme un chiffre d'affaires réalisé par M. X personnellement ; que, dans le cadre de procédures d'évaluation d'office pour opposition à contrôle fiscal, ces sommes ont été taxées d'office à la taxe sur la valeur ajoutée au nom de M. X au titre de la période du 1er janvier 1996 au 30 avril 1992, tandis qu'à partir des mêmes sommes, après prise en compte d'un montant de charges évalué à 10 % des produits, M. et Mme X ont été imposés à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices non commerciaux au titre des années 1996 à 2001 ; qu'il s'en est suivi un rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 627 149 euros en droits et 1 095 991 euros en pénalités, et des cotisations d'impôt sur le revenu s'élevant à 115 870 euros en droits et 229 413 euros en pénalités pour 1996, à 173 809 euros en droits et 328 349 euros en pénalités au titre de 1997, à 211 681 en droits et 380 863 euros en pénalités au titre de 1998, à 318 519 euros en droits et 544 668 euros en pénalités au titre de 1999, à 270 561 euros en droits et 438 309 euros en pénalités au titre de 2000 et à 324 116 euros en droits et 495 897 euros en pénalités au titre de 2001 ; qu'après rejets, intervenus le 30 juin 2003, de la réclamation élevée par les époux X contre ces impositions, les époux X les ont contestées devant le tribunal administratif de Lyon ; que, par le jugement dont le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie fait appel, ce tribunal, après avoir joint les deux affaires, a prononcé la décharge intégrale des rappels et cotisations litigieux, en droits et pénalités, motif pris de ce que l'administration n'établissait pas que M. X détenait le capital de la société Casacrest et qu'il assurait sa gestion financière et administrative ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du recours :

Considérant que le Tribunal administratif de Lyon a été saisi initialement de deux demandes, l'une émanant de M. et Mme X et ayant trait aux compléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre des années 1996 à 2001, l'autre, présentée par M. X, ayant trait aux droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée auxquels M. X a seul été assujetti à raison de l'exercice d'une activité professionnelle occulte qui aurait été exercée sous le couvert de la société Casacrest ; que, dans le jugement attaqué du 27 septembre 2005, le Tribunal administratif de Lyon a joint les demandes pour statuer par une seule décision ; que, cependant, compte tenu de la nature de l'impôt sur le revenu et de celle de la taxe sur la valeur ajoutée, et quels que fussent en l'espèce les liens de fait et de droit entre ces deux impositions, le tribunal administratif devait statuer par deux décisions séparées à l'égard de deux contribuables distincts, M. et Mme X d'une part, M. X, en tant que seul redevable de la taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part ; que, dans ces conditions, c'est en méconnaissance de cette règle d'ordre public que le tribunal administratif a prononcé la jonction des instances ; que, dès lors, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est fondé à soutenir que son jugement doit être annulé en tant qu'il a statué sur les droits de taxe sur la valeur ajoutée auxquels M. X a été assujetti en même temps que sur les compléments d'impôt sur le revenu mis au nom de M. et Mme X ;

Considérant qu'il y a lieu, pour la Cour, dans les circonstances de l'affaire, d'une part, d'évoquer la demande relative à l'impôt sur le revenu présentée devant le Tribunal administratif de Lyon par les époux X, et, d'autre part, après que les mémoires et pièces produites dans les écritures relatives au litige afférent à la taxe sur la valeur ajoutée auront été enregistrés au greffe sous un numéro distinct, de statuer, par évocation également, sur la demande de M. X relative à la taxe sur la valeur ajoutée ;

Au fond :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens présentés en première instance et en appel par les époux X :

Considérant qu'ainsi que le soulignent les époux X, l'administration, qui soutient que M. X a exercé une activité occulte de traduction et d'interprétariat sous couvert de facturations de travaux de traduction et de locations de matériels effectuées par la société Casacrest à la société Interface Conseil et à d'autres clients, supporte la charge d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de son affirmation ;

Considérant que l'administration fait valoir la découverte, au cours de la visite domiciliaire effectuée le 28 février 2002, d'un acte de cession en blanc au profit de M. X de 90 actions de la société Casacrest, signé de la seule détentrice des titres, Mme Ann Benoit, d'une lettre faisant état de transfert de fonds de la société Casacrest vers Jersey pour un montant d'un peu plus d'un million de francs, de documents anciens datant des années 1980 et semblant montrer un lien entre la société Kinetrad, de Jersey, et M. X, d'une lettre du détenteur anglais de la signature de la société Casacrest semblant indiquer que M. X, à propos d'une opération déterminée, a suivi la gestion de cette société, et la constatation de l'entreposage de matériel et de papiers à en-tête de Casacrest dans la cave de la société Interface Conseil ; que l'administration se prévaut également de la dissolution de la société Casacrest, intervenue en 1995, et qui n'a été réactivée, selon une procédure conforme à la législation anglaise, qu'en 2003, postérieurement au contrôle, et qui donc n'aurait pu normalement fournir les prestations acquises par Interface Conseil ;

Considérant, toutefois, que l'acte de cession d'actions en blanc saisi par les agents des impôts, qui ne comporte ni le montant de la transaction supposée, ni la signature de M. X, ne saurait valoir preuve de l'existence d'un transfert de titres ; qu'aucun des documents invoqués ne démontre que M. X était le maître de l'affaire constituée par la société Casacrest, ni sa maîtrise de l'affaire Kinetrad, ni ne prouve un transfert de fonds vers Jersey à son seul profit ; que les autorités britanniques ont indiqué à l'administration française qu'elles ne connaissaient pas M. X comme dirigeant de la société Casacrest ; que l'ensemble des éléments allégués , qui est seulement de nature à faire porter des soupçons sur la régularité des facturations opérées par la société Casacrest en direction de la société Interface Conseil, ne saurait constituer la preuve de l'existence d'une entreprise menée par M. X en son seul nom et de l'accomplissement par lui, en tant qu'entrepreneur, des travaux facturés sous le nom de Casacrest ; que, dès lors, M. et Mme X sont fondés à soutenir que l'administration ne pouvait regarder M. X comme l'auteur réel, en tant que chef d'entreprise, des travaux facturés par la société Casacrest à la société Interface conseil et à d'autres clients et comme le titulaire du chiffre d'affaires et des bénéfices correspondants, et mettre à sa charge, sur ce fondement, des cotisations d'impôt sur le revenu assises sur ces prétendus bénéfices ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les époux X sont fondés à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1996 à 2001 à raison de bénéfices provenant de l'entité Casacrest et des pénalités y afférentes ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat au profit de M. et Mme X la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0304167- 0304169 du Tribunal administratif de Lyon en date du 27 septembre 2005 est annulé.

Article 2 : M. et Mme X sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 1996 à 2001 à raison de bénéfices provenant de l'entité Casacrest et des pénalités y afférentes.

Article 3 : Les productions du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et de M. X enregistrées sous le n° 06LY00285, en tant qu'elles concernent la taxe sur la valeur ajoutée, sont rayées du registre du greffe de la Cour pour être enregistrées sous un numéro distinct.

Article 4 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.

Article 5 : L'Etat versera à M. et Mme X une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT et à M. et Mme Pierre X.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2009 à laquelle siégeaient :

M. Bernault, président de chambre,

M. Montsec, président-assesseur,

Mme Besson-Ledey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 3 septembre 2009.

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N° 06LY00285

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06LY00285
Date de la décision : 03/09/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Composition du Tribunal
Président : M. BERNAULT
Rapporteur ?: M. François BERNAULT
Rapporteur public ?: M. RAISSON
Avocat(s) : CABINET NICOL FIDEUROPE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-09-03;06ly00285 ?
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