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16/07/2009 | FRANCE | N°08LY00560

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 16 juillet 2009, 08LY00560


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 10 mars 2008 à la Cour et régularisé le 11 avril 2008, présenté pour le Préfet de l'Yonne ;

Le Préfet de l'Yonne demande à la Cour

1°) d'annuler le jugement n° 0701910, du 31 janvier 2008, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé ses décisions du 8 août 2007, par lesquelles il a refusé à Mme Nguindu X la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée ;

2°) de rejeter la demande présentée

par Mme X devant le Tribunal administratif ;

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Vu la requête, enregistrée par télécopie le 10 mars 2008 à la Cour et régularisé le 11 avril 2008, présenté pour le Préfet de l'Yonne ;

Le Préfet de l'Yonne demande à la Cour

1°) d'annuler le jugement n° 0701910, du 31 janvier 2008, par lequel le Tribunal administratif de Dijon a annulé ses décisions du 8 août 2007, par lesquelles il a refusé à Mme Nguindu X la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle serait renvoyée ;

2°) de rejeter la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu les pièces desquelles il résulte que le recours n'a pas pu être communiqué à Mme Nguindu X, dont l'adresse est inconnue ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 7 juillet 2009 :

- le rapport de M. Le Gars, président,

- et les conclusions de M. Reynoird, rapporteur public ;

Sur la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) et qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet délivre la carte de séjour temporaire, au vu d'un avis émis par le médecin inspecteur de santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé (...). / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l'intérieur, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ;

Considérant que la décision portant refus de délivrance de titre de séjour en litige a été prise au vu d'un avis émis le 15 mars 2007 par le médecin inspecteur de santé publique, selon lequel l'état de santé de Mme X nécessite une prise en charge médicale de longue durée, dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais l'intéressée peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, vers lequel elle peut voyager sans risque ; que les attestations médicales produites au dossier par la requérante, qui se bornent, pour l'une d'elle, rédigée par un médecin généraliste le 27 janvier 2006, à préciser qu'elle souffre de diabète non insulino-dépendant, d'hypertension artérielle, d'hypothyroïdie et d'un syndrome dépressif chronique, pour une deuxième, établie le 9 novembre 2006 par le même médecin, à souligner qu'elle est bien stabilisée et pourrait, par conséquent, travailler, et, pour une troisième, établie le 3 juillet 2006 par un praticien hospitalier, à indiquer qu'elle est suivie pour une affection nécessitant des conditions de vie et d'hygiène optimales, ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis émis par le médecin inspecteur de santé publique quant à la possibilité, pour Mme X, de bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée en République démocratique du Congo, alors que le Préfet de l'Yonne produit, par ailleurs, un document confirmant l'existence d'une offre de soins dans ce pays pour les affections en cause ; que, par suite, le Préfet de l'Yonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a annulé sa décision de refus de délivrance de titre de séjour en litige au motif qu'il n'apportait pas la preuve de l'existence d'une offre de soins en République démocratique du Congo pour l'hypertension artérielle dont souffre l'intéressée ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme X devant le Tribunal administratif de Dijon ;

Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des mentions de la décision du 8 août 2007 portant refus de délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, qui énoncent les considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision, que cette dernière est suffisamment motivée, alors même qu'elle ne mentionne pas l'existence du fils de la requérante, né en France le 23 juin 2004 ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X, ressortissante congolaise âgée de trente-six ans à la date des décisions en litige, est entrée en France au mois de février 2002, selon ses déclarations ; qu'elle est mère d'un enfant, né en France le 23 juin 2004, d'une relation avec un compatriote avec laquelle elle ne vit pas et dont elle n'établit pas qu'il disposerait d'un droit non précaire au séjour en France en se bornant à produire copie d'une autorisation provisoire de séjour le concernant, expirée depuis le 8 mai 2007, ainsi que d'un récépissé de demande de carte de séjour délivré le 20 août 2007 ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, la décision de refus de délivrance de titre de séjour n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante au regard de sa vie privée et familiale ;

Considérant, en troisième lieu, que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci dessus lors de l'examen de la légalité de cette décision au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision portant refus de délivrance de titre de séjour n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur l'état de santé de l'intéressée ;

Considérant, enfin, que la requérante ne peut pas se prévaloir utilement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à l'encontre de la décision en litige lui refusant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 11° de ce même article, dès lors que sa demande de titre de séjour se fondait uniquement sur des motifs médicaux ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du premier alinéa du I. de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, applicable en l'espèce : L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa.

Considérant que l'obligation de quitter le territoire français est une mesure de police qui doit, comme telle, être motivée en application des règles de forme édictées, pour l'ensemble des décisions administratives, par l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; que toutefois, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus ou du retrait de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus ou ce retrait est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ;

Considérant que, ainsi qu'il l'a déjà été dit, la décision du 8 août 2007 portant refus de titre de séjour est suffisamment motivée ; que, par suite, la décision obligeant Mme X à quitter le territoire français qui, en outre, comporte le visa des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui fonde cette mesure d'éloignement, est elle-même suffisamment motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour, que le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français est illégale en conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux précédemment retenus dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour, et en l'absence de tout autre élément, les moyens tirés de la méconnaissance, par la mesure d'éloignement, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont cette mesure serait entachée au regard de ses conséquences sur l'état de santé de la requérante, doivent être écartés ;

Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. et que ce dernier texte énonce que Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ;

Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne, soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que Mme X fait valoir qu'elle encourt des risques pour son intégrité physique ainsi que pour celle de son fils en cas de retour en République démocratique du Congo, notamment du fait de l'instabilité du régime en place, que les assassins de son époux pourraient faire preuve de violence à leur encontre et qu'elle a déjà été victime de persécutions dans son pays dans le passé ; que, toutefois, l'intéressée n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité des faits allégués et des risques personnellement encourus en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'ainsi, la décision fixant la République démocratique du Congo comme pays de renvoi n'a méconnu ni les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le Préfet de l'Yonne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Dijon a annulé ses décisions en date du 8 août 2007 par lesquelles il a refusé à Mme X la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a désigné le pays de renvoi ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Dijon en date du 31 janvier 2008 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Dijon est rejetée.

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N° 08LY00560


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 08LY00560
Date de la décision : 16/07/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LE GARS
Rapporteur ?: M. Jean Marc LE GARS
Rapporteur public ?: M. REYNOIRD
Avocat(s) : JOURDAIN JEAN-YVES

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-07-16;08ly00560 ?
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