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30/06/2009 | FRANCE | N°06LY00583

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 30 juin 2009, 06LY00583


Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2006, présentée pour M. Jean-Luc X, domicilié ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement n° 0401603 du 20 décembre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a limité le montant de l'indemnisation en réparation des préjudices résultant de l'intervention subie le 22 juin 2001 à la somme de 6 000 euros ;

3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la som

me de 98 263 euros en réparation des préjudices subis ;

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Vu la requête, enregistrée le 20 mars 2006, présentée pour M. Jean-Luc X, domicilié ... ;

M. X demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement n° 0401603 du 20 décembre 2005, par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a limité le montant de l'indemnisation en réparation des préjudices résultant de l'intervention subie le 22 juin 2001 à la somme de 6 000 euros ;

3°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand à lui verser la somme de 98 263 euros en réparation des préjudices subis ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de sécurité sociale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 2009 :

- le rapport de M. Quencez, président ;

- les observations de Me Levy, avocat du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand et de Me Michaud, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier ;

- et les conclusions de Mme Marginean-Faure, rapporteur public ;

La parole ayant été de nouveau donnée aux parties présentes.

Considérant que M. X a été victime en 1983 d'un accident de chasse occasionnant de graves lésions à sa jambe droite qui ont nécessité plusieurs interventions chirurgicales au cours des années 1985, 1990 et 1998 ; qu'il a subi le 22 juin 2001 au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand une arthrodèse tibio-tarsienne droite, puis diverses interventions afin de conforter l'arthrodèse ; que des examens bactériologiques effectués à l'occasion desdites interventions ont révélé la présence d'une contamination bactérienne par un staphylocoque doré et par une souche de pseudomona aeruginosa ; qu'en l'absence de consolidation de l'arthrodèse, le 13 janvier 2003, M. X a été amputé d'une partie de la jambe droite ;

Sur la responsabilité :

Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002, dans la rédaction que lui a donnée l'article 3 de la loi du 30 décembre 2002 : Les dispositions du titre IV du livre 1er de la première partie du code de la santé publique issues de l'article 98 de la présente loi, à l'exception du chapitre 1er de l'article L. 1142-2 et de la section 5 du chapitre II, s'appliquent aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisées à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée ; qu'il résulte de ces dispositions que le nouveau régime de responsabilité institué par les articles L. 1142-1 et suivants du code de la santé publique s'applique aux accidents médicaux consécutifs à des actes réalisés à compter du 5 septembre 2001, même s'ils font l'objet d'une instance en cours ; qu'il n'est en revanche pas applicable aux procédures en cours relatives à des accidents médicaux consécutifs à des actes réalisés avant cette date ;

Considérant que pour réaliser le 22 juin 2001 l'arthrodèse de M. X les services hospitaliers du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand se sont fondés sur un bilan vasculaire favorable réalisé en 1993 ; qu'eu égard aux habitudes de vie du patient et notamment sa consommation de tabac et son surpoids, celui-ci présentait des risques vasculaires qui auraient nécessité un nouvel examen vasculaire pré-opératoire ; que ces risques ont d'ailleurs été confirmés postérieurement à l'arthrodèse, par une artériographie réalisée le 24 septembre 2001, qui a révélé des lésions obstructives d'allure athéromateuse et notamment une occlusion de la fémorale superficielle, justifiant une opération de revascularisation, qui n'a été réalisée que le 10 octobre 2001, alors qu'une nécrose cutanée s'était déjà développée, créant ainsi un terrain favorable à une infection; que l'absence de réalisation, avant l'arthrodèse, d'un nouvel examen vasculaire constitue ainsi une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier, ainsi que l'ont relevé les premiers juges ;

Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, issu de la loi n° 2002-300 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé: I.- Hors les cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé (...) ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lequel sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Les établissement, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère ; qu'en vertu de l'article 101 de la loi du 4 mars 2002, et comme l'a expressément confirmé l'article 3 de la loi du 30 décembre 2002 relative à la responsabilité médicale, ces dispositions sont applicables aux infections nosocomiales consécutives à des soins réalisés à compter du 5 septembre 2001 ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise qu'à l'occasion des interventions visant à consolider l'arthrodèse, qui ont été pratiquées après le 5 septembre 2001, M. X a été contaminé par un staphylocoque doré et une souche de pseudomona aeruginosa, et que cette contamination s'est produite au moins pour l'un des germes au cours du séjour hospitalier du 13 septembre 2001 au 20 octobre 2001 ; que si l'expert relève que le développement de cette infection nosocomiale a été favorisé par la nécrose déjà mentionnée, cette circonstance ne permet pas de regarder le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand comme apportant la preuve d'une cause d'infection étrangère au service public hospitalier, dès lors que la faute constituée par l'absence d'examen vasculaire préalable a fait obstacle à ce que soit pratiquée avant l'arthrodèse l'opération de revascularisation destinée à parer à une telle nécrose ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand est entièrement engagée à raison des complications infectieuses rencontrées par M. X ;

Considérant, à cet égard, que si l'expert relève d'une part qu'un nouveau bilan vasculaire aurait permis le diagnostic des lésions vasculaires à l'origine des complications, leur traitement éventuel et aurait peut-être été un facteur de contre - indication au geste chirurgical d'arthrodèse et d'autre part que dans cette éventualité (...) M. Jean-Luc X aurait été confronté à la décision d'une amputation de première intention en absence d'alternative de telles conjectures ne sont de nature à établir ni que l'arthrodèse était inutile par elle-même, ni que l'état de santé de M. X nécessitait alors l'amputation réalisée par la suite ; qu'il résulte au contraire de l'instruction que c'est le développement de l'infection sur un terrain nécrosé en raison d'une vascularisation insuffisante qui a fait obstacle à la consolidation de l'arthrodèse et a rendu nécessaire cette amputation ;

Considérant qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise, que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Clermont Ferrand a estimé que ladite amputation ne constituait pas la conséquence directe d'une faute du service public hospitalier et refusé de réparer les préjudices en résultant ;

Sur la réparation :

Considérant que le juge, saisi d'un recours de la victime d'un dommage corporel et d'un recours subrogatoire d'un organisme de sécurité sociale doit, pour chacun des postes de préjudice patrimoniaux et personnels, déterminer le montant du préjudice en précisant la part qui a été réparée par des prestations de sécurité sociale et celle qui est demeurée à la charge de la victime ; qu'il lui appartient ensuite de fixer l'indemnité mise à la charge de l'auteur du dommage au titre du poste de préjudice en tenant compte, s'il a été décidé, du partage de responsabilité avec la victime ; que le juge doit allouer cette indemnité à la victime dans la limite de la part du poste qui n'a pas été réparée par des prestations, le solde, s'il existe, étant alloué à l'organisme de sécurité sociale ;

Considérant qu'en l'absence de dispositions réglementaires définissant les postes de préjudice, il y a lieu, pour mettre en oeuvre la méthode sus décrite, de distinguer, parmi les préjudices de nature patrimoniale, les dépenses de santé, les frais liés au handicap, les pertes de revenus, l'incidence professionnelle et scolaire et les autres dépenses liées à ce dommage ; que parmi les préjudices personnels, sur lesquels l'organisme de sécurité ne peut exercer son recours que s'il établit avoir effectivement et préalablement versé à la victime une prestation réparant de manière incontestable un tel préjudice, il y a lieu de distinguer, pour la victime directe, les souffrances physiques et morales, le préjudice esthétique et les troubles dans les conditions d'existence, envisagés indépendamment de leurs conséquences pécuniaires ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'en juin 2001 M. X se trouvait déjà en invalidité depuis 1994 en raison des conséquences fonctionnelles de l'accident de 1983 et avait cessé toute activité professionnelle ; que cependant, il a subi, en raison des complications infectieuses imputables au centre hospitalier, de nombreuses interventions et hospitalisations, ainsi que des visites médicales régulières et un traitement médicamenteux lourd ; que ces complications ont, ainsi qu'il a été dit, abouti à une amputation partielle de la jambe droite, à 12 centimètres en dessous du genou ; que M. X est depuis appareillé d'une prothèse et souffre de douleurs fantômes liées à la perte partielle de son membre ; qu'il sera fait une juste appréciation des préjudices personnels ainsi subis par l'intéressé en lui allouant une somme de 50 000 euros au titre des troubles de toute nature dans les conditions d'existence, dont le préjudice moral et le préjudice d'agrément, une somme de 6 000 euros au titre des souffrances endurées, évaluées à 4,5/7 par l'expert, et une somme de 4 000 euros au titre du préjudice esthétique résultant de l'amputation ; qu'ainsi, M. X est seulement fondé à demander que l'indemnité de 6 000 euros que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a été condamné à lui verser soit portée à 60 000 euros ;

Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier justifie de la prise en charge des frais médicaux, d'hospitalisation et d'appareillage afférents aux complications infectieuses subies par M. X et à son amputation à concurrence de 93 205, 20 euros ; qu'elle est, dès lors, fondée à demander que l'indemnité de 26 346,31 euros que le centre hospitalier a été condamné à lui verser en remboursement des dépenses de santé à sa charge soit portée à ce montant ;

Sur les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier fondées sur l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. (...) ; qu'aux termes de l'arrêté du 11 décembre 2008, le montant maximum prévu par ces dispositions a été porté à 955 euros ; qu'il y a dès lors lieu de porter la somme qui a été allouée à ce titre par le Tribunal à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier à 955 euros ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge du centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand le paiement à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : L'indemnité de 6000 euros que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a été condamné à verser à M. X par le jugement susvisé du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 20 décembre 2005 est portée à 60 000 euros.

Article 2 : L'indemnité de 26 346,31 euros que le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand a été condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier par le jugement susvisé est portée à 93 205,20 euros.

Article 3 : La somme de 760 euros à laquelle le centre hospitalier de Clermont-Ferrand a été condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier par l'article 2 du jugement attaqué est portée à 955 euros.

Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 20 décembre 2005 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand versera à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X et des conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Allier présentées devant la Cour est rejeté.

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N° 06LY00583


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06LY00583
Date de la décision : 30/06/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. QUENCEZ
Rapporteur ?: M. Etienne QUENCEZ
Rapporteur public ?: Mme MARGINEAN-FAURE
Avocat(s) : CHABLE DEBORBE ANNIE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-06-30;06ly00583 ?
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