Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Lyon le 27 avril 2006, présentée pour M. Ahmed X, domicilié ..., par Me Besson, avocat au barreau de Chambéry ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0601408 en date du 4 avril 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Savoie du 29 mars 2006 ordonnant sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler l'arrêté susmentionné pour excès de pouvoir ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2006 :
- le rapport de M. Grabarsky, président ;
- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1°) Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (…) » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité comorienne, n'a pu justifier, par les documents peu lisibles qu'il a produit, la date et la régularité de son entrée en France ; qu'il ne justifiait pas être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X vit maritalement avec une compatriote entrée en France en 1999 et titulaire d'une carte de résident d'une validité de dix ans ; que le couple a deux jumelles nées en France le 19 février 2003, et s'occupe des trois enfants mineurs de la concubine de l'intéressé nés d'une précédente union ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, l'arrêté du préfet de la Savoie ordonnant la reconduite à la frontière de l'intéressé a porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette mesure a été prise ; qu'il a par suite méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 29 mars 2006 par lequel le préfet de la Savoie a ordonné sa reconduite à la frontière ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu de condamner l'Etat (préfet de la Savoie) à verser en application du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 une somme de 1 000 euros à Me Besson sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0601408 en date du 4 avril 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble, ensemble l'arrêté en date du 29 mars 2006 du préfet de la Savoie ordonnant la reconduite à la frontière de M. X, sont annulés.
Article 2 : L'Etat (préfet de la Savoie) versera une somme de 1 000 euros à Me Besson, par application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
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N° 06LY00860