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20/06/2006 | FRANCE | N°05LY02023

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, Juge unique - 6ème chambre, 20 juin 2006, 05LY02023


Vu, enregistré le 22 décembre 2005 au greffe de la Cour, le recours présenté par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 5 décembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a d'une part, annulé ses arrêtés en date du 18 novembre 2005, par lesquels il a ordonné la reconduite à la frontière de M. et Mme Velija X et fixé comme pays de destination le pays dont ils ont la nationalité, d'autre part lui a enjoint de réexamine

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Vu, enregistré le 22 décembre 2005 au greffe de la Cour, le recours présenté par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE ;

Le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement en date du 5 décembre 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a d'une part, annulé ses arrêtés en date du 18 novembre 2005, par lesquels il a ordonné la reconduite à la frontière de M. et Mme Velija X et fixé comme pays de destination le pays dont ils ont la nationalité, d'autre part lui a enjoint de réexaminer la situation de M. et Mme X et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, enfin a condamné l'Etat à payer 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;

2°) de rejeter les demandes présentées devant le Tribunal administratif par M. et Mme X ;

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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 mai 2006 :

- le rapport de M. Guerrive, président ;

- et les conclusions de Mme Verley-Cheynel, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3º Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé, ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ; (...) 6° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé (…). » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X, de nationalité serbo-monténégrine, entrés irrégulièrement sur le territoire national en novembre 2001, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 30 juin 2005, des décisions du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE du 15 juin 2005, confirmées le 27 juillet 2005, les informant, après les rejets le 25 avril 2005 par la commission des recours des réfugiés de leurs recours contre les décisions des 29 juin et 9 septembre 2004 de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) rejetant leurs nouvelles demandes d'asile, de la fin de leur droit temporaire au séjour, leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et les invitant à quitter le territoire ; qu'il se trouvaient ainsi dans le cas où, en application des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;

Considérant que pour annuler les décision litigieuses, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE en ordonnant la reconduite à la frontière des intéressés et sur la méconnaissance, par les décisions fixant le pays de destination des mesures d'éloignement, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, en premier lieu, que si M. et Mme X font valoir qu'ils sont bien intégrés en France où ils vivent dans la quiétude après des années d'insécurité et qu'ils bénéficient tous deux d'une promesse d'embauche, il ne ressort cependant pas des pièces du dossier, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. et Mme X, qui n'établissent pas être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine, que le PREFET DE LA HAUTE SAVOIE ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle des intéressés ; que, par ailleurs, si M. et Mme X soutiennent que leur état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour eux des conséquences d'une exceptionnelle gravité et produisent des certificats médicaux qui indiquent qu'ils souffrent de névrose post-traumatique et suivent en France un traitement lié à un problème d'infécondité, il ne ressort pas de ces certificats, ni des autres pièces du dossier, qu'ils ne pourraient pas bénéficier d'un traitement approprié dans leur pays d'origine afin de traiter leur pathologie post-traumatique ; que si le certificat médical relatif au traitement d'une infécondité, en date du 5 février 2004, précise qu'un tel traitement n'est pas envisageable dans le pays d'origine des intéressés, le médecin auteur de ce certificat a cependant explicitement limité cette prise en charge à plusieurs mois sur l'année 2004 ; que le second certificat médical produit, en date du 26 juillet 2005, qui mentionne que M. et Mme X suivent un traitement pour une stérilité primaire, ne fait pas état d'une impossibilité pour les intéressés de bénéficier d'un traitement approprié dans leur pays d'origine ; que, par suite, le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur l'erreur manifeste d'appréciation dont auraient été entachés les arrêtés attaqués pour en prononcer l'annulation ;

Considérant, en second lieu, que, pour soutenir qu'il est recherché par les autorités serbes en raisons de son engagement politique, M. X, qui n'a pas produit d'observations en appel, n'a produit en première instance aucun autre document que ceux dont il s'était prévalu devant l'OFPRA puis la commission des recours des réfugiés, qui ont rejeté deux demandes successives ; que s'il appartient au juge administratif, qui n'est pas lié par l'appréciation de ces instances, d'examiner le contenu et la force probante des documents qui lui sont présentés, et de tenir compte des éléments que l'intéressé pourrait produire en cours de procédure, rien ne lui interdit, en l'absence de tout élément nouveau, de porter sur les documents qui lui sont soumis une appréciation identique à celle desdites instances ; qu'en l'espèce les documents que produit M. sont anciens et n'établissent pas la réalité de menaces personnelles dont il prétend être l'objet à la date de la décision attaquée ; que, par suite, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, les décisions par lesquelles le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE a désigné la communauté d'Etats de Serbie et Monténégro comme pays de destination des mesures de reconduites n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. et Mme X devant les premiers juges ;


En ce qui concerne l'exception d'illégalité des refus de titre de séjour :

Considérant que par arrêté du 10 janvier 2005, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Savoie du même jour, M. Philippe Derumigny, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Savoie, a reçu régulièrement délégation de signature du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE pour signer notamment les décisions relatives au droit au séjour des étrangers ;


Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (…) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...)11º A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire (...) » ; que l'article L. 312-1 du même code dispose que : « Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) » ; qu'enfin aux termes de l'article L. 312-2 de ce code : « La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (…) » ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ;
Considérant que M. et Mme X soutiennent que les décisions de refus de titre séjour du PREFET DE LA HAUTE SAVOIE, en date du 15 juin 2005, sont illégales compte tenu de leur intégration en France, où ils peuvent enfin vivrent une vie privée et familiale normale, et de leur état de santé ; que cependant, eu égard à l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour de M. et Mme X, lesquels n'établissent pas, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, être dépourvus d'attaches familiales dans leur pays d'origine et que leur état de santé nécessiterait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ou qu'ils ne pourraient bénéficier d'un traitement approprié dans leur pays d'origine, les refus que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE leur a opposé, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, n'étaient pas de nature à porter à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris et n'ont méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions des 7° et 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il en résulte que M. et Mme X n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un titre de séjour en application des dispositions sus rappelées de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le PREFET DE LA HAUTE SAVOIE n'était pas tenu, en application de l'article L. 312-2 précité, de soumettre leur cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter leurs demandes ;

Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le PREFET DE LA HAUTE SAVOIE se serait estimé en situation de compétence liée et n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. et Mme X ;


En ce qui concerne les autres moyens :

Considérant que par arrêté du 10 janvier 2005, publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Savoie du même jour, M. Philippe Derumigny, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Savoie, a reçu régulièrement délégation de signature du PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE pour signer notamment les décisions de reconduite à la frontière ;

Considérant que les arrêtés attaqués, qui comportent l'indication des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement, sont suffisamment motivés ; que si, dans la motivation de ces arrêtés, il n'est fait référence qu'à la vie familiale des intéressés, dès lors que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est visé, le PREFET DE LA HAUTE SAVOIE doit être regardé comme ayant implicitement mais nécessairement pris en compte aussi la vie privée de M et Mme X, ces derniers ne se prévalant au demeurant d'aucun élément de leur vie privée que le PREFET DE LA HAUTE SAVOIE aurait omis d'examiner ;

Considérant que, pour les raisons exposées ci-dessus et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, les arrêtés de reconduite à la frontière, pris à l'encontre des intéressés le 18 novembre 2005 par le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE, qui a procédé à l'examen particulier de la situation des intéressés sans commettre d'erreur de droit, ne sont pas entachés d'erreur manifeste d'appréciation et n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le PREFET DE LA HAUTE-SAVOIE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble a, d'une part, annulé ses arrêtés de reconduite à la frontière concernant M. et Mme X ainsi que ses décisions fixant le pays de destination des mesures d'éloignement, d'autre part lui a enjoint de réexaminer la situation de M. et Mme X et de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour, enfin a condamné l'Etat à payer 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens ;


DECIDE :
Article 1er : Le jugement susvisé en date du 5 décembre 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. et Mme X devant le Tribunal administratif de Grenoble sont rejetées.
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N° 05LY02023

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : Juge unique - 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 05LY02023
Date de la décision : 20/06/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean Louis GUERRIVE
Rapporteur public ?: Mme VERLEY-CHEYNEL

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2006-06-20;05ly02023 ?
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