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29/12/2005 | FRANCE | N°05LY00206

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4eme chambre - formation a 5, 29 décembre 2005, 05LY00206


Vu la requête, enregistrée le 8 février 2005, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY, représenté par son directeur dûment habilité par une délibération du conseil d'administration en date du 28 janvier 2005, dont le siège est ..., par la SCP Neveu, Sudaka et associés avocat au barreau de Paris ;

Le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0001017 du 26 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamné à verser à la société BTR International la somme de 169 211,23 e

uros outre intérêts ;

2°) de débouter la société BTR International de l'ensembl...

Vu la requête, enregistrée le 8 février 2005, présentée pour le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY, représenté par son directeur dûment habilité par une délibération du conseil d'administration en date du 28 janvier 2005, dont le siège est ..., par la SCP Neveu, Sudaka et associés avocat au barreau de Paris ;

Le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0001017 du 26 novembre 2004 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble l'a condamné à verser à la société BTR International la somme de 169 211,23 euros outre intérêts ;

2°) de débouter la société BTR International de l'ensemble de ses prétentions ;

3°) de condamner la société BTR International à lui verser une somme de 15 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 décembre 2005 :

- le rapport de Mme Déal, premier conseiller ;

- les observations de Me Tousset, avocat de la société MB ;

- et les conclusions de M. Besle, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite d'une procédure d'appel d'offre restreint sur performances le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY a passé un marché de fournitures, qui a été notifié le 5 janvier 1998 et qui comportait une tranche ferme et des tranches conditionnelles, avec la société BTR International concernant la fourniture de matériels de distribution de repas aux personnes hospitalisées ; que, par un jugement en date du 26 novembre 2004, le Tribunal administratif de Grenoble a décidé que la résiliation dans l'intérêt du service de ce marché qui comportait des tranches conditionnelles était régulière compte tenu des nombreuses difficultés de fonctionnement du matériel déjà livré, et constatant que le transfert de ce matériel livré le 19 juin 1998 dans le patrimoine de l'acheteur public rendait exigible, en l'absence de toute réfaction opérée par l'acheteur dans les délais contractuels, la facture de la société, a condamné le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY à payer à la société BTR International une somme de 169 211,23 euros portant intérêts au taux prévu par le code des marchés publics à compter du 29 septembre 1998 ; que le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY fait appel de ce jugement en ce qu'il l'a condamné et demande à ce que l'arrêt à intervenir soit opposable au Crédit coopératif, banquier de la société MB, venue aux droits de la société BTR International à qui la créance résultant du jugement aurait été cédée en application des dispositions de la loi Dailly ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant qu'aux termes de l'article 8-7 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services applicable au marché en litige : « Cas de résiliation du marché : en cas de résiliation du marché, quelle qu'en soit la cause, une liquidation des comptes est effectuée ; les sommes restant dues par le titulaire sont immédiatement exigibles », qu'aux termes de l'article 30 du même cahier : « Liquidation du marché résilié ; 30-1 Le marché résilié est liquidé en tenant compte d'une part des prestations terminées et admises et d'autre part, des prestations en cours d'exécution dont la personne responsable du marché accepte l'achèvement. Le décompte de liquidation du marché qui contient éventuellement l'indemnité fixée à l'article 31 est arrêté par décision de la personne publique et notifié au titulaire. » et qu'aux termes de l'article 34 du même cahier : « Tout différend entre le titulaire et la personne responsable du marché doit faire l'objet de la part du titulaire d'un mémoire de réclamation qui doit être communiqué à la personne responsable du marché dans le délai de trente jours compté à partir du jour où le différend est apparu. »

Considérant d'une part, que contrairement à ce que soutient le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY, la demande de la société BTR International ne tendait pas à l'annulation de la décision de résiliation du marché en date du 4 février 1999 ; que d'autre part, il est constant qu'à la suite de la résiliation du marché en cause, le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY n'a pas arrêté de décompte ; que dès lors, face à la carence de la personne publique, la société BTR International a pu, à bon droit, adresser une réclamation préalable en date du 6 mai 1999 pour obtenir le paiement des sommes dues en règlement de la partie du marché exécutée sans que lui soit opposable le délai de trente jours prévu par les stipulations de l'article 34 du cahier des clauses administratives générales précitées ; que par suite, le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Grenoble a décidé que la demande de la société BTR International n'était pas tardive ;

Sur les conclusions principales :

Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 20-1 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services : « Le titulaire ou son représentant désigné à cet effet assiste à la livraison ou à l'exécution du service. L'absence du titulaire ou de son représentant ne fait pas obstacle à la validité des opérations de vérification. » ; de l'article 20-3 du même cahier : « Les opérations de vérification autres que celles qui sont mentionnées au 2 ci-dessus sont exécutées par la personne responsable du marché dans les conditions prévues à l'article 21 ci-après. Le délai qui lui est imparti pour y procéder et notifier sa décision est sauf stipulation contraire de quinze jours. » ; et de l'article 21-21 du même cahier : « A l'issue des opérations de vérification, la personne responsable du marché prend une décision expresse d'admission, d'ajournement, de réfaction ou de rejet. Passé le délai prévu à l'article 3 de l'article 20 ci-dessus, la décision d'admission des fournitures ou des services est réputée acquise. »

Considérant que les irrégularités formelles contenues dans le bon de livraison de la société BTR International en date du 19 juin 1998, alors même que le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY ne conteste pas que la livraison des matériels commandés et portés sur le bon de commande a été effectivement réalisée à cette date, sont sans incidence sur le point de départ du délai de quinze jours mentionné dans l'article 20-3 du cahier des clauses administratives générales applicables en l'absence d'autres stipulations contractuelles ; que la lettre du 3 juillet 1998 adressée par le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY à la société BTR International qui précise uniquement que des difficultés de fonctionnement sont apparues sur le matériel livré et qui propose une réunion d'évaluation le 31 juillet 1998 ne constitue ni une décision d'ajournement, ni une décision de rejet ; qu'ainsi le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY n'est pas fondé à soutenir qu'une décision d'ajournement ou de rejet est intervenue dans le délai de quinze jours de la livraison du matériel litigieux ; que dès lors, la décision d'admission desdits matériels est réputée acquise à la date du 4 juillet 1998 ; que par suite, le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY ne peut utilement invoquer ses lettres ultérieures en date des 5 et 12 août 1998 pour établir qu'une décision de rejet des fournitures serait intervenue dans les délais fixés contractuellement par les parties ; qu'ainsi, le transfert de propriété dans le patrimoine de l'acheteur public des fournitures livrées rendait exigible le paiement du prix prévu par le contrat ; que dès lors, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de Grenoble a décidé que le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY était redevable à la société BTR International de la somme de 169 211,23 euros ;

Considérant en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la facture de la société BTR International concernant le matériel livré ainsi qu'il vient d'être dit le 19 juin 1998 a été émise le 22 juin 1998 ; que le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION d'ANNECY ne conteste pas avoir reçu cette facture mais allègue que les livraisons n'étaient pas terminées, que la première phase du marché correspondant au prix stipulé à ladite facture n'était pas exécutée et que la dernière prestation prévue au marché ne pouvait être considérée comme achevée puisque le matériel livré s'est avéré non conforme ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY a admis le matériel livré et que par suite, il n'est pas fondé à soutenir que la prestation n'était pas réalisée à la date d'émission de la facture ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY, les intérêts moratoires sur le prix étaient dus en application des dispositions de l'article 178-2 du code des marchés publics dans sa rédaction alors applicable ;

Sur les conclusions subsidiaires :

Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1641 du code civil : « Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus » ; qu'aux termes de l'article 1648 du même code : « L'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur, dans un bref délai, suivant la nature des vices rédhibitoires, et l'usage du lieu où la vente a été faite (…) » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des nombreux courriers échangés entre le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY et la société BTR International entre le mois d'août 1998 et le mois de février 1999, que la plupart des dysfonctionnements des matériels en cause étaient connus et identifiés dès cette époque ; que le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY a invoqué pour la première fois la garantie issue des dispositions de l'article 1641 du code civil dans sa requête d'appel ; qu'ainsi, à supposer même que ces dysfonctionnements constituent des vices cachés, le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY ne les a pas invoqués dans un délai, qui aux termes de l'article 1648 du code civil précité, doit être nécessairement bref ; que par suite, le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la société sur ce fondement ;

Considérant en second lieu, qu'aux termes de l'article 23 du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ; « Garantie : 23-1 Si le marché prévoit que les prestations sont garanties, le point de départ du délai de garantie est la date d'admission de la prestation ou, si le marché le prévoit, la date de mise en service 23-3. Au titre de cette garantie, le titulaire s'oblige à remettre en état ou à remplacer à ses frais la partie de la prestation qui serait reconnue défectueuse(…) 23-5 Si à l'expiration du délai de garantie, le titulaire n'a pas procédé aux remises en état prescrites, le délai de garantie est prolongé jusqu'à l'exécution complète des remises en état » ; qu'aux termes de l'article 5 du cahier des clauses administratives particulières : « La prestation est garantie pendant 12 mois (…) » ; et qu'aux termes de l'article 3-5 du cahier des clauses techniques particulières : « 35-1 La période minimale de garantie est fixée à un an à compter de la livraison (…) 35-2 Le fournisseur poursuivra sa mission jusqu'à la fin de la période des garanties contractuelles et légales définies au marché. »

Considérant que la circonstance, postérieure à l'exécution du contrat, que le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY ait décidé unilatéralement de mettre au rebut l'ensemble des matériels en cause après plusieurs mois d'utilisation renonçant ainsi totalement à leur réparation est sans incidence sur l'appréciation des modalités de mise en jeu de la garantie contractuelle et n'est pas de nature à établir que le matériel était définitivement hors d'usage ; que d'une part, il résulte de l'instruction que la société BTR International est intervenue à de nombreuses reprises à la demande du CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY notamment à la suite de la réunion d'évaluation du 31 juillet 1998 et a procédé à diverses réparations et échanges de pièces ; que, si dans son rapport d'expertise en date du 6 septembre 2000, l'expert commis en première instance constate que « si les chariots sont lourds et de grandes dimensions (…) ces défauts auraient dû être immédiatement perceptibles aux essais », ainsi qu'il a été dit précédemment le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY a admis ce matériel sans réserve et ne peut donc utilement invoquer la garantie contractuelle sur ce point ; que d'autre part, si le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY fait valoir que les autres dysfonctionnements et notamment les problèmes de maintien en températures relèvent bien de la garantie contractuelle due par la société BTR International, un tel moyen, dépourvu des précisions suffisantes relatives notamment au coût des réparations nécessaires pour la remise en état des matériels défectueux permettant d'en apprécier le bien-fondé, ne peut, dès lors, qu'être écarté ;

Sur les conclusions en appel de jugement commun :

Considérant que seuls peuvent faire l'objet d'une déclaration de jugement commun, devant une juridiction administrative, les tiers dont les droits et obligations à l'égard des parties en cause pourraient donner lieu à un litige dont la juridiction saisie eût été compétente pour connaître et auxquels, d'autre part, pourrait préjudicier ledit jugement, dans des conditions leur ouvrant le droit de former tierce-opposition à ce jugement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société MB, venue aux droits de la société BTR International, dont il n'est plus contesté qu'elle n'a pas régulièrement cédé la créance qu'elle détenait sur le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY en exécution du jugement de Tribunal administratif de Grenoble en date du 26 novembre 2004 à sa banque le Crédit coopératif ; qu'ainsi, la présente décision ne saurait être regardée comme préjudiciant au Crédit coopératif dans des conditions ouvrant à ce dernier le droit de former tierce-opposition à ladite décision ; que, par suite, les conclusions du CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY tendant à ce que cette décision soit déclarée commune au Crédit coopératif ne sont pas susceptibles d'être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. » ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY doivent dès lors être rejetées ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par la société MB et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête du CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY est rejetée.

Article 2 : Le CENTRE HOSPITALIER DE LA REGION D'ANNECY versera à la société MB une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 05LY00206


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4eme chambre - formation a 5
Numéro d'arrêt : 05LY00206
Date de la décision : 29/12/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GRABARSKY
Rapporteur ?: Mme Daniele DEAL
Rapporteur public ?: M. BESLE
Avocat(s) : TOUSSET

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2005-12-29;05ly00206 ?
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