Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 28 juillet 1998, présentée par la société anonyme FRAIKIN LOCATIME, anciennement SA Follin, représentée par son président directeur-général, dont le siège est situé ... ;
La société demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9603840 du Tribunal administratif de Lyon du 12 mai 1998 qui a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1989 et 1990 à titre principal, et sa demande en réduction des cotisations du même impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1991 et 1992, à titre subsidiaire ;
2°) à titre principal de prononcer les décharges demandées pour 1989 et 1990 ;
3°) à titre subsidiaire de procéder à la réduction des cotisations auxquelles elle a été assujettie au titre du même impôt au titre des années 1991 et 1992 ;
4°' de condamner l'Etat à lui rembourser les frais exposés par elle en appel à l'occasion du litige et non compris dans les dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 octobre 2004 :
- le rapport de M. Raisson, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Bourrachot, commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société Follin, devenue FRAIKIN LOCATIME, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices 1989 et 1990 ; qu'elle demande la décharge de la part du rappel de cotisation d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de ces deux années correspondant à la remise en cause de la durée d'amortissement des véhicules qu'elle offre à la location et, au titre de l'année 1989, la décharge de la part du rappel du même impôt correspondant à l'indemnité qu'elle a perçu de la ville de Villeurbanne pour avoir été évincée des locaux commerciaux qu'elle occupait dans un immeuble situé dans cette commune, 97, cours Emile Zola ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par une décision en date du 9 décembre 2003, postérieure au dépôt de la requête devant la Cour, le directeur régional du contrôle fiscal Rhône-Alpes Bourgogne a prononcé un dégrèvement, en droits de 256 197,89 euros au titre de la cotisation pour 1989 et de 422 351,92 euros au titre de la cotisation pour 1990 ; que, dans cette mesure, les conclusions de la requête de la société FRAIKIN LOCATIME sont devenues sans objet ; que, par voie de conséquence, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, sont également devenues sans objet les conclusions de la requête portant, en cas de maintien intégral des cotisations susvisées, sur une réduction symétrique et connexe des impositions des années 1991 et 1992 ;
Sur les conclusions en réduction des impositions restant en litige :
Considérant qu'aux termes de l'article 38-1 du code général des impôts, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation ; que l'article 39 duodecies de ce même code, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition, dispose que : 1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme ; qu'il résulte de ces dispositions que le régime d'imposition des divers éléments de l'indemnité d'éviction perçue par une entreprise est fonction de la nature du préjudice qu'ils sont destinés à réparer ; que si la partie de l'indemnité destinée à compenser la perte d'un élément d'actif, et notamment le droit au bail ou la clientèle, est imposable selon le régime des plus-values, la partie réparant la perte d'un bénéfice courant ou compensant une charge d'exploitation générée par le déplacement du lieu d'exercice de l'activité est imposable au taux de droit commun de l'impôt sur les bénéfices ;
Considérant qu'à la suite de son éviction des locaux qu'elle occupait à Villeurbanne, la société FRAIKIN LOCATIME a perçu de la commune une indemnité d'éviction s'élevant au total à la somme de 1 650 300 francs, arrondi à 1 650 000 francs ; que l'avis émis par le service des domaines décomposait cette somme en 375 000 francs au titre de l'indemnité principale, 345 175 francs pour compenser la perte de clientèle, 275 000 francs au titre des frais de déménagement, d'aménagement des nouveaux locaux et de frais divers, et enfin 655 125 francs au titre du trouble commercial ; qu'après consultation de la commission départementale des impôts et des taxes sur le chiffre d'affaires, laquelle a estimé que le trouble commercial compris dans l'indemnisation globale de 1 650 000 francs ne s'élevait qu'à 400 000 francs et représentait une perte temporaire de clientèle à intégrer dans les bénéfices courants, l'administration fiscale a rehaussé les résultats imposables de la société pour 1999 en retenant en définitive une quote-part imposable au taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés de 674 700 francs et une quote-part à soumettre au taux réduit applicable aux plus-values à long terme de 975 300 francs, alors que la société avait déclaré à ce titre une somme de 1 608 053 francs ;
Considérant que si le service des domaines a, dans son avis, qualifié d'indemnité pour trouble commercial la somme de 655 125 francs mentionnée ci-dessus, et si une telle indemnité doit normalement réparer une interruption temporaire d'activité, liée au déménagement, de quelques semaines ou de quelques mois et qui s'analyse en principe comme une perte de bénéfices courants, il résulte de l'instruction que la durée prévisible de l'interruption des activités de la société, eu égard à la nature de l'entreprise, n'excédait pas en l'espèce quelques jours, ce qui représentait une perte de bénéfices bien inférieure à cette somme, et même à celle de 400 000 francs, et que la société estime, sans être contredite de façon circonstanciée sur ce point, être de l'ordre de 100 000 francs ; que, par suite, et alors que les frais directs engendrés par le déménagement étaient indemnisés par ailleurs, et que les services fiscaux ne font état d'aucun fait concret relatif aux frais ou aux pertes de bénéfices courants que couvrirait cette indemnité, il doit être considéré que l'administration n'apporte pas la preuve, qui lui incombe en raison du refus opposé par la société redevable aux rehaussements litigieux, qu'au delà de la somme de 100 000 francs, l'indemnité pour trouble commercial représentait la compensation d'une perte de bénéfices imposable au taux de droit commun de l'impôt sur les sociétés et non la contrepartie de la perte d'un élément de clientèle constituant un actif immobilisable ; que, par contre, la société n'apporte aucun élément de contestation utile sur la qualification à donner à cette somme de 100 000 francs en se bornant à une critique de principe de la référence faite par l'administration fiscale à l'avis du service des domaines ; qu'elle est donc seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon ne l'a pas déchargée de la fraction de la cotisation d'impôt sur les sociétés mise à son nom au titre de l'année 1999 à raison d'une réduction de 300 000 francs de l'assiette imposable au taux de droit commun, cette somme devant subir le régime d'imposition des plus-values à long terme ;
Sur les conclusions de la société FRAIKIN LOCATIME relatives aux frais exposés à l'occasion du litige et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, reprenant celles de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à la société FRAIKIN LOCATIME la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle en appel et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer à hauteur des dégrèvements de 256 197,89 euros au titre de la cotisation pour 1989 et de 422 351,92 euros au titre de la cotisation pour 1990, prononcés par le directeur régional du contrôle fiscal Rhône-Alpes Bourgogne.
Article 2 : L'assiette de l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun dû au titre de l'année 1999 par la société FRAIKIN LOCATIME est réduite de 45 734,71 euros (300 000 francs). Cette somme sera soumise au régime d'imposition des plus-values à long terme.
Article 3 : Il est accordé à la société FRAIKIN LOCATIME décharge de la différence entre le montant de l'impôt sur les sociétés demeurant à sa charge au titre de l'année 1999 et celui qui résulte de l'application de l'article 2.
Article 4 : Le jugement du Tribunal administratif de Lyon en date du 12 mai 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'Etat versera à la société FRAIKIN LOCATIME une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la société FRAIKIN LOCATIME est rejeté.
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N°98LY01394