Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 28 juillet 2000, sous le n° 00LY01734, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 9402010-9403463 du Tribunal administratif de Lyon, en date du 21 mars 2000, qui a accordé à la société à responsabilité limitée LA TOUR AUTOMOBILE la réduction et la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés, auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1992 et 1993, à concurrence respectivement de 44 856 francs et 35 106 francs ;
2') de rétablir la société à responsabilité limitée LA TOUR AUTOMOBILE aux rôles de l'impôt sur les sociétés, correspondant aux exercices clos en 1992 et 1993, à concurrence des réductions prononcées en première instance ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
CNIJ : 19-04-02-01-01-03
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 29 avril 2004 :
- le rapport de Mme Delétang, premier conseiller ;
- les observations de Me X..., représentant la société à responsabilité limitée LA TOUR AUTOMOBILE ;
- et les conclusions de M. Bourrachot, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : Les entreprises créées à compter du 1er octobre 1988 soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A. Les bénéfices ne sont soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés que pour le quart, la moitié ou les trois-quarts de leur montant selon qu'ils sont réalisés respectivement au cours de la première, de la seconde ou de la troisième période suivant cette période d'exonération... ; qu'aux termes du III du même article : Les entreprises créées dans le cadre d'une concentration, d'une restructuration, d'une extension d'activités préexistantes ou qui reprennent de telles activités ne peuvent bénéficier du régime défini au I ;
Considérant qu'en excluant du champ d'application de l'exonération instituée par les dispositions précitées les entreprises créées dans le cadre... d'une extension d'activités préexistantes , le législateur n'a entendu refuser le bénéfice de cet avantage fiscal qu'aux entreprises qui, eu égard à la similarité ou à la complémentarité de leur objet par rapport à celui d'entreprises antérieurement créées et aux liens de dépendance qui les unissent à ces dernières, sont privées de toute autonomie réelle et constituent de simples émanations de ces entreprises ;
Considérant que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a accordé à la société LA TOUR AUTOMOBILE la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés, auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices 1992 et 1993, en considérant que cette société n'avait pas été créée dans le cadre de l'extension d'une activité préexistante, seul motif que l'administration avait retenu pour refuser à la société LA TOUR AUTOMOBILE le bénéfice de l'exonération d'impôt prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts ; qu'il résulte de l'instruction que, pour les mêmes motifs que ceux contenus dans le jugement attaqué, la société LA TOUR AUTOMOBILE ne saurait être regardée comme ayant été créée dans le cadre de l'extension d'une activité préexistante ;
Considérant que, dès lors, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lyon a, sur ce fondement, fait droit à la demande de la société LA TOUR AUTOMOBILE ;
Considérant toutefois que le juge de l'impôt peut substituer au motif sur lequel s'est fondé le ministre un autre motif de droit ou de fait relatif à la même imposition, sous les conditions que cette substitution ait été demandée par le ministre lors de l'instruction de l'affaire, que le contribuable ait été en mesure de présenter ses observations sur le nouveau motif envisagé et que la décision du juge ne conduise pas à accroître le montant de l'imposition litigieuse ;
Considérant, dès lors, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur le motif nouveau invoqué en appel par le ministre et tiré de ce que la société LA TOUR AUTOMOBILE aurait été créée dans le cadre de la reprise d'une activité préexistante, motif ayant fait l'objet d'un débat contradictoire et tendant aux mêmes fins que le moyen initial, soit au rétablissement de la société à responsabilité limitée LA TOUR AUTOMOBILE aux rôles de l'impôt sur les sociétés, correspondant aux exercices clos en 1992 et 1993, à concurrence des réductions prononcées en première instance ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société à responsabilité limitée LA TOUR AUTOMOBILE, a été créée à Saint-Etienne, le 1er août 1991 et a débuté son activité de concession automobile avec la marque Volvo le 1er novembre 1991 ; qu'il n'y avait pas eu de concessionnaire de la marque Volvo à Saint-Etienne auparavant ; que la société LA TOUR AUTOMOBILE a débuté son activité de concessionnaire de la marque plus d'un an après la cessation d'activité de la société à responsabilité limitée Garage de la Richardière, concessionnaire de la marque Volvo, implantée dans l'agglomération stéphanoise jusqu'au 11 octobre 1990 ; que la société requérante n'a repris ni les locaux, ni le matériel de cette dernière société ; qu'elle a employé un unique ancien salarié de cette société ; qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il y ait eu reprise de clientèle ; qu'enfin, aucun lien particulier entre ces deux sociétés n'a été établi ; que, dans ces conditions, la société LA TOUR AUTOMOBILE ne saurait être regardée comme ayant repris l'activité de la société à responsabilité limitée Garage de la Richardière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société LA TOUR AUTOMOBILE, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle ne remplissait pas les autres conditions pour bénéficier de l'exonération d'impôt prévue à l'article 44 sexies du code général des impôts, était éligible à ce régime dérogatoire ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement par lequel le Tribunal administratif de Lyon a accordé à la société LA TOUR AUTOMOBILE la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés, auxquelles elle avait été assujettie au titre des exercices 1992 et 1993, à concurrence respectivement de 44 856 francs et 35 106 francs ;
Sur les conclusions de la société LA TOUR AUTOMOBILE tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à payer à la société à responsabilité limitée LA TOUR AUTOMOBILE une somme de 1400 euros, au titre des frais exposés par elle, en appel, et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1 : Le recours n° 00LY01734 du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société à responsabilité limitée LA TOUR AUTOMOBILE une somme de 1 400 euros ( mille quatre cents euros ), au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N°00 LY01734