Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 23 septembre 2003 sous le n° 03LY01697, présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER ;
Le ministre demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°02.4354 en date du 7 juillet 2003 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a, à la demande de la SOCIETE EOLE RES, annulé l'arrêté du préfet de la Drôme du 16 juillet 2002, portant retrait du permis de construire tacite dont elle était titulaire pour l'édification de 12 éoliennes sur le territoire de la COMMUNE DE ROUSSAS ;
2°) de rejeter la demande de la SOCIETE EOLE RES devant le tribunal administratif ;
II/ Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 16 octobre 2003, sous le n° 03LY01800, présenté par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU LOGEMENT, DU TOURISME ET DE LA MER ;
Le ministre demande à la Cour de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement du 7 juillet 2003 au tribunal administratif de Grenoble annulant l'arrêté du préfet de la Drôme du 16 juillet 2002 ;
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classement cnij : 68-03-03-01-02
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 février 2004 :
- le rapport de M. FONTBONNE, président-assesseur ;
- les observations de Me Cassin, avocat de la SOCIETE EOLE RES ;
- et les conclusions de M. BOUCHER, commissaire du gouvernement ;
Sur le recours à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif :
Considérant qu'aux termes de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme : le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ;
Considérant que pour retirer par arrêté du 16 juillet 2002 le permis tacite dont la SOCIETE EOLE RES était titulaire depuis le 5 juillet 2002, le préfet de la Drôme s'est uniquement fondé sur l'atteinte que représenterait l'implantation sur le territoire de la COMMUNE DE ROUSSAS de 12 éoliennes d'une hauteur maximale de 98 mètres sur l'ensemble du paysage qui se développe à l'est du site ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier ainsi que des observations de la visite des lieux effectuée par des membres de la formation de jugement que l'implantation des éoliennes sur le plateau de l'Argelas n'aurait en ce qui concerne l'environnement immédiat aucun impact significatif ;
Considérant qu'il résulte des mêmes observations que le site d'implantation est situé à 2 300 mètres au nord du village de ROUSSAS ; que les éoliennes ne seront pas visibles depuis la quasi-totalité du village qui s'étage sur une colline regardant au sud ; qu'en revanche du haut du village elles seront visibles depuis le terre-plein aménagé en aire de pique-nique avec parcours botanique entre l'entrée du château, monument classé, et une église ; qu'à partir de ce terre-plein on peut embrasser un point de vue circulaire sur un vaste paysage ; que toutefois, alors que le site d'implantation est placé à une altitude d'environ 340 mètres, une ligne de crête plus élevée constituant le rebord du plateau de l'Argelas et culminant à 384 mètres, forme partiellement écran ne rendant pas les éoliennes visibles sur toute leur hauteur ;
Considérant que le site d'implantation est situé à 2900 mètres au nord du village de Valaurie dont l'église est un monument classé ; que la situation s'avère identique à celle de Roussas, le village regardant au sud ; que les éoliennes ne pourront également être visibles que depuis le haut du village où en outre une végétation abondante occulte largement la vue au nord ;
Considérant que le site d'implantation est situé à 2 900 mètres à l'ouest du village de Réauville ; que la perception forte des éoliennes qui seront visibles sur quasiment toute leur hauteur depuis le belvédère dominant le village sera cependant atténuée par un premier plan constitué d'un bâtiment industriel ; que la perception sera nettement plus faible depuis le village placé dans une légère combe ;
Considérant que le site d'implantation est situé à 6 100 mètres au nord du village de Chantemerle les Grignan qui s'étage dans cette direction ; que les éoliennes seront directement visibles depuis la quasi-totalité du bourg sur quasiment toute leur hauteur ; que seul l'éloignement en fond de paysage en atténuera la perception ;
Considérant que le site d'implantation est situé à 9 200 mètres à l'ouest de Grignan ; que depuis la terrasse du château, monument classé, le visiteur embrasse un paysage circulaire de grande qualité, le regard étant toutefois plus fortement attiré au sud, face au relief accentué du mont Ventoux ; qu'au nord-ouest les éoliennes se détacheront sur l'horizon sur un paysage de relief modéré marqué au premier plan par des constructions diverses constituant le développement du bourg de Grignan ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces observations que si l'ensemble du pays de Grignan qui se développe à l'est du site, avec des villages bien groupés ayant conservé leur caractère, constitue un paysage de qualité qui mérite d'être préservé, le projet en lui-même, placé en lisière de cet ensemble à proximité de la vallée du Rhône, peut, sans nier l'existence d'une vue directe depuis le village de Chantemerle, s'inscrire globalement dans ce paysage sans lui porter atteinte ;
Considérant que le ministre soutient au contentieux que ce projet aurait également un impact significatif à l'ouest du site d'implantation, sur le couloir rhodanien ; qu'il résulte des mêmes observations que les éoliennes seraient implantées largement en retrait du rebord du plateau formant promontoire sur le couloir rhodanien ; que le projet éloigné du cours même du Rhône et du défilé de Donzère, s'inscrit ainsi, sans lui porter atteinte, dans un site traversé par la ligne du TGV Méditerranée et l'autoroute A7 où s'est largement développée une urbanisation diffuse tant en ce qui l'habitation que les activités artisanales et industrielles ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a estimé que le permis de construire tacite obtenu par la SOCIETE EOLE RES n'était entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation et que le préfet de la Drôme n'avait pu par suite en prononcer légalement le retrait ;
Sur le recours à fin de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif :
Considérant que dès lors qu'il est statué sur le recours à fin d'annulation, le recours à fin de sursis à exécution est devenu sans objet ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761. 1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu de condamner l'Etat à payer à la SOCIETE EOLE RES une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
ARTICLE 1er : Le recours du MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DES TRANSPORTS, DU TOURISME ET DE LA MER est rejeté.
ARTICLE 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du ministre à fin de sursis à exécution du jugement attaqué.
ARTICLE 3 : L'Etat est condamné à payer à la SOCIETE EOLE RES une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L.761.1 du code de justice administrative.
N°03LY01697 - 03LY01800. - 4 -