Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 4 mars 1998, présentée pour M. Yves X, demeurant ..., par Me Duraffourd, avocat au barreau de Grenoble ;
M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 94647 et 94648 du Tribunal administratif de Grenoble en date du 18 décembre 1997 rejetant ses demandes en décharge des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes dont il a été déclaré redevable au titre de la période du 1er juin 1984 au 30 mai 1987, et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des pénalités y afférentes auxquelles il a été assujetti au titre des années 1985 et 1986 ;
2°) de prononcer les décharges demandées ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 10 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel ;
CNIJ : 19-04-02-01-06-01
19-06-02-08-01
19-06-02-09-01
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance n° 2000-916 du 19 septembre 2000 portant adaptation de la valeur en euros de certains montants exprimés en francs dans les textes législatifs, ensemble le décret n° 2001-373 du 27 avril 2001 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2003 :
- le rapport de M. CHARLIN, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BONNET, commissaire du gouvernement ;
Sur l'étendue du litige :
Considérant que par deux décisions du 22 mars 1999, postérieures à l'introduction de la requête, le directeur des services fiscaux de l'Isère a prononcé des dégrèvements à concurrence, respectivement, de 4 114 francs sur le montant des pénalités appliquées aux droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée dont M. X a été déclaré redevable au titre de la période du 1er juin 1984 au 30 mai 1986, et de 1 153 francs et 7 943 francs sur le montant des pénalités afférentes aux cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles celui-ci a été assujetti au titre des années 1985 et 1986 ; que, par une troisième décision du 22 octobre 2002, l'administration fiscale a accordé un dégrèvement de 4 068,10 euros sur le montant des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités dont M. X avait été déclaré redevable au titre de la période du 1er juin 1986 au 30 mai 1987 ; que les conclusions de la requête relatives à ces impositions et pénalités sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le surplus des conclusions en décharge des impositions restant en litige :
En ce qui concerne la reconstitution des recettes :
Considérant qu'à la suite d'une vérification de la comptabilité des exercices clos le 31 mai 1985 et 1986 du restaurant Pnomh Penh exploité à titre individuel par M. X à Grenoble (Isère) et dont les résultats sont imposables dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux selon le régime simplifié d'imposition, l'administration a estimé la comptabilité non probante, et procédé à une reconstitution des recettes de l'établissement ; qu'elle a évalué le montant hors taxe des omissions de recettes pour chacun des exercices en litige à 52 810 francs et 4 383 francs, conformément à l'avis rendu le 4 mars 1991 par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires de l'Isère ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'Administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'Administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge. ;
Considérant que la vérification a révélé qu'aucun prélèvement d'espèces n'était enregistré en comptabilité, que les recettes journalières étaient enregistrées sur un brouillard de caisse sans distinction entre les différentes modes de règlement, que les chiffres d'affaires comptabilisés pour les mois de juillet 1984 et janvier 1986 étaient inférieurs de plusieurs milliers de francs aux recettes ressortant des seuls doubles des notes remises aux clients, enfin que les achats sur les marchés et auprès de deux magasins n'étaient pas enregistrés au jour le jour et qu'une part non négligeable d'entre eux n'était pas appuyée de pièces justificatives permettant d'en contrôler la réalité, la nature ou le montant ; que l'administration établit ainsi que, par leur nombre et leur gravité, ces irrégularités privaient la comptabilité de valeur probante et en justifiaient le rejet ; que les rehaussements de recettes ayant été établis conformément à l'avis de la commission départementale des impôts, il appartient, dés lors, au requérant d'apporter la preuve de l'exagération des impositions contestées en application des dispositions de l'article L. 192 précité ;
Considérant, en second lieu, que, pour reconstituer le chiffre d'affaires des exercices clos en 1985 et 1986, le vérificateur a déterminé le pourcentage des ventes à emporter par rapport aux ventes à consommer sur place tel qu'il ressortait des chiffres d'affaires déclarés ; qu'en ce qui concerne les ventes à consommer sur place, il a calculé, sur la base d'un échantillon de 423 notes, la part que représentaient dans leur montant la vente des vins et celle des autres boissons, soit respectivement 11,41% et 9 %, les repas représentant ainsi 79,59% de ces recettes ; qu'il a ensuite ventilé la composition des repas pris à la carte afin de déterminer dans les notes la part représentative des entrées, des viandes ou poissons, des légumes et des desserts, soit respectivement 25%, 45%, 13% et 16% ; que le vérificateur a alors calculé des coefficients de marge moyens pour chacune de ces catégories de mets en retenant 5 entrées, 25 plats à bases de viande ou poisson, 5 légumes et 7 desserts, soit 42 mets au total ; qu'il a aussi déterminé deux autres coefficients moyens, l'un pour les menus, l'autre pour les ventes à emporter ; que cette méthode, qui n'est ni sommaire, ni imprécise, ni aléatoire et dont l'ensemble des éléments de calcul a été recueilli dans l'entreprise avec le concours de M. X et de son épouse, a abouti à la fixation d'un coefficient de marge pondéré HT/TTC de 4,40 ramené à 4 par la commission départementale ; que 32 des coefficients de l'échantillon retenu par l'administration, qui n'avait aucune obligation d'utiliser une seconde méthode de reconstitution, ont été fournis à l'initiative de M. X lui-même et variaient de 1,85 à 4,23 ; qu'ainsi et contrairement à ce que le requérant allègue, ces coefficients ne révèlent pas que la reconstitution ne reposerait que sur un échantillon de plats à forte valeur ajoutée ; que les 10 autres coefficients ont été calculés par le vérificateur à partir de mets choisis par M. X et son épouse, qui, eux-mêmes, ont précisé les quantités servies, pesé les ingrédients entrant dans leur élaboration à l'aide de leur propre balance et fourni la carte des prix applicables en 1988, les cartes des années vérifiées n'étant plus disponibles ; que, dans ces conditions, M. X n'est pas fondé à soutenir que les calculs de 8 de ces 10 coefficients seraient inexacts et leur montant excessif, en faisant état de quantités, de coûts de revient et de prix de vente différents de ceux indiqués au vérificateur, sans assortir sa démonstration du moindre commencement de justification des erreurs prétendument commises par le vérificateur ; que, par suite, le requérant, qui ne formule aucune autre critique et ne propose aucune autre méthode de reconstitution des recettes, ne démontre pas le caractère exagéré des bases sur lesquelles les impositions en litige ont été établies, quand bien même l'écart entre les recettes reconstituées et celles déclarées pour l'exercice clos en 1986 serait d'un faible montant ;
En ce qui concerne le taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable :
Considérant que, s'il est constant qu'une part des recettes de restauration a procédé de ventes à emporter susceptibles d'être soumises au taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions de l'article 278 bis du code général des impôts, il résulte de l'instruction que la comptabilité de l'entreprise ne distinguait pas entre ces recettes et celles provenant des consommations sur place, justiciables du taux normal de la taxe ; que, par suite, alors même que l'administration a admis, dans un souci de réalisme, l'existence de ces ventes à marge plus faible, pour la détermination du chiffre d'affaires de l'entreprise, c'est à bon droit que la totalité des recettes reconstituées de la période du 1er juin 1984 au 30 mai 1986 a été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 18,6% ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande en décharge des impositions restant en litige ;
Sur les conclusions tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative reprenant celles de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel, de condamner l'Etat à payer à M. X une somme de 1 000 euros qu'il demande au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : A concurrence des sommes de 4 114 francs, de 1 153 francs, de 7 943 francs et de 4 068,10 euros en ce qui concerne, respectivement, les pénalités appliquées aux droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée dont M. Yves X a été déclaré redevable au titre de la période du 1er juin 1984 au 30 mai 1986, le montant des pénalités appliquées à la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle l'intéressé a été assujetti au titre de l'année 1985, le montant de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu et des intérêts de retard auxquels il a été assujetti au titre de l'année 1986, enfin le montant des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités dont M. Yves X a été déclaré redevable au titre de la période du 1er juin 1986 au 30 mai 1987, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête.
Article 2 : L'Etat versera à M. Yves X une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Yves X est rejeté.
N° 98LY00301 - 5 -