Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 11 août 1997, présentée par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME ;
Le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 951585, en date du 23 mai 1997, par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de CLERMONT-FERRAND a annulé les décisions des 14 juin et 21 septembre 1995 par lesquelles le PREFET DE LA HAUTE-LOIRE a, d'une part, fait opposition à la déclaration de travaux présentée par Mme Eliane X... en vue de l'installation d'un bâtiment à usage de garage d'une surface au sol de 14,8 m2, et, d'autre part, rejeté le recours gracieux présenté par l'intéressée contre cette décision ;
2°) de rejeter les demandes présentées par Mme X... devant le tribunal administratif de CLERMONT-FERRAND ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2002 :
le rapport de M. MONTSEC, premier conseiller ;
et les conclusions de Mme LASTIER, commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non recevoir opposée par Mme X... :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 117 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, alors applicables et reprises depuis à l'article R. 811-10 du code de justice administrative : " ... Les ministres intéressés présentent devant la cour administrative d'appel les mémoires et observations produits au nom de l'Etat" ;
Considérant que Mme X... conteste la recevabilité de la requête présentée par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME, alors que le litige l'oppose au PREFET DE LA HAUTE-LOIRE ; que toutefois, s'agissant d'un litige en matière d'urbanisme, relatif à une décision prise par le préfet au nom de l'Etat, le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME avait la qualité de ministre intéressé au sens des dispositions susmentionnées et était donc compétent, à défaut de dispositions contraires, pour interjeter appel dans cette affaire; que, dès lors, la fin de non recevoir opposée par Mme X... ne peut qu'être écartée;
Sur la légalité des décisions attaquées :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 422-2 du code de l'urbanisme : "Les constructions ou travaux exemptés du permis de construire ... font l'objet d'une déclaration auprès du maire de la commune avant le commencement des travaux. Sauf opposition dûment motivée, notifiée par l'autorité compétente en matière de permis de construire dans le délai d'un mois à compter de la réception de la déclaration, les travaux peuvent être exécutés ... Lorsque les constructions ou les travaux mentionnés au premier alinéa sont soumis, par des dispositions législatives ou réglementaires, en raison de leur emplacement ou de leur utilisation, à un régime d'autorisation ou à des prescriptions dont l'application est contrôlée par une autorité autre que celle compétente en matière de permis de construire, ... le délai prévu à l'alinéa précédent est porté à deux mois. Si l'autorité consultée manifeste son désaccord ..., l'autorité compétente en matière de permis de construire ... s'oppose à l'exécution des travaux ..." ; qu'aux termes de l'article R. 421-38-4 du même code : "lorsque la construction est située dans le champ de visibilité d'un édifice classé ou inscrit, le permis de construire ne peut être délivré qu'avec l'accord de l'architecte des bâtiments de France. Cet accord est réputé donné faute de réponse dans le délai d'un mois suivant la transmission de la demande de permis de construire par l'autorité chargée de son instruction, sauf si l'architecte des bâtiments de France fait connaître dans ce délai, par une décision motivée, à cette autorité, son intention d'utiliser un délai plus long qui ne peut en tout état cause, excéder quatre mois ..." ; qu'aux termes de l'article R. 111-21 du même code : "Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales" ;
Considérant que Mme Eliane X... a déposé, le 21 février 1995, une déclaration de travaux en vue de l'installation d'un garage préfabriqué métallique d'une surface au sol de 14,8 m2, sur un terrain lui appartenant et où est implantée sa maison, sur le territoire de la commune de Rauret (Haute-Loire) ; que, sur demande de l'administration, Mme X... a complété son dossier le 6 avril 1995 ; qu'à défaut que soit intervenue une décision explicite dans le délai de deux mois fixé par les dispositions susmentionnées, compté à partir de cette dernière date, l'administration doit être réputée avoir pris le 6 juin 1995 une décision tacite de non-opposition aux travaux en cause ; que par la décision attaquée, en date du 14 juin 1995, le PREFET DE LA HAUTE-LOIRE a retiré la décision tacite qui était ainsi intervenue et a fait opposition à la réalisation desdits travaux ;
Considérant qu'il est constant que le projet est situé dans le champ de visibilité du château de Jonchères, classé monument historique ; que, cependant, ce n'est que le 22 mai 1995 que l'architecte des bâtiments de France a exprimé un avis défavorable à ce projet au motif que son aspect "industriel et précaire" était "en opposition avec un écrin de qualité pour le château de Jonchères" ; qu'alors que Mme X... conteste à l'instance que le délai d'un mois imparti à l'architecte des bâtiments de France pour rendre son avis, tel que prévu par les dispositions susmentionnées de l'article R.421-38-4 du code de l'urbanisme, a été respecté en l'espèce et alors que le formulaire de l'avis, produit à l'instance, ne comporte aucune mention de la date de transmission du dossier par le préfet à l'architecte des bâtiments de France, le ministre n'établit pas que ledit délai d'un mois n'était pas expiré lorsque cet avis a été rendu, ou que l'architecte des bâtiments de France avait fait connaître dans ce même délai son intention d'utiliser un délai plus long ; que, dans ces conditions, l'architecte des bâtiments de France doit être réputé avoir donné un accord tacite et s'être trouvé dessaisi de sa compétence consultative ; que, dès lors, le PREFET DE LA HAUTE-LOIRE n'a pu légalement se fonder sur un avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France pour s'opposer à la réalisation des travaux déclarés ;
Considérant toutefois que le PREFET DE LA HAUTE-LOIRE s'est fondé également, pour s'opposer à la réalisation des travaux déclarés par Mme X..., sur les dispositions susrappelées de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ; qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des photographies produites à l'instance que ce château classé monument historique, certes à l'état de ruine, est conservé sur l'essentiel de la hauteur de ses façades et constitue un monument significatif dans un paysage préservé et de qualité ; qu'eu égard à l'aspect de la construction projetée, constituée de panneaux de tôle prélaquée, fût-ce dans des teintes proches de celles de la maison voisine, ainsi qu'à la situation du terrain d'assiette, à proximité immédiate dudit château, au pied même de la colline sur laquelle il est implanté, le préfet a pu, sans entacher sa décision d'une erreur d'appréciation, considérer qu'elle était de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants et en particulier à la conservation de l'environnement de ce monument ; qu'ainsi, le PREFET DE LA HAUTE-LOIRE a pu, pour ce motif, s'opposer légalement à la réalisation de ces travaux ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le PREFET DE LA HAUTE-LOIRE aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce second motif qui n'est entaché d'aucune illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le juge délégué du tribunal administratif de CLERMONT-FERRAND s'est fondé, pour annuler la décision du PREFET DE LA HAUTE-LOIRE, sur l'erreur d'appréciation dont l'architecte de bâtiments de France aurait lui-même entaché son avis défavorable ;
Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme X... devant le tribunal administratif de CLERMONT-FERRAND ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient Mme X..., la décision tacite de non opposition aux travaux déclarés par celle-ci, qui était intervenue le 6 juin 1995, pouvait légalement être retirée par son auteur à la date du 14 juin 1995, dès lors qu'ainsi qu'il est dit ci-dessus, elle était entachée d'illégalité au regard des dispositions de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DU TOURISME est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué en date du 23 mai 1997, le juge délégué du tribunal administratif de CLERMONT-FERRAND a annulé la décision du PREFET DE LA HAUTE LOIRE en date du 14 juin 1995, ensemble celle du 21 septembre 1995 par laquelle la même autorité a rejeté le recours gracieux formé par l'intéressée ;
Sur les conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui reprennent celles de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, font obstacle à ce que l'ETAT, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X... la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de CLERMONT-FERRAND en date du 23 mai 1997 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme Eliane X... devant le tribunal administratif de CLERMONT-FERRAND et les conclusions qu'elle a formulées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.