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03/04/2001 | FRANCE | N°98LY00960

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3e chambre, 03 avril 2001, 98LY00960


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 28 mai 1998 sous le n 98LY00960, présentée pour M. Jean-Louis Y..., demeurant 10 rue de la Laye à Laduz (89110), par Me X... , avocat ;
M. Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 953232, 954262, 965028, 967756 et 967757 du 10 mars 1998 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur du Centre d'Aide par le Travail (CAT) de Cheney a refusé de mettre en oeuvre la procédure de protection des fonctionnaires attaqués à l'occ

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 28 mai 1998 sous le n 98LY00960, présentée pour M. Jean-Louis Y..., demeurant 10 rue de la Laye à Laduz (89110), par Me X... , avocat ;
M. Y... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 953232, 954262, 965028, 967756 et 967757 du 10 mars 1998 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur du Centre d'Aide par le Travail (CAT) de Cheney a refusé de mettre en oeuvre la procédure de protection des fonctionnaires attaqués à l'occasion de leurs fonctions, la décision du 27 novembre 1995 qui a arrêté sa notation de l'année 1995, la décision du 21 décembre 1995 refusant de le titulariser à l'issue de son stage, et à la condamnation dudit centre à lui verser les sommes de 15 000 et 100 000 francs au titre du préjudice moral et financier ;
2 ) d'annuler la décision prise par le directeur du CAT de Cheney le 2 juin 1995 et portant refus de mise en oeuvre de la protection pénale au bénéfice de M. Y... ;
3 ) d'annuler la décision du directeur du CAT de Cheney du 27 novembre 1995 portant notation de M. Y... pour l'année 1995 ;
4 ) d'annuler la décision du directeur du CAT de Cheney du 21 décembre 1995 arrêtant le licenciement pour insuffisance professionnelle de M. Y... ;
5 ) de condamner le CAT de Cheney à verser à M. Y... les sommes de 15 000 et 100 000 francs, en réparation de ses préjudices moraux et financiers, lesdites sommes portant intérêts de droit à compter du dépôt des requêtes de première instance, soit à compter du 27 décembre 1996, lesdits intérêts portant eux-mêmes intérêts par application de l'article 1153 du code civil ;
6 ) de condamner le CAT de Cheney à verser à M. Y... une somme de 20 000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, tant au regard des frais exposés en première instance que de ceux exposés en cause d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu la loi n 86-33 du 9 janvier 1986 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 mars 2001 :
- le rapport de M. BRUEL, président ;
- et les conclusions de M. BERTHOUD, commissaire du gouvernement ;

Considérant que M. Jean-Louis Y..., moniteur d'atelier stagiaire au Centre d'Aide par le Travail de Cheney, a demandé au directeur dudit établissement de mettre en oeuvre la procédure de protection contre les attaques dont les fonctionnaires et les agents publics peuvent faire l'objet ; qu'il a demandé l'annulation de la décision implicite de refus née du silence gardé par le directeur sur sa demande de protection, formulée par courrier en date du 2 février 1995, et recherché également l'annulation de la décision du 27 novembre 1995 par laquelle le directeur du Centre d'Aide par le Travail a établi sa notation pour l'année 1995 et de la décision du 21 décembre 1995 prononçant son licenciement à l'issue de son stage ; qu'il a demandé, enfin, le versement des sommes de 100 000 francs et 15 000 francs en réparation des préjudices financier et moral qu'il estime avoir subis ; qu'il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté l'ensemble de ces conclusions ;
Sur la légalité du refus de protection :
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " ... La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté ..." ;
Considérant que M. Y... soutient que des propos diffamatoires, selon lesquels il récupérait les pièces restantes des séries de meubles montés dans l'atelier pour en fabriquer d'autres et les revendre à son compte, ont été émis à son encontre ; qu'il résulte de procès-verbaux de gendarmerie dressés en avril 1995 que de tels propos, tenus au cours du mois de janvier 1995 par un agent contractuel du Centre d'Aide par le Travail de Cheney chargé du contrôle des méthodes de fabrication, étaient de nature à porter atteinte à l'honneur professionnel et à la réputation de probité de M. Y... ; qu'ils constituaient une attaque, au sens de la disposition législative susvisée ; qu'en se bornant à minimiser l'incident, après avoir reçu les agents mis en cause ainsi que l'auteur des propos désobligeants et les représentants syndicaux, le directeur du CAT, qui n'a pas donné une réponse adaptée à la demande de protection formée par M. Y..., doit être regardé comme ayant rejeté implicitement cette demande, alors qu'il n'est ni établi ni même allégué, que lesdits propos auraient été fondés sur des faits précis ; que cette décision est donc entachée d'illégalité et doit, dès lors, être annulée ;
Considérant que la décision illégale a causé à M. Y... un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en le fixant à la somme de 15 000 F ;
Sur la légalité de la notation de 1995 :

Considérant que M. Y..., au titre de l'année 1995, a été noté 10 sur 25 en qualité de stagiaire, alors que ses précédentes notations, effectuées lorsqu'il était contractuel, étaient de 16 sur 25 pour 1992, 17 sur 25 pour 1993 et 1994 ; que pour abaisser ainsi la note de M. Y..., le directeur du CAT a tenu compte de ce que l'intéressé, d'une part, avait fait circuler, durant le temps de service, une pétition destinée à lui permettre d'engager une action en justice pour diffamation, d'autre part, avait pris à témoin un adulte handicapé dans le conflit qui l'opposait à l'auteur des propos désobligeants ; qu'eu égard à la circonstance qu'en dehors de ces deux faits, qui n'ont troublé que ponctuellement le fonctionnement du service, aucun élément significatif sur le comportement général de M. Y... n'est retenu à son encontre, la notation attribuée à cet agent au titre de l'année 1995 relève d'une erreur manifeste d'appréciation et doit, dès lors, être annulée ;
Sur la légalité de la décision de licenciement :
Considérant que pour licencier M. Y... pour insuffisance professionnelle, au terme de son année de stage, le directeur du centre s'est fondé sur le "comportement général" du requérant et notamment sur ses difficultés à travailler en groupe, à encadrer les adultes handicapés et à comprendre leur handicap ;
Considérant, toutefois, qu'en dehors des incidents relatés ci-dessus, qui ont été pris en compte pour noter M. Y..., le directeur ne produit au dossier aucun élément concret permettant d'établir l'inadaptation de celui-ci à ses fonctions de moniteur, alors qu'il avait été employé pendant trois ans en qualité de contractuel et encouragé à se présenter au concours ouvert par le CAT ; que, dans ces conditions, la décision du 21 décembre 1995 licenciant M. Y... pour inaptitude professionnelle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'elle doit, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. Y..., être annulée ;
Considérant que M. Y... a droit à réparations du préjudice que lui a causé la décision entachée d'illégalité fautive ; que, s'il ne peut être regardé comme définitivement privé de son emploi de moniteur, dès lors que l'annulation prononcée par la cour entraînera sa réintégration rétroactive, il peut prétendre à une indemnité réparant la perte de revenus temporaires causée par son éviction ; que cette indemnité sera constituée par les traitements qu'il aurait dû percevoir entre le 1er janvier 1996 et la date de sa réintégration, diminuée de l'indemnité de licenciement, des allocations de chômage et des revenus salariés éventuels qu'il a perçus durant cette période, le tout dans la limite de 100 000 F ; qu'il y a lieu, faute d'élément au dossier, de renvoyer M. Y... devant le CAT pour le calcul de cette indemnité ;
Considérant, en revanche, que M. Y... n'établit pas l'existence d'un préjudice résultant de ce que le CAT aurait fait des difficultés pour lui verser des allocations de chômage ; que, s'il soutient qu'il aurait perdu son temps pendant quatre années au sein du CAT alors qu'il aurait pu progresser de façon plus intéressante dans son activité professionnelle d'origine, le préjudice ainsi allégué est dépourvu de caractère direct et certain ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. Y... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté en totalité ses demandes ;
Sur les intérêts et leur capitalisation :
Considérant que M. Y... a droit, ainsi qu'il le demande en appel, aux intérêts de l'indemnité de 15 000 F et de l'indemnité réparant sa perte de revenus, à compter du 27 décembre 1996, date d'enregistrement de ses demandes au tribunal administratif de Dijon ;
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 28 mai 1998 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les frais non compris dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative reprenant l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner le CAT de Cheney à payer à M. Y... la somme de 5 000 F au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce que M. Y..., qui n'est pas la partie perdante, soit condamné à payer au CAT de Cheney la somme qu'il réclame à ce titre ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 10 mars 1998 est annulé.
Article 2 : La décision implicite par laquelle le directeur du CAT de Cheney a refusé de mettre en oeuvre, au profit de M. Y..., la protection des fonctionnaires attaqués à l'occasion de leurs fonctions, la décision du 27 novembre 1995 arrêtant la notation de M. Y... pour l'année 1995 et la décision du 21 décembre 1995 licenciant M. Y... pour insuffisance professionnelle, sont annulées.
Article 3 : Le CAT de Cheney est condamné à payer à M. Y..., d'une part, une somme de 15 000 F (quinze mille francs), d'autre part, dans la limite de 100 000 F (cent mille francs), une indemnité calculée ainsi qu'il est dit dans les motifs du présent arrêt, destinée à réparer la perte de revenus subie par M. Y.... Ces deux sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 1996 ; les intérêts échus le 28 mai 1998 seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 4 : Le CAT de Cheney versera à M. Y... la somme de 5 000 F (cinq mille francs) au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. Y... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3e chambre
Numéro d'arrêt : 98LY00960
Date de la décision : 03/04/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS - DROITS - OBLIGATIONS ET GARANTIES - GARANTIES ET AVANTAGES DIVERS - PROTECTION CONTRE LES ATTAQUES.

FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - CESSATION DE FONCTIONS - LICENCIEMENT - STAGIAIRES.


Références :

Code civil 1154
Code de justice administrative L761-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 83-634 du 13 juillet 1983 art. 11


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BRUEL
Rapporteur public ?: M. BERTHOUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2001-04-03;98ly00960 ?
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