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15/03/2001 | FRANCE | N°98LY01403;99LY03104

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 15 mars 2001, 98LY01403 et 99LY03104


I) Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 29 juillet 1998 sous le n 98LY01403, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 95-988 du Tribunal administratif de Grenoble du 2 avril 1998 accordant à M. Jacques X... décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1990 ;
2 ) de remettre intégralement l'imposition contestée à la charge de M. X... ;
II) Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 2

7 décembre 1999 sous le n 99LY03104, présentée par M. Jacques X..., demeurant...

I) Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 29 juillet 1998 sous le n 98LY01403, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;
Le ministre demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 95-988 du Tribunal administratif de Grenoble du 2 avril 1998 accordant à M. Jacques X... décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1990 ;
2 ) de remettre intégralement l'imposition contestée à la charge de M. X... ;
II) Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 27 décembre 1999 sous le n 99LY03104, présentée par M. Jacques X..., demeurant Le Cévénol, rue Victor Hugo à ROUSSILLON (38150) ;
M. X... demande à la Cour :
1 ) d'annuler l'ordonnance n 98-5289 du président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Grenoble du 27 octobre 1999 rejetant sa demande en décharge de la contribution sociale généralisée à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1990 ;
2 ) de lui accorder la décharge demandée ;
3 ) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 4 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administrative d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n 90-1168 du 29 décembre 1990 ;
Vu le décret n 49-317 du 5 mars 1949 portant homologation du statut des agents généraux d'assurances-accidents, incendie, risques divers et le décret n 50-1608 du 28 décembre 1950 portant homologation du statut des agents généraux d'assurances sur la vie, modifiés par le décret n 66-771 du 11 octobre 1966 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2001 :
- le rapport de M. FONTBONNE, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que le recours et la requête susvisés sont relatifs à la même opération réalisée par le même contribuable ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;
Sur le recours du ministre :
Considérant qu'aux termes de l'article 93 du code général des impôts relatif à la détermination des bénéfices imposables dans la catégorie des bénéfices non commerciaux : "1. Le bénéfice à retenir dans les bases de l'impôt sur le revenu est constitué par l'excédent des recettes totales sur les dépenses nécessitées par l'exercice de la profession ..., il tient compte des gains et pertes provenant soit de la réalisation des éléments d'actif affectés à l'exercice de la profession, soit des cessions de charges ou d'offices, ainsi que de toutes indemnités reçues en contrepartie de la cessation de l'exercice de la profession ou du transfert d'une clientèle ..." ; qu'aux termes de l'article 93 quater du même code, dans sa rédaction alors applicable : "I. Les plus-values réalisées sur des immobilisations sont soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies ... ; qu'aux termes de l'article 39 duodecies, dans sa rédaction alors applicable : " ... -2. Le régime des plus-values à court terme est applicable : -a) Aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans ; -b) Aux plus values réalisées à l'occasion de la cession d'éléments détenus depuis deux ans au moins, dans la mesure où elles correspondent à des amortissements déduits pour l'assiette de l'impôt ... -3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2 ..." ; qu'enfin, aux termes de l'article 151 septies : "Les plus-values réalisées dans le cadre d'une activité ... libérale par des contribuables dont les recettes n'excèdent pas le double .... de l'évaluation administrative sont exonérées à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans ... -Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, il est fait application : ... -du régime fiscal des plus-values professionnelles prévu aux articles 39 duodecies à 39 quindecies ..." ;
Considérant qu'il résultait du statut des agents généraux d'assurances alors applicable, homologué par les décrets susvisés des 5 mars 1949 et 28 décembre 1950, que la cessation des fonctions pour quelque cause que ce soit, permettait à l'agent général d'obtenir de la société d'assurances qu'il représentait une indemnité compensatrice des droits de créance qu'il abandonnait sur les commissions afférentes au portefeuille de l'agence dont il était titulaire ; que cette indemnité constituait après déduction du coût d'acquisition de ce portefeuille, une plus-value professionnelle ; que cette plus-value était imposable au titre de l'année au cours de laquelle elle devait être regardée comme réalisée, qui est en principe celle de la cessation des fonctions, quelles que soient les modalités d'échelonnement du paiement, sauf si à la date de la cessation d'activité il n'y avait pas accord complet des parties sur le prix ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite de la cessation d'activité, le 1er mars 1986, de M. X..., agent général d'assurances, la compagnie Les Mutuelles du Mans qu'il représentait lui a proposé une indemnité compensatrice qui comportait une part fixe de 352 598 francs et une part variable de 449 407 francs, payable en trois annuités révisables à terme échu en fonction du sort alors constaté des contrats dit "vulnérables" ; que M. X... contestant la variabilité de cette seconde partie de l'indemnité a d'abord saisi le juge des référés du Tribunal de grande instance du Mans qui a prescrit une expertise, puis a engagé une instance au fond ; que, par jugement du 21 mars 1990 dont il n'est pas contesté qu'il est devenu définitif, le Tribunal de grande instance du Mans a estimé qu'il n'y avait pas lieu à révision éventuelle de la seconde partie de l'indemnité et a fixé la créance de M. X... à la somme globale de 802 006 francs ;
Considérant que si l'octroi à M. X... d'une indemnité dûment prévue par le statut des agents généraux d'assurances homologué par les décrets susvisés des 5 mars 1949 et 28 décembre 1950 était certain dans son principe dès sa cessation d'activité en 1986, son montant qui pouvait être affecté en baisse par la constatation de circonstances postérieures, restait indéterminé ; que le décompte que sa compagnie lui a alors adressé constituait d'ailleurs une simple proposition qui n'a reçu aucun accord de sa part au cours de l'année 1986 ; que le caractère incertain dudit montant a ensuite été confirmé par l'engagement de la procédure judiciaire ; que, dès lors, M. X... ne pouvait être regardé comme titulaire dès 1986 d'une créance de 802 006 francs, cette somme représentant alors le montant maximum susceptible de lui être versé dans le cas où tous les contrats composant son portefeuille auraient été maintenus à chacune des trois échéances annuelles ; qu'en conséquence, la plus-value n'a été réalisée qu'après que le jugement du Tribunal de grande instance du Mans, qui a fixé son montant en 1990, ne soit devenu définitif ; que le ministre est, par suite, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a estimé que l'imposition devait être établie au titre de l'année 1986, et non de l'année 1990 et que le droit de reprise était prescrit lorsque M. X... a reçu la notification de redressements le 1er juin 1992 ;
Considérant, toutefois qu'il appartient à la Cour administrative d'appel saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... tant en première instance, qu'en appel;

Considérant, en premier lieu, que M. X... demande que les frais qu'il a engagés pour diligenter la procédure judiciaire ayant abouti au jugement susmentionné du Tribunal de grande instance du Mans, soient retenus en déduction pour la détermination de la plus-value nette taxable ; que si, en première instance, il s'est référé à un état de frais annexé à sa réclamation, il n'a, à aucun moment de la procédure contentieuse, produit ledit état ; qu'il résulte du jugement du Tribunal de grande instance du Mans que la compagnie Les Mutuelles du Mans a été condamnée à lui verser une somme au titre des frais engagés devant elle et non compris dans les dépens, ainsi que des dommages et intérêts pour instance abusive et à prendre en charge les dépens comprenant les frais d'expertise ; que par suite à défaut d'en préciser la nature et le montant, M. X... ne peut demander que des frais de procédure soient pris en compte pour la détermination de la plus-value nette taxable ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 202 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : "1. Dans le cas de cessation de l'exercice d'une profession non commerciale, l'impôt sur le revenu dû en raison des bénéfices provenant de l'exercice de cette profession ... et qui n'ont pas encore été imposés est immédiatement établi ..." ; qu'aux termes de l'article 203 du même code : "Les impositions établies en cas de cession, de cessation ou de décès, par application des articles 201 et 202, viennent le cas échéant, en déduction du montant de l'impôt sur le revenu ultérieurement calculé, ..., en raison de l'ensemble des bénéfices et revenus réalisés ou perçus par les membres du foyer fiscal ... au cours de l'année de la cession, de la cessation ou du décès." ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions appliquées au cas d'espèce que la plus-value litigieuse consécutive à la cessation d'activité de M. X... qui, comme il a été dit ci-dessus, devait être regardée comme ayant été réalisée au cours de l'année 1990, devait faire l'objet d'une imposition immédiate dès lors qu'elle pouvait être établie séparément, son montant procédant de l'application d'un taux fixe indépendamment de tout autres éléments relatifs aux revenus du foyer fiscal ; que cette plus-value devait par suite faire l'objet d'une imposition au taux de 11 % fixé par le 3ème alinéa du I de l'article 93 quater du code général des impôts, alors en vigueur au cours de l'année 1990, avant l'intervention de l'article 19-III-1 de la loi n 90-1168 du 29 décembre 1990 portant loi de finances pour l'année 1991 applicable aux impositions établies au cours de l'année 1991 qui l'a supprimé et a soumis lesdites plus-values au taux de 16 % fixé par l'article 39 quindieces du code général des impôts auquel renvoient les dispositions précités de l'article 93 quater ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le ministre est seulement fondé à demander le rétablissement de l'imposition litigieuse à concurrence d'une taxation au taux de 11 % de la plus-value nette de 572 049 francs réalisée par M. X... ; qu'il y a lieu de réformer le jugement attaqué et de rétablir dans cette mesure M. X... au rôle de l'imposition litigieuse ;
Sur la requête de M. X... tendant à la décharge de la contribution sociale généralisée :

Considérant qu'à raison de la plus-value litigieuse, M. X... a également, au titre de l'année 1990, été assujetti à la contribution sociale généralisée établie sur le fondement de l'article 1600-0 C du code général des impôts et mise en recouvrement le 30 juin 1994 pour un montant de 6 859 francs ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1600-0 C du code général des impôts : "I ... les personnes physiques fiscalement domiciliées en France au sens de l'article 4 B sont assujetties à une contribution sur les revenus du patrimoine assise sur le montant net retenu pour l'établissement de l'impôt sur le revenu ... : ... - l) de tous revenus qui entrent dans la catégorie ... des bénéfices non commerciaux ... à l'exception de ceux qui sont assujettis à la contribution sur les revenus d'activité et de remplacement définie aux articles L. 136-1 à L. 136-5 du code de la sécurité sociale .... III. La contribution portant sur les revenus mentionnés aux I et II est assise, contrôlée et recouvrée selon les mêmes règles, et sous les mêmes sûretés, privilèges et sanctions que l'impôt sur le revenu ..." ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'en application de l'article L.199 du livre des procédures fiscales, la juridiction administrative est compétente pour connaître des litiges relatifs à une imposition assise et contrôlée suivant les mêmes règles que l'impôt sur le revenu ; que M. X... est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée, le président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître ; qu'ainsi, ladite ordonnance doit être annulée ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le Tribunal administratif ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.* 196-1 du livre des procédures fiscales: "Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon les cas : -a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ..." ;

Considérant que la contribution sociale généralisée à laquelle a été assujetti M. X... sur le fondement de l'article 1600-0 C du code général des impôts constitue une imposition distincte de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu établie également au titre de l'année 1990 à raison de la même plus-value litigieuse ; que dans ces conditions la réclamation que M. X... a adressée au centre des impôts de Vienne le 7 mars 1994, qui ne visait que la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, ne pouvait également être regardée comme tendant à la décharge de ladite contribution sociale généralisée ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article R.* 196-1 du livre des procédures fiscales que la réclamation concernant expressément la contribution sociale généralisée qu'il a présentée le 16 octobre 1998 est tardive et par suite irrecevable ; que sa demande en décharge est en conséquence elle-même irrecevable et ne peut qu'être rejetée ;
Sur les conclusions de M. X... tendant au remboursement des frais exposés et non compris dans les dépens :
Considérant en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative, reprenant l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. X... tendant au remboursement des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu à laquelle M. Jacques X... a été assujetti au titre de l'année 1990 est remise partiellement à sa charge dans la limite d'une taxation au taux de 11 % d'une plus-value nette de 572 049 francs.
Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Grenoble du 2 avril 1998 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est rejeté.
Article 4 : L'ordonnance du président de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Grenoble du 27 octobre 1999 est annulée.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête et la demande de M. Jacques X... devant le Tribunal administratif tendant à la décharge de la contribution sociale généralisée, sont rejetés.
Article 6 : Les conclusions de M. Jacques X... tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Numéro d'arrêt : 98LY01403;99LY03104
Date de la décision : 15/03/2001
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-05-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES NON COMMERCIAUX - PERSONNES, PROFITS, ACTIVITES IMPOSABLES


Références :

CGI 93, 93 quater, 39 duodecies à 39 quindecies, 202, 203, 39, 1600-0 C
CGI Livre des procédures fiscales L199, R196-1
Code de justice administrative L761-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 49-317 du 05 mars 1949
Décret 50-1608 du 28 décembre 1950
Loi 90-1168 du 29 décembre 1990 art. 19
Ordonnance 98-5289 du 27 octobre 1999


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. FONTBONNE
Rapporteur public ?: M. MILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2001-03-15;98ly01403 ?
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