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13/03/2001 | FRANCE | N°00LY02270

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2eme chambre - formation a 5, 13 mars 2001, 00LY02270


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 29 septembre 2000, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-7346 du Tribunal administratif de Dijon du 25 mai 2000 accordant à la S.A. GEMO restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittée du 1er janvier 1997 au 31 août 1998 pour un montant de 106 178 francs et condamnant l'Etat à payer à ladite société une somme de 5 000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cour

s administratives d'appel ;

2°) de remettre ladite taxe à la charge de l...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 29 septembre 2000, présenté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

Le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 98-7346 du Tribunal administratif de Dijon du 25 mai 2000 accordant à la S.A. GEMO restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittée du 1er janvier 1997 au 31 août 1998 pour un montant de 106 178 francs et condamnant l'Etat à payer à ladite société une somme de 5 000 francs au titre de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

2°) de remettre ladite taxe à la charge de la S.A. GEMO ;

...................................................................... .....................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;

Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne, modifié notamment par le traité du 7 février 1992 sur l'Union européenne ;

Vu la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code rural ;

Vu la loi n° 96-1139 du 26 décembre 1996 relative à la collecte et à l'élimination des cadavres d'animaux et des déchets d'abattoirs et modifiant le code rural :

Vu les décrets n° 96-1229 du 27 décembre 1996 et n° 97-1005 du 30 octobre 1997 relatifs au service public de l'équarrissage ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er mars 2001 :

- le rapport de M. FONTBONNE , premier conseiller ;

- les observations de Mlle X..., inspecteur des impôts, représentant le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ;

- et les conclusions de M. MILLET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la loi susvisée du 26 décembre 1996 a créé un service public de l'équarrissage en vue de la collecte et de l'élimination gratuite des saisies d'abattoirs, sans limitation de poids, reconnues impropres à la consommation humaine et animale, ainsi que des cadavres d'animaux ou lots de cadavres d'animaux de toutes espèces d'un poids supérieur à 40 kilogrammes ; qu'en vertu du décret susvisé du 30 octobre 1997, le financement des dépenses nécessaires à l'exécution de ce service public, qui comprennent notamment celles engagées pour l'exécution des marchés passés entre les préfets et les entreprises d'équarrissage, est assuré par un fonds auquel est affecté, à compter du 1er janvier 1997, le produit de la taxe sur les achats de viande créée à l'article 1er de ladite loi du 26 décembre 1996, insérant dans le code général des impôts un article 302 bis ZD ;

Considérant qu'aux termes de l'article 302 bis ZD du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : I. Il est institué, à compter du 1er janvier 1997, une taxe due par toute personne qui réalise des ventes au détail de viandes et de produits énumérés au II.- II. La taxe est assise sur la valeur hors taxe sur la valeur ajoutée des achats de toutes provenances : - de viandes et abats, frais ou cuits, réfrigérés ou congelés, de volaille, de lapin, de gibier ou d'animaux des espèces bovine, ovine, caprine, porcine et des espèces chevaline, asine et de leurs croisements ; - de salaisons, produits de charcuterie, saindoux, conserves de viandes et abats transformés ; - d'aliments pour animaux à base de viandes et d'abats. - III. Les entreprises dont le chiffre d'affaires de l'année civile précédente est inférieur à 2 500 000 F hors taxe sur la valeur ajoutée sont exonérées de la taxe. - IV. La taxe est exigible lors des achats visés au II.- V. Un arrêté conjoint des ministres chargés de l'économie et du budget et du ministre de l'agriculture fixe les taux d'imposition, par tranche d'achats mensuels hors taxe sur la valeur ajoutée, dans les limites suivantes : - Jusqu'à 125 000 F : 0,6 p.100 ; b) au -delà de 125 000 F : 1 p.100. - La taxe n'est pas due lorsque le montant d'achats mensuels est inférieur à 20 000 F hors taxe sur la valeur ajoutée. - VI. La taxe est constatée, recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe... ;

Considérant que pour accorder à la S.A. GEMO, qui gère un supermarché comprenant un rayon boucherie à Venarey Les Launes (Côte d'Or), la restitution de la taxe sur les achats de viande qu'elle a acquittée du 1er janvier 1997 au 31 août 1998, le Tribunal administratif de Dijon a estimé que le dispositif institué par la loi du 26 décembre 1996 constituait une aide étatique au sens de l'article 92 du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne (devenu l'article 87 CE) qui ne pouvait être instaurée sans avoir été préalablement notifiée à la Commission en exécution de l'article 93, paragraphe 3 du traité (devenu l'article 88 CE) ;

Considérant qu'aux termes de l'article 92 du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne (devenu l'article 87 CE) : 1. Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions... ; qu'aux termes de l'article 93 du même traité (devenu l'article 88 CE) : 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aide existant dans ces Etats... - 2. Si... la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat, n'est pas compatible avec le marché commun, ...elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine... - 3. La Commission est informée en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 92, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;

Considérant que si l'article 92 (devenu l'article 87 CE) précité pose le principe de l'incompatibilité des aides avec le marché commun, cet article n'a pas d'effet direct dans les ordres juridiques des Etats membres, et ne peut être invoqué par les particuliers devant les juridictions nationales, dès lors qu'il appartient à la Commission européenne d'apprécier suivant la procédure prévue à l'article 93 du traité (devenu l'article 88 CE) si l'aide en litige est ou non compatible ; que toutefois la validité des actes des autorités nationales est affectée par la méconnaissance de l'obligation, que leur impose l'article 93, paragraphe 3, du traité (devenu l'article 88 CE), de ne pas mettre à exécution des projets tendant à modifier ou à instituer des aides qu'elles n'auraient pas préalablement notifiées à la Commission ;

Considérant qu'il est constant que le projet de création d'une taxe sur les achats de viande n'ayant pas été notifié à la Commission, il y a lieu de rechercher si cette imposition peut être regardée comme constituant une aide au sens de l'article 92 du traité (devenu l'article 87 CE) ;

Considérant que le dispositif issu de la loi du 26 décembre 1996 ne peut être regardé comme une aide aux entreprises d'équarrissage dès lors que la rémunération qui leur est servie par l'Etat représente le prix des prestations qu'elles effectuent ;

Considérant toutefois que le service public de l'équarrissage ainsi créé par la loi française assure gratuitement pour les éleveurs la collecte et l'élimination des cadavres d'animaux ou de lots de cadavres d'animaux pesant plus de 40 kilogrammes ainsi que la collecte et l'élimination des viandes et abats saisis dans les abattoirs et reconnus impropres à la consommation humaine et animale ; que le service est également assuré, dans les mêmes conditions, pour les propriétaires d'animaux de toutes espèces qu'ils soient détenus à titre professionnel ou d'agrément, et pour les producteurs d'autres Etats membres qui livrent en France soit des animaux vivants, lorsque ces derniers meurent sur le territoire national, soit de la viande reconnue impropre à toute consommation ; que si par la généralité de ses conditions d'application, le service peut uniquement être regardé comme organisé en vue de satisfaire à des impératifs de salubrité publique, il peut cependant apparaître, eu égard notamment à l'importance des tonnages concernés, comme bénéficiant en fait et principalement aux divers producteurs de viande et aux abattoirs et répondre ainsi à des préoccupations particulières à un secteur économique ; que si, avant le 1er janvier 1997, ledit service avait toujours été quasiment gratuit pour les abattoirs et les éleveurs, le dispositif mis désormais en place dégage des ressources significatives permettant le maintien de la gratuité quelle que soit l'évolution de la part du coût de l'équarrissage dans la formation du prix de revient des produits carnés, et pourrait ainsi être regardé comme susceptible de soulager une filière de production d'une charge qui lui incomberait normalement ; que ces questions soulèvent une contestation sérieuse ; que par suite, il y a lieu en application des dispositions de l'article 177 du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne (devenu l'article 234 CE) de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur cette question préjudicielle ;

DECIDE :

ARTICLE 1er : Il est sursis à statuer sur le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie jusqu'à ce que la Cour de justice des Communautés européennes se soit prononcée sur la question de savoir si la taxe sur les achats de viande prévue à l'article 302 bis ZD du code général des impôts s'insère dans un dispositif pouvant être regardé comme une aide au sens de l'article 92 du traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté européenne (devenu l'article 87 CE).

Classement CNIJ : 19-01-01-05


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2eme chambre - formation a 5
Numéro d'arrêt : 00LY02270
Date de la décision : 13/03/2001
Type d'affaire : Administrative

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. FONTBONNE
Rapporteur public ?: M. MILLET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2001-03-13;00ly02270 ?
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