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27/02/2001 | FRANCE | N°99LY00370

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 27 février 2001, 99LY00370


(1ère chambre), Vu la décision, en date du 30 décembre 1998, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 19 juin 1997 par lequel la cour avait rejeté la demande de M. et Mme B... tendant à l'annulation du jugement du 9 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à ce que l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE soit condamnée à leur verser une somme de 10 000 000 francs en réparation du préjudice ayant résulté pour eux de l'absence d'injection de Gamma globuline anti D lors de la première grossesse de Mm

e B..., et a renvoyé l'affaire devant la cour ;
Vu, enregistrée...

(1ère chambre), Vu la décision, en date du 30 décembre 1998, par laquelle le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 19 juin 1997 par lequel la cour avait rejeté la demande de M. et Mme B... tendant à l'annulation du jugement du 9 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à ce que l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE soit condamnée à leur verser une somme de 10 000 000 francs en réparation du préjudice ayant résulté pour eux de l'absence d'injection de Gamma globuline anti D lors de la première grossesse de Mme B..., et a renvoyé l'affaire devant la cour ;
Vu, enregistrée au greffe de la cour le 29 mars 1995, la requête présentée pour M. et Mme B... demeurant ... par Me Z..., avocat au barreau de Marseille ;
M. et Mme B... demandent à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n /86-4158 en date du 9 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à ce que l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE soit condamnée à réparer le préjudice qu'ils ont subi du fait de l'absence d'injection de gamma-globulines Anti D à Mme B... lors d'une fausse couche intervenue en 1976 ;
2 ) de condamner l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE à leur payer la somme de 10 000 000 francs à titre de réparation de ce préjudice ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 juin 1995, présenté pour la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE VILLEFRANCHE-SUR-SAONE, par Me Y..., avocat ; la caisse demande à la cour de condamner l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE à lui payer la somme de 134 785, 59 francs, outre les intérêts de droit, correspondant aux prestations qu'elle a versées à l'occasion des grossesses interrompues de Mme B..., ainsi que la somme de 5 000 francs sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le mémoire, enregistré le 11 octobre 1999 au greffe de la cour, présenté pour M. et Mme B... par la SCP GHESTIN, avocats aux conseils et tendant aux mêmes fins que la requête et, en outre, à la condamnation de l'assistance publique à verser aux requérants, la somme de 15 000 francs sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les intérêts et la capitalisation des intérêts sur la somme de 10.000.000 F ;
--- ---- ---- ---- ---- ---- ---- ---- ---- ---- ---- --- Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu le code civil ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de
l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2001 :
- le rapport de M. CHIAVERINI, président ;
- les observations de M. B... ;
- et les conclusions de M. VESLIN, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par le jugement attaqué, en date du 9 décembre 1994, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande présentée par les époux B... tendant à ce que l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE soit condamnée à réparer le préjudice qu'ils ont subi du fait de l'absence d'injection de gamma- globulines anti D à Mme B... à l'issue d'une fausse couche en 1976, au motif que la créance dont ils se prévalaient avait été couverte par la prescription quadriennale prévue par la loi susvisée du 31 décembre 1968 ; que par une décision en date du 30 décembre 1998 le Conseil d'Etat a, d'une part, annulé l'arrêt du 19 juin 1997 par lequel la cour administrative d'appel de céans avait rejeté la requête formée par les époux B... à l'encontre du jugement susvisé, au motif que la décision de la cour s'était abstenue d'indiquer si au plus tard en 1981 les époux B... pouvaient être regardés comme n'ignorant pas l'existence de leur créance, d'autre part, renvoyé l'affaire devant la cour administrative d'appel de Lyon ;
Sur l'exception de prescription quadriennale opposée par l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : "Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public." ; qu'aux termes de l'article 3 de la même loi : "La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement." ;
Considérant que s'il résulte de l'instruction que les époux B... ont eu connaissance, au plus tard en 1981, de l'état d'iso-immunité de Mme B... et de ses conséquences, il n'est pas établi que les requérants avaient pour autant connaissance d'un lien de causalité entre l'absence d'injection en 1976 de gamma-globulines anti D et cet état ; qu'ainsi ils pouvaient être regardés comme ignorant leur éventuelle créance; qu'il résulte également de l'instruction que le lien de causalité entre l'absence d'injection de gamma-globulines anti D et l'état d'iso-immunité de Mme B... n'a été connu des requérants qu'à la suite du dépôt du rapport d'expertise du professeur X... le 28 décembre 1989 ; que dans ces conditions le directeur de l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE ne pouvait légalement opposer l'exception de prescription quadriennale à la créance revendiquée par M. et Mme B... dans leur demande introduite le 4 juillet 1986 devant le tribunal administratif de Marseille ; qu'ils sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, ledit tribunal a rejeté, pour ce motif leur demande ;

Considérant qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel de statuer sur les conclusions des époux B... présentées tant devant le tribunal administratif que devant la cour administrative d'appel et sur l'appel incident de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE ;
Sur la responsabilité :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertises ordonnées par le tribunal administratif de Marseille que Mme B... présente une incompatibilité sanguine avec le rhésus de son époux ; que, lors de l'avortement spontané de A... ZEHAR en 1976 lors de sa première grossesse à l'hôpital de la Conception à Marseille le médecin aurait dû rechercher une éventuelle incompatibilité des rhésus sanguins de M. et Mme B... et, ayant constaté cette incompatibilité, prescrire en conséquence à Mme B... une injection de gamma- globulines anti D pour prévenir le risque d'iso-immunisation ; que cette injection de pratique courante en 1976 n'a pas été réalisée ; que l'absence de cette mesure a engendré l'installation de l'iso-immunisation en 1976 ou 1977 ; que cette absence constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE ;
Sur le préjudice :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports du professeur X..., expert commis par le tribunal, dont les conclusions ne sont pas utilement contestées, que le préjudice subi par les requérants et consécutif à la faute commise en 1976 est uniquement constitué par les grossesses infructueuses de A... ZEHAR en 1981 et 1987 et, dans une mesure limitée, par l'altération de l'état de santé de cette dernière, enfin par la douleur morale et les troubles dans les conditions d'existence résultant de cette situation ; qu'en revanche, il n'est pas établi que l'état d'iso-immunité soit à l'origine du handicap de deux enfants et de l'affection rénale dont souffre Mme B... ; qu'il sera fait une juste appréciation de l'ensemble des préjudices ainsi subis par les époux B... consécutif à la faute commise en 1976 en fixant l'indemnisation à la somme de 150 000 francs ; que, par suite, il y a lieu de condamner l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE à verser cette somme assortie des intérêts auxquels les requérants ont droit à compter du 4 juillet 1986, date d'introduction de la demande au tribunal administratif de Marseille ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant qu'à la date du 11 octobre 1999 il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts ;
Sur le recours incident de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE VILLEFRANCHE-SUR-SAONE :

Considérant que le tribunal administratif de Marseille s'est prononcé par un jugement du 12 mars 1995 devenu définitif sur les droits de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie dans le présent litige ; que, par suite, l'appel incident formé par cette caisse contre le jugement rendu le 9 décembre 1994 qui ne s'est pas prononcé sur ses droits n'est pas recevable ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation d'une somme non comprise dans les dépens :
Considérant qu'il y a lieu dans les circonstances de l'espèce, en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative reprenant l'article L8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de condamner l'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE à payer aux époux B... une somme de dix mille francs (10 000 francs) au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 2 du jugement n 86-4158 du tribunal administratif de Marseille en date du 9 décembre 1994 est annulé.
Article 2 : L'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE est condamnée à verser aux époux B... la somme de 150 000 francs. Cette somme portera intérêts aux taux légal à compter du 4 juillet 1986. Ces intérêts seront capitalisés à la date du 11 octobre 1999, pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'ASSISTANCE PUBLIQUE A MARSEILLE est condamnée à verser aux époux B... la somme de dix mille francs (10 000 francs) en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : L'appel incident de la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE VILLEFRANCHE-SUR-SAONE est rejeté.
Article 5 : Le surplus des conclusions des époux B... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 99LY00370
Date de la décision : 27/02/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

COMPTABILITE PUBLIQUE - DETTES DES COLLECTIVITES PUBLIQUES - PRESCRIPTION QUADRIENNALE - REGIME DE LA LOI DU 31 DECEMBRE 1968 - POINT DE DEPART DU DELAI.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE MEDICALE : ACTES MEDICAUX - EXISTENCE D'UNE FAUTE MEDICALE DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DU SERVICE PUBLIC - ERREUR DE DIAGNOSTIC.


Références :

Code civil 1154
Code de justice administrative L761-1
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 68-1250 du 31 décembre 1968 art. 1, art. 3


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. CHIAVERINI
Rapporteur public ?: M. VESLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2001-02-27;99ly00370 ?
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