Vu, enregistrée au greffe de la cour le 20 février 1997, la requête présentée par maître Tahar Smiai, avocat, pour M. Mohamed X..., demeurant ..., 312000, Algérie ;
M. X... demande à la cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9501458 du 9 avril 1996 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la Loire a rejeté sa demande de délivrance d'un certificat de résidence en qualité de visiteur ;
2 ) d'annuler ladite décision ;
3 ) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 5 000 francs en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu la loi n 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Vu le décret n 46-1574 du 30 juin 1946 modifié, réglementant les conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 octobre 2000 :
- le rapport de M. BOUCHER, premier conseiller ;
- les observations de Me SMIAI, avocat de M. X... ;
- et les conclusions de M. BOURRACHOT, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ";
Considérant qu'à l'appui de sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la Loire a refusé de renouveler son titre de séjour, M. X... s'est prévalu de ce que cette décision méconnaissait l'article 8 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a écarté ce moyen comme inopérant ;
Considérant que si, en application de l'article 3 du décret susvisé du 30 juin 1946, il appartient au demandeur d'un titre de séjour de se présenter en personne dans les bureaux de la préfecture et si l'omission de cette formalité autorise le préfet à refuser l'autorisation de séjour demandée, quels que soient les titres que l'intéressé peut faire valoir au soutien de sa demande au regard des dispositions de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945, une telle circonstance ne dispense pas l'autorité administrative de l'obligation de vérifier que sa décision ne méconnaît pas les stipulations d'engagements internationaux de la France, au nombre desquelles figurent les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que c'est par suite à tort que, pour écarter le moyen susmentionné tiré de la violation de cet article, le tribunal administratif l'a estimé inopérant motif pris de ce que l'intéressé ne s'était pas personnellement présenté en préfecture pour obtenir le renouvellement de son titre ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., de nationalité algérienne, est entré en France en 1989 où il a exercé la profession de commerçant sous couvert d'un titre de séjour obtenu en cette qualité, jusqu'à ce qu'il soit contraint de cesser son activité pour cause d'invalidité ; qu'il perçoit une pension d'invalidité du régime des non salariés non agricoles ; qu'il est père d'un enfant de nationalité française, né le 6 mai 1990 et qui a été scolarisé en France ; que ses parents résident en France ainsi que l'une de ses soeurs qui a la nationalité française ; qu'ainsi, alors même que le requérant ne s'est pas présenté en personne à la préfecture pour y souscrire sa demande de titre de séjour, qu'il ne dispose que de ressources modestes, que son épouse n'aurait pas résidé en France et qu'il n'aurait pas perdu tout lien avec son pays d'origine, la décision implicite par laquelle le préfet de la Loire a rejeté sa demande de certificat de résidence en qualité de visiteur, présentée le 24 novembre 1994 et complétée le 2 décembre suivant, a porté au droit du requérant au respect de sa vie familiale et privée une atteinte excessive au regard des stipulations conventionnelles précitées, lesquelles ont ainsi été méconnues ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision implicite par laquelle le préfet de la Loire lui a refusé la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de visiteur ; qu'il est par suite fondé à demander l'annulation dudit jugement et de ladite décision ;
Considérant, d'une part, que M. X... n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée par une décision du 9 septembre 1999 ; que, d'autre part, l'avocat de M. X... n'a pas demandé la condamnation de l'Etat à lui verser, sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête de M. X... tendant à la condamnation de l'Etat sur le fondement dudit article L.8-1 ne peuvent être accueillies ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 9 avril 1996 et la décision implicite par laquelle le préfet de la Loire a rejeté la demande de M. X... tendant à la délivrance d'un certificat de résidence en qualité de visiteur, sont annulés.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.