Vu, enregistrée au greffe de la cour le 17 mai 1999, la requête présentée par maître Jean-Michel Gaullier, avocat, pour M. Patrick X..., demeurant ... ;
M. X... demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 971801 du 16 mars 1999 par lequel le tribunal administratif de Dijon a, avant de statuer sur sa demande tendant à l'annulation partielle des prescriptions dont le préfet de l'Yonne a assorti le récépissé de déclaration relatif à la création d'un plan d'eau sur sa propriété de Bleneau, en tant que ces prescriptions lui feraient à tort obligation de soumettre ce plan d'eau à la réglementation sur la pêche, ordonné une expertise ayant notamment pour objet de déterminer si et dans quelles conditions le plan d'eau dont s'agit ou tout ouvrage de même nature se trouvant sur la propriété, communique avec des eaux libres en amont ou en aval en précisant les périodes de communication ;
2°) de dire que c'est à tort que le préfet de l'Yonne a assorti le récépissé de déclaration de prescriptions portant obligation de le soumettre à la réglementation sur la pêche ; 3°) d'annuler l'alinéa qui précise que le plan d'eau en cause est soumis à la réglementation sur la pêche et de dire qu'il ne peut être considéré que comme une eau close ;
4°) de lui accorder une somme de 12 000 francs sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau ;
Vu le décret n° 92-742 du 29 mars 1993 ;
Vu le décret n° 92-743 du 29 mars 1993 ;
Vu l'arrêté du 27 août 1999 portant application du décret n° 96-102 du 2 février 1996 et fixant les prescriptions générales applicables aux opérations de création d'étangs ou de plans d'eau soumises à déclaration en application de l'article 10 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau et relevant des rubriques 2.7.0. (1°, b) et 2.7.0. (2°, b) de la nomenclature annexée au décret n° 93-743 du 29 mars 1993 modifié ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 avril 2000 :
- le rapport de M. BOUCHER, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BOURRACHOT, commissaire du gouvernement ;
Considrant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 3 janvier 1992 sur l'eau susvisée : "Les dispositions de la présente loi ont pour objet une gestion équilibrée de la ressource en eau. Cette gestion équilibrée vise à assurer : - la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ( ...) ; - la protection, contre toute pollution et la restauration de la qualité des eaux superficielles et souterraines et des eaux de la mer ; - le développement et la protection de la ressource en eau ; - la valorisation de l'eau comme ressource économique et la répartition de cette ressource ; de manière à satisfaire ou à concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences : - de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l'alimentation en eau potable de la population ; - de la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ; - de l'agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l'industrie, de la production d'énergie, des transports, du tourisme, des loisirs et des sports ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées" ; que l'article 10 de ladite loi soumet à autorisation ou déclaration, en fonction de l'importance de leurs effets sur la santé ou la sécurité publiques et l'environnement, les installations, ouvrages, travaux et activités entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux ou des déversements, écoulements ou rejets chroniques ou épisodiques, même non polluants ; qu'en application de ces dispositions, la création d'un étang ou d'un plan d'eau d'une superficie comprise entre 0,1 ha et 3 ha est soumise à une déclaration auprès du préfet du département selon les modalités fixées par les décrets susvisés n° 93-742 et n° 93-743 du 29 mars 1993 ; que cette déclaration donne lieu, en application du 3ème alinéa de l'article 10 de la loi du 3 janvier 1992 et de l'article 32 du décret n° 93-742 du 29 mars 1993, à la délivrance d'un récépissé qui mentionne les prescriptions générales applicables au projet ; qu'en vertu des mêmes dispositions, le préfet peut, le cas échéant, imposer également des prescriptions spécifiques lorsqu'elles sont nécessaires pour assurer le respect des principes mentionnés à l'article 2 de la loi ;
Considérant, d'autre part, qu'en vertu de l'article L.231-3 du code rural, les dispositions du titre III de ce code relatif à la pêche en eau douce et à la gestion des ressources piscicoles sont applicables à tous les cours d'eau, canaux, ruisseaux ainsi qu'aux plans d'eau avec lesquels ils communiquent ;
Considérant que M. X... a souscrit en février 1997 une déclaration portant sur la création d'un étang de moins de 3 ha ; que, le 25 juillet 1997, le préfet de l'Yonne lui a délivré un récépissé assorti notamment d'une prescription selon laquelle cet étang " serait soumis à la réglementation sur la pêche " au motif que le plan d'eau serait " en communication même temporaire, par son trop-plein, avec les eaux libres " ; que M. X... a saisi le tribunal administratif de Dijon d'une demande tendant à l'annulation de cette prescription ; que par le jugement attaqué le tribunal administratif a ordonné une expertise en vue de déterminer si, compte tenu de ses caractéristiques, l'ouvrage en litige pouvait être soumis à la réglementation sur la pêche ;
Considérant que le préfet ne peut, à l'occasion de la délivrance d'un récépissé de déclaration au titre de la législation sur l'eau, décider d'assujettir un plan d'eau à l'ensemble de la législation sur la pêche en eau douce, alors que les conditions d'application de cette législation sont définies par le code rural, que son respect est assuré par un contrôle a posteriori assorti de sanctions propres et que ses finalités excèdent le cadre des objectifs définis à l'article 2 précité de la loi du 3 janvier 1992 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Dijon avant-dire-droit sur la demande de M. X..., en vue de déterminer si, compte tenu de ses caractéristiques, le plan d'eau en litige pouvait être soumis à la réglementation sur la pêche, était frustratoire et que M. X... est fondé à demander l'annulation du jugement ordonnant cette expertise ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de M. X... tendant à l'annulation de la prescription en litige ;
Considérant qu'ainsi qu'il vient d'être dit, le préfet ne disposait pas du pouvoir d'imposer à l'occasion de la délivrance d'un récépissé de déclaration au titre de la loi sur l'eau une prescription visant à soumettre le plan d'eau en litige à la législation sur la pêche en eau douce ; que, dès lors, M. X... est fondé à demander l'annulation de cette prescription ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser à M. X... une somme de 5 000 francs en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Dijon en date du 16 mars 1999 et la prescription relative à l'application de la législation sur la pêche annexée au récépissé de déclaration de création de plan d'eau établi le 25 juillet 1997 par le préfet de l'Yonne sont annulés.
Article 2 : L'Etat (MINISTRE DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE ET DE L'ENVIRONNEMENT) versera une somme de cinq mille francs (5 000,00 F.) à M. X... en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.