Vu l'ordonnance en date du 29 août 1997 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nancy a, en application du décret n° 97-457 du 9 mai 1997, transmis à la cour administrative d'appel de Lyon la requête présentée pour la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE (SAPRR), par la SCP d'avocats Arnaud et Klepping ;
Vu ladite requête, enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nancy le 14 mars 1996, par laquelle la SAPRR demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 935808 en date du 29 décembre 1995 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 19 129,76 francs assortie des intérêts au taux légal, en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'occupation le 3 juillet 1992 du poste de péage de Montluçon sur l'autoroute A71 par des manifestants ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer ladite somme assortie des intérêts légaux à compter de la demande et de leur capitalisation, ainsi qu'une somme de 7 000 francs au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code pénal ;
Vu le code de la route ;
Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 1999 :
- le rapport de M. GAILLETON, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BEZARD, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 92 de la loi susvisée du 7 janvier 1983, ultérieurement codifié à l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales : "L'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens" ;
Considérant que la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN-RHONE (SAPRR) demande la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice qu'elle a subi du fait de l'occupation le 3 juillet 1992 du poste de péage de Montluçon (Allier) sur l'autoroute A71 par des manifestants ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 7 du code de la route dans sa rédaction alors en vigueur : "Quiconque aura, en vue d'entraver ou de gêner la circulation, placé ou tenté de placer, sur une voie ouverte à la circulation publique, un objet faisant obstacle au passage des véhicules ou qui aura employé ou tenté d'employer un moyen quelconque pour y mettre obstacle, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de 1 000 à 30 000 francs, ou de l'une de ces deux peines seulement" ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que si les manifestants ont empêché la perception du péage dû par les automobilistes, la circulation n'en a pas été entravée ou gênée, dès lors que le passage des péages entraîne par lui-même un ralentissement, voire un arrêt des véhicules ; que les manifestants ont seulement mis à profit cette circonstance pour exprimer leurs doléances ; que de tels agissements ne peuvent, dès lors, être qualifiés de délit d'entrave ou de gêne à la circulation au sens des dispositions de l'article L. 7 du code de la route ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 414 du code pénal alors en vigueur : "Sera puni d'un emprisonnement de six jours à trois ans et d'une amende de 500 F à 10 000 F, ou de l'une de ces deux peines seulement, quiconque, à l'aide de violences, voies de fait, menaces ou manoeuvres frauduleuses, aura amené ou maintenu, tenté d'amener ou de maintenir une cessation concertée du travail, dans le but de forcer la hausse ou la baisse des salaires ou de porter atteinte au libre exercice de l'industrie ou du travail" ;
Considérant que si les manifestants ont mis matériellement les préposés aux péages dans l'impossibilité de percevoir les redevances auprès des usagers de l'autoroute, il n'est pas établi qu'ils auraient porté atteinte au libre exercice du travail de ces préposés à l'aide de violences, voies de fait, menaces ou manoeuvres frauduleuses ; que, par suite, leurs agissements ne peuvent être regardés comme constitutifs du délit prévu à l'article 414 précité ; que si la SAPRR se prévaut des dispositions de l'actuel article 431-1 du code pénal, qui réprime maintenant les entraves à la liberté du travail, ces dispositions, en tout état de cause, n'étaient pas en vigueur à la date des faits ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des délits invoqués par la SAPRR n'étant susceptible en l'espèce d'être imputé aux manifestants concernés, l'Etat ne peut être tenu civilement responsable, sur le fondement de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983 précité, du préjudice commercial subi par la société à raison de pertes de péages ; qu'elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que les dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la SAPRR la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens; qu'il n'y a par ailleurs pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au bénéfice de l'Etat ;
Article 1er : La requête de la SOCIETE DES AUTOROUTES PARIS RHIN RHONE, ainsi que les conclusions présentées par l'Etat au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, sont rejetées.