Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 9 mars 1994, présentée pour l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT LOGEMENT ESPACE (OPALE), anciennement OFFICE PUBLIC DES H.L.M. DE LA VILLE DE GRENOBLE, représenté par son directeur en exercice et dont le siège est ..., par la SCP Clément-Cuzin, Coutton, Brambilla, avocats ;
L'OPALE demande à la cour :
1 ) de réformer le jugement du 17 novembre 1993, rectifié par une ordonnance du président du tribunal administratif de Grenoble du 11 février 1994, par lequel ledit tribunal n'a fait droit que partiellement à sa demande tendant à la condamnation, solidaire ou non, des entreprises CUYNAT et MPC, du bureau BEC et de la VILLE DE GRENOBLE à lui payer diverses indemnités en réparation des désordres qui ont affecté les douze bâtiments de l'ensemble immobilier le Zodiaque à Grenoble Y..., ainsi que la somme de 20 000 francs en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, et à supporter les frais d'expertise ;
2 ) de faire droit intégralement à sa demande ;
3 ) de condamner solidairement les constructeurs à lui verser la somme de 40 000 francs en application des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juillet 1999 ;
- le rapport de Mme LAFOND, premier conseiller ;
- les observations de Me BRAMBILLA, avocat de l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT LOGEMENT ESPACE (OPALE), de Me LEGULLUDEC substituant Me GALLIZIA, avocat de la VILLE DE GRENOBLE, de Me LACHAT, avocat de la S.A. MENUISERIE DE PONT DE CLAIX et du BUREAU D'ENGINEERING DE LA CONSTRUCTION, et de Me AUBERT MOULIN substituant Me DELAFON, avocat de Me X..., administrateur judiciaire de la société CUYNAT ;
- et les conclusions de M. BEZARD, commissaire du gouvernement ;
Considérant que l'OFFICE PUBLIC DES HABITATIONS A LOYER MODERE DE LA VILLE DE GRENOBLE devenu l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT LOGEMENT ESPACE (OPALE) a fait construire, de 1978 à 1982, à Grenoble Y..., un ensemble immobilier comprenant 295 logements dont 86, répartis sur quatre bâtiments, organisés chacun en copropriété, ont été vendus, et 209, répartis sur huit bâtiments, sont loués ; qu'assigné, en sa qualité de promoteur, devant le tribunal de grande instance de Grenoble, par les syndicats de copropriétaires et divers copropriétaires, il a été condamné, par ordonnances du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Grenoble du 13 janvier 1986, à leur payer diverses provisions en raison des désordres affectant les parties communes et privatives des quatre copropriétés ; qu'il a alors demandé au tribunal administratif de Grenoble, le 14 août 1986, de condamner solidairement la VILLE DE GRENOBLE, dont les services techniques avaient été chargés de la maitrise d'oeuvre, le bureau d'études BEC, qui avait assisté le maître d'oeuvre, et les entreprises CUYNAT et MPC, qui s'étaient vu confier respectivement le lot "gros oeuvre maçonnerie" et le lot "menuiseries extérieures-fermetures", à le relever et le garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée contre lui par le tribunal de grande instance de Grenoble et dont le montant ne serait connu qu'après décision rendue par ce dernier ; qu'il a demandé au même tribunal administratif, le 25 mai 1987, d'ordonner une expertise des logements dont il était resté propriétaire et qu'il donnait en location, et de déclarer les quatre constructeurs susnommés responsables solidairement de l'ensemble des désordres atteignant les 295 logements, tels qu'ils étaient décrits dans les rapports de l'expert désigné par le juge judiciaire, pour les logements vendus, et tels qu'ils le seraient par l'expert qui serait nommé par le président du tribunal administratif, pour les logements donnés en location, se réservant de présenter un mémoire complémentaire aux fins d'indemnisation de son préjudice après le dépôt du rapport de cet expert ; que ledit rapport concernant les logements donnés en location a été déposé au greffe du tribunal administratif le 2 février 1990 ; que, par un "mémoire après expertise" enregistré le 4 octobre 1990 et par un mémoire complémentaire enregistré le 21 juin 1993, il a demandé au tribunal administratif l'homologation dudit rapport et, pour chaque désordre affectant les logements donnés en location, la condamnation du ou des constructeurs à lui payer diverses sommes en réparation dudit désordre, en précisant le fondement de leur responsabilité ; que les indemnités demandées s'élevaient, en principal, à 1 077 758,53 francs ; enfin, que, par un mémoire enregistré le 27 mai 1993, il a demandé au tribunal administratif la condamnation solidaire des constructeurs à lui payer les sommes qu'il a réglées à la suite des ordonnances rendues le 13 janvier 1986 et de l'accord intervenu avec les copropriétés en vue de la réalisation des travaux, soit, en principal, 527 846,35 francs au titre des travaux exécutés, 17 500 francs au titre des polices dommages-ouvrage et responsabilité décennale du constructeur non réalisateur, et 57 444 francs au titre des indemnités payées à 24 copropriétaires ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a statué sur le litige relatif aux divers désordres affectant les appartements loués et sur l'action récursoire exercée par l'OPALE concernant les appartements
vendus en copropriété ; qu'il a fait droit partiellement aux conclusions de sa demande ; que l'OPALE fait appel dudit jugement ; que la société CUYNAT demande, par la voie de l'appel incident, la décharge des condamnations fondées sur sa responsabilité contractuelle et prononcées à son encontre au profit de l'OPALE ; qu'elle demande, également, la restitution par l'OPALE des sommes qui lui ont été versées en exécution du jugement, soit 135 636,64 francs, outre intérêts, et, à titre subsidiaire, de réduire les prétentions de l'OPALE, de condamner la VILLE DE GRENOBLE, le bureau BEC et la société MPC à la relever et la garantir à proportion respectivement de 20 %, 7,5 % et 65 % des condamnations qui seraient prononcées à son encontre, et de confirmer, pour le surplus, le jugement attaqué ; que la société MPC et le bureau BEC concluent au rejet de la requête et à la confirmation du jugement et, à titre subsidiaire, si les moyens invoqués par l'OPALE, et tirés de ce que leur responsabilité serait engagée sur le terrain de la garantie décennale à raison des désordres affectant les logements loués, étaient recevables ou si leur responsabilité venait à être retenue en ce qui concerne les logements vendus en copropriété, à être, chacun, relevé et garanti par les autres constructeurs dans les proportions fixées par l'expert ; que la VILLE DE GRENOBLE conclut au rejet de la requête ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'en jugeant que, faute pour l'OFFICE PUBLIC D'AMENAGEMENT LOGEMENT ESPACE (OPALE) d'établir que, compte tenu du régime fiscal qui était le sien en tant qu'établissement public industriel et commercial, il ne pouvait imputer ou se faire rembourser tout ou partie de la taxe sur la valeur ajoutée grevant le coût des réparations, le montant des indemnités ne devait pas inclure le montant de la taxe sur la valeur ajoutée, le tribunal administratif n'a pas soulevé d'office un moyen d'ordre public ; qu'il a seulement estimé que les préjudices invoqués n'étaient pas justifiés à concurrence de la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il se serait fondé sur un moyen relevé d'office sans en informer les parties et aurait en conséquence violé les dispositions de l'article R.153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ne peut qu'être écarté ;
Considérant que, pour rejeter les conclusions de l'OPALE tendant, d'une part, à être relevé et garanti par les constructeurs des condamnations prononcées à son encontre par le juge judiciaire en raison des désordres affectant les appartements qu'il a vendus en copropriété, d'autre part, à la condamnation des constructeurs à réparer le préjudice qu'il a subi du fait des travaux de réparation qu'il a dû réaliser au profit des copropriétaires, le tribunal administratif s'est fondé sur ce que l'OPALE n'avait pas donné de précision permettant d'apprécier la portée des moyens invoqués ; qu'ainsi, il n'a pas soulevé d'office un moyen d'ordre public et n'était pas tenu d'en informer préalablement les parties en application des dispositions de l'article R.153-1 ; que, dès lors, il n'a pas méconnu lesdites dispositions ;
Sur les conclusions concernant les appartements loués :
En ce qui concerne la responsabilité :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment d'une attestation, produite pour la première fois en appel, en date du 28 avril 1987, établie par le maître d'oeuvre, signée par l'OPALE et dont ce dernier ne conteste pas la validité, qu'en ce qui concerne l'entreprise CUYNAT, toutes les réserves émises lors des réceptions de cette opération constituée des bâtiments AN1, TN1, BN1, AN2, TN2, N2, AN3, TN3, BN3, AN4, TN4, N4 avaient bien été levées et que, par conséquent, la réception définitive était bien prononcée sans réserve ; que, par suite, la réception définitive des bâtiments devant être regardée comme acquise, pour l'ensemble des bâtiments, au plus tard le 28 avril 1987 en ce qui concerne la société CUYNAT, celle-ci est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée, seule ou solidairement avec la commune de GRENOBLE, le bureau BEC et la société MPC, ou avec certains seulement de ces constructeurs, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, à verser à l'OPALE diverses sommes, avec intérêts capitalisés, en réparation des désordres consistant en infiltrations par terrasses supérieures et par balcons du niveau supérieur et en entrées d'air à l'intérieur des logements ;
Considérant, en deuxième lieu, que si l'OPALE se prévaut de la responsabilité décennale des constructeurs pour demander leur condamnation à réparer les désordres consistant en infiltrations par balcons au niveau supérieur dans les bâtiments AN1, BN1, TN1, TN2, BN3, TN3 et TN4, en infiltrations par baies et panneaux de façades menuisées dans les bâtiments AN3, BN3 et TN4, en entrées d'air à l'intérieur des logements dans les bâtiments AN1, BN1, TN1, TN2, AN3, BN3, TN3 et TN4 alors que, devant le tribunal administratif, il avait recherché pour ces mêmes désordres, la responsabilité contractuelle des constructeurs, ces conclusions, fondées sur une cause juridique distincte, constituent une demande nouvelle en appel et sont, par suite, irrecevables ;
Considérant, en dernier lieu, que si l'OPALE se prévaut de la responsabilité contractuelle de la société MPC pour demander sa condamnation à réparer les désordres consistant en ponts phoniques dans l'appartement 1405, situé dans le bâtiment AN1, et en défauts ponctuels de menuiserie, et de celle de l'entreprise CUYNAT pour demander sa condamnation à réparer les désordres consistant en infiltrations par pignons en maçonnerie, en dégradations de maçonneries sur chants de dalles de certains balcons et en passages d'odeurs d'un appartement à l'autre, alors que devant le tribunal administratif, il avait recherché, pour ces mêmes désordres, la responsabilité décennale de ces constructeurs, ces conclusions, fondées sur une cause juridique distincte, constituent une demande nouvelle en appel et sont, par suite, irrecevables ;
En ce qui concerne le préjudice :
Considérant que l'OPALE ne justifie pas, en tout état de cause, devoir supporter d'autres honoraires de maîtrise d'oeuvre que ceux qui ont été chiffrés par l'expert et qui ont été retenus par le tribunal administratif pour calculer le coût global des travaux destinés à faire cesser les désordres ni que les travaux de réparation donnant lieu à indemnisation nécessitent l'intervention d'un bureau de contrôle et l'institution d'une maîtrise d'ouvrage déléguée, ni enfin, être dans l'obligation de souscrire pour ces travaux une assurance dommages-ouvrage ;
Considérant, en revanche, que l'OPALE justifie qu'il n'est pas assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de la location des appartements dont il est propriétaire ; que, par suite, il est fondé à demander que les sommes qui lui ont été allouées au titre des travaux destinés à faire cesser les désordres soient évaluées taxe sur la valeur ajoutée comprise ; que, dès lors, les préjudices fixés par le tribunal administratif à 62 000 francs, 11 600 francs et 29 000 francs à raison des infiltrations par balcons du niveau supérieur et qui comprennent, à concurrence, respectivement, de 2 000 francs, 1 600 francs et 2 400 francs, des indemnités fixées forfaitairement par l'expert, et pour lesquelles l'OPALE ne demande pas qu'elles soient augmentées de la taxe sur la valeur ajoutée, sont portés, respectivement, à 73 160 francs, 12 786 francs et 33 650 francs ; que ceux fixés par le tribunal administratif à 47 385 francs et 5 077 francs à raison des infiltrations par baies et panneaux des façades menuisées sont portés, respectivement à 56 198 francs et 6 021 francs ; que ceux fixés à 242 954 francs, 45 646 francs et 192 400 francs à raison des entrées d'air à l'intérieur des logements et qui comprennent, à concurrence, respectivement, de 8 400 francs, 3 000 francs et 6 200 francs, des indemnités fixées forfaitairement par l'expert, et pour lesquelles l'OPALE ne demande pas qu'elles soient augmentées de la taxe sur la valeur ajoutée, sont portés, respectivement, à 286 581 francs, 53 578 francs et 226 772 francs ; enfin, que celui fixé par le tribunal administratif à 17 000 francs à raison des ponts phoniques est porté à 20 162 francs ; qu'il y a lieu, en conséquence, de réformer le jugement en ce qu'il a de contraire ;
Sur les conclusions concernant les appartements vendus :
Considérant que l'OPALE demande la condamnation des constructeurs à l'indemniser du préjudice qu'il a subi du fait des désordres affectant les logements situés dans les bâtiments N2, AN2, N4 et AN4, qu'il a vendus et des frais d'expertise qu'il a supportés ; qu'il précise pour la première fois en appel le fondement juridique de ses conclusions ; que celles-ci constituent des demandes nouvelles ; qu'elles sont, par suite irrecevables ;
Sur les conclusions de l'entreprise CUYNAT tendant à la restitution par l'OPALE des sommes qu'elle lui a versées en exécution du jugement, assorties des intérêts au taux légal à compter du 6 avril 1994 :
Considérant que les articles 8 à 28 du jugement qui condamnent chaque constructeur, dont la société CUYNAT, à relever et garantir chaque autre constructeur de différentes sommes mises à la charge de ce dernier ne sont pas contestés ; que si la société CUYNAT a, en exécution du jugement attaqué, versé le 6 avril 1994 à l'OPALE la somme de 135 636,64 francs, elle n'établit pas, compte tenu desdits articles, être en droit d'obtenir de l'OPALE la restitution de ladite somme ; qu'elle n'est pas fondée, en tout état de cause, à demander à la cour la condamnation de l'OPALE à la réparation sous la forme d'intérêts au taux légal du préjudice subi par elle du fait du versement de ladite somme dès lors qu'elle y était tenue en raison du caractère exécutoire du jugement ;
Sur les conclusions de l'OPALE, du bureau BEC et de la société MPC tendant à obtenir des frais irrépétibles :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application au profit de l'OPALE des dispositions de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que l'OPALE, qui n'est pas, en l'espèce, la partie perdante, soit condamné à verser au bureau BEC et à la société MPC quelque somme que ce soit au titre de leurs frais irrépétibles ;
Article 1er : Les articles 1er, 2 et 29 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 décembre 1993, rectifié par une ordonnance de son président du 11 février 1994, sont annulés en tant qu'ils portent condamnation de la société CUYNAT.
Article 2 : L'article 4 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 décembre 1993, rectifié par une ordonnance de son président du 11 février 1994, est annulé.
Article 3 : La condamnation mentionnée à l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 décembre 1993, rectifié par une ordonnance de son président du 11 février 1994, est portée de 304 954 francs à 359 741 francs.
Article 4 : La condamnation mentionnée à l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 décembre 1993, rectifié par une ordonnance de son président du 11 février 1994, est portée de 221 400 francs à 260 392 francs.
Article 5 : La condamnation mentionnée à l'article 3 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 décembre 1993, rectifié par une ordonnance de son président du 11 février 1994, est portée de 109 708 francs à 128 583 francs.
Article 6 : La condamnation mentionnée à l'article 5 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 décembre 1993, rectifié par une ordonnance de son président du 11 février 1994, est portée de 99 400 francs à 102 562 francs.
Article 7 : L'article 6 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 décembre 1993, rectifié par une ordonnance de son président du 11 février 1994, est annulé en tant qu'il mentionne la somme indiquée à l'article 4 du jugement.
Article 8 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 décembre 1993, rectifié par une ordonnance de son président du 11 février 1994, est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 9 : Le surplus des conclusions de la requête de l'OPALE et des conclusions des sociétés CUYNAT et MPC et du bureau BEC est rejeté.