Vu, enregistrée au greffe de la cour le 10 février 1992, l'ordonnance n 127754 du président de la section du contentieux du Conseil d'Etat en date du 11 décembre 1991 attribuant à la cour administrative d'appel de Lyon le jugement de la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 juillet 1991 présentée pour la société SMAC ACIEROID et la SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS ;
Vu, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 17 juillet 1991, la requête présentée pour la SOCIETE SMAC ACIEROID dont le siège est ... Saint-Quentin-en-Yvelynes et pour la SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS dont le siège est ..., par Me X..., avocat au Conseil d'Etat et à la cour de cassation ;
La SOCIETE SMAC ACIEROID et la SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS demandent à la cour :
1 ) d'annuler le jugement en date du 23 mai 1991 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté leurs demandes tendant à la fois à la condamnation conjointe et solidaire de l'Etat et de la COMMUNE DE PONT DU CHATEAU au remboursement des sommes versées à des particuliers en réparation des préjudices résultant de l'effondrement du toit de la mine d'asphalte exploitée sur le territoire de ladite commune, à la prise en charge de l'ensemble des conséquences préjudiciables pour elles des faits et événements en liaison avec l'accident survenu en 1983, à la condamnation conjointe et solidaire de l'Etat et de la COMMUNE DE PONT DU CHATEAU au versement des sommes visées par les demandes préalables des 28 et 29 décembre 1987 pour un montant de 103 046 francs pour la société SMAC ACIEROID et de 104 451,06 francs pour la SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS et à la prise en charge de l'ensemble des conséquences indemnitaires de l'action résultant des demandes de M. et Mme Z... devant le tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand ;
2 ) de condamner conjointement et solidairement l'Etat et la COMMUNE DE PONT DU CHATEAU à les indemniser à concurrence de l'intégralité des sommes mises à leur charge du chef des conséquences de l'effondrement du toit de l'ancienne mine située dans le sous-sol de la commune précitée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes ;
Vu le code minier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juin 1999 ;
- le rapport de Mme LAFOND, premier conseiller ;
- les observations de Me CHASSAIGNE, avocat de la commune de PONT DU CHATEAU ;
- et les conclusions de M. BEZARD, commissaire du gouvernement ;
Sur les fins de non recevoir opposées par le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE L'ESPACE :
En ce qui concerne la tardiveté de l'appel :
Considérant que lorsque l'affaire entre dans les cas d'attribution de dossiers prévus à l'article R.80 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la date à retenir pour apprécier la recevabilité du recours est celle de son enregistrement au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat incompétemment saisi ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que la requête présentée par la société SMAC ACIEROID et la SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCES DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS (S.M.A.B.T.P.) dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 mai 1991 a été enregistrée au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat le 17 juillet 1991, et compte tenu des dates de notification dudit jugement aux appelants respectivement le 12 juin 1991 et le 10 juin 1991, avant l'expiration du délai d'appel fixé par l'article R.229 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; que, dès lors, le ministre de L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE L'ESPACE n'est pas fondé à soutenir que cet appel avait été formé tardivement et devrait, pour ce motif, être déclaré irrecevable ;
En ce qui concerne l'existence d'un désitement d'action de la société SMAC ACIEROID :
Considérant que la circonstance que, par jugement du 21 novembre 1991, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a donné acte du désistement de la demande présentée par la société SMAC ACIEROID dans l'instance 88-756 se rapportant aux indemnités accordées par le juge judiciaire aux époux Y... est sans incidence sur les instances 88-756 et 88-757 qui font l'objet du présent appel et qui concernent d'autres propriétaires que ceux visés dans l'instance 88-756 ; qu'il s'ensuit que le MINISTRE DE L'EQUIPEMENT, DU LOGEMENT, DES TRANSPORTS ET DE L'ESPACE n'est pas fondé à soutenir que l'appel formé par la société SMAC ACIEROID, est pour ce motif entaché d'irrecevabilité, et que, dans ces conditions, l'action subrogatoire de la SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS est également entachée d'irrecevabilité ;
Sur la responsabilité :
Considérant que pour rejeter la demande qui leur était présentée conjointement par la société SMAC ACIEROID et la SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS tendant à la condamnation de l'Etat et de la commune de PONT DU CHATEAU à leur rembourser le montant des condamnations prononcées à leur encontre par différentes décisions des tribunaux judiciaires en raison des dégâts subis par les propriétaires du lotissement de la Butte du Serpolet, à la suite de l'effondrement du toit de la mine du Cortal, survenu en 1983, les premiers juges, qui n'ont d'ailleurs pas opéré de distinction entre la situation des époux Z... et des autres propriétaires, se sont fondés notamment sur le fait que la société SMAC ACIEROID ne pouvait se prévaloir des fautes éventuellement commises par l'administration dans la délivrance des permis de construire, lesquelles, selon le tribunal, n'auraient pu être invoquées que par les propriétaires, vitimes des désordres ; que la société SMAC ACIEROID, déclarée civilement responsable desdits dégâts et la SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS, bénéficiant de l'action subrogatoire prévue par l'article L121-12 du code des assurances, sont subrogées, dans la limite des sommes que chacune d'elles a effectivement versées, dans les droits et actions de ces propriétaires à l'encontre des personnes responsables de ces dégâts ; qu'elles sont, dès lors, fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal a retenu ce motif pour rejeter leur demande ;
Considérant qu'il appartient à la cour, saisie dans le cadre dévolutif de l'appel, d'examiner la demande présentée par la SMAC ACIEROID et la SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Considérant que, si l'exercice de la police spéciale des mines incombant à l'Etat a cessé avec l'arrêté préfectoral du 20 décembre 1932 donnant acte à la Société des mines de bitume et asphalte du centre, aux droits de laquelle se trouve désormais la société SMAC ACIEROID, de sa déclaration d'abandon des travaux souterrains de la mine du Cortal, et lui enjoignant d'assurer sous deux mois à compter de la notification de cet arrêté la fermeture du puits du Ruchon et des deux galeries d'accès, il résulte de l'instruction que ni le plan d'urbanisme directeur du 23 juin 1959, ni le plan d'occupation des sols du 21 avril 1973 élaborés par les services de l'Etat, ni l'arrêté préfectoral du 15 mai 1959 portant lotissement de dix lots situés sur la Butte du Serpolet n'ont pris en compte le risque d'instabilité du sous-sol généré par la présence de l'ancienne mine de bitume ; qu'en outre, aucun plan d'exposition à des risques naturels n'avait été élaboré par le préfet du Puy-de-Dôme en application de l'article R.111-3 du code de l'urbanisme avant que ne se produise l'affaissement du toit de la mine en 1983 ; que ces carences des services de l'Etat qui ne peut utilement invoquer la circonstance que les informations sur les caractéristiques de la mine étaient détenues par des services relevant d'un autre ministère, constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de la société SMAC ACIEROID et la SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS qui ont été condamnées à indemniser les propriétaires de la surface par l'autorité judiciaire ;
Considérant qu'il n'est pas allégué que les propriétaires du lotissement de la Butte du Serpolet aient commis des fautes de nature à atténuer la responsabilité encourue par l'Etat ; qu'il n'est pas davantage établi que la société SMAC ACIEROID a commis des fautes en sa qualité d'ancien exploitant de la mine ni même qu'elle a elle-même directement vendu les terrains sinistrés ; que l'Etat n'invoque pas les fautes éventuelles des vendeurs desdits terrains ; qu'ainsi l'Etat doit être déclaré entièrement responsable envers la société SMAC ACIEROID et la SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS des conséquences dommageables de l'effondrement du toit de la mine du Cortal, à l'exception toutefois du cas des époux Z... ;
Considérant que l'Etat est recevable à invoquer le fait du tiers pour s'exonérer de sa responsabilité pour faute ; qu'il résulte de l'instruction que le terrain sur lequel était en cours d'édification l'immeuble des époux Z... leur a été vendu par la société LOGISMAC, qui en sa qualité de filiale de la société SMAC ACIEROID, ne pouvait ignorer, comme l'a d'ailleurs jugé la cour d'appel de Riom, les risques inhérents à la présence de l'ancienne mine ; qu'il sera fait une juste appréciation de la gravité des fautes de l'Etat, qui sont directement à l'origine du caractère constructible du terrain, et de la société LOGISMAC qui a vendu un terrain impropre à la construction, en déclarant l'Etat responsable de 50 % des préjudices subis par les époux Z... ;
Considérant qu'aucune faute du maire de PONT DU CHATEAU dans l'exercice de ses pouvoirs de police municipale n'est établie par les pièces du dossier ; que la commune n'avait pas l'obligation d'informer les acheteurs de lots du risque d'instabilité du terrain en cause, dont il n'est pas établi d'ailleurs qu'elle en avait alors connaissance ; que, par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à se plaindre de ce que le tribunal administratif a, par le jugement attaqué, rejeté les conclusions de leur demande tendant à la condamnation de la COMMUNE DE PONT DU CHATEAU ;
Sur le montant du préjudice :
Considérant que la cour, en l'état du dossier, ne dispose pas, par décision rendue par l'autorité judiciaire et pour chacun des propriétaires intéressés, d'un état détaillé des sommes que la société SMAC ACIEROID et la SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS ont été respectivement, chacune en ce qui la concerne, amenées à régler audits propriétaires en exécution des jugements et arrêts en cause en raison des dommages par eux subis ni d'indications précises concernant les dates auxquelles les réglements des condamnations prononcées par les tribunaux judiciaires sont intervenus ni des quittances subrogatoires de la compagnie d'assurance ; que, dans ces conditions, il y a lieu d'ordonner à la société SMAC ACIEROID et à la SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT DES TRAVAUX PUBLICS de produire un état des sommes respectivement réglées par elles à chaque propriétaire intéressé, mentionnant en outre les dates auxquelles les paiement sont intervenus, ainsi que la copie des quittances subrogatoires correspondantes, dans le délai de quatre mois à compter de la notification qui leur sera faite du présent arrêt ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 23 mai 1991 en tant qu'il a rejeté les conclusions des sociétés requérantes tendant à la condamnation de l'Etat, de déclarer l'Etat entièrement responsable des conséquences dommageables de l'effondrement du toit de la mine du Cortal, à l'exception des époux Z... pour lesquels cette responsabilité doit être limitée à 50 % et de procéder à un supplément d'instruction aux fins mentionnées ci-dessus ;
Sur l'appel en garantie formé par l'Etat contre la commune DE PONT DU CHATEAU :
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la commune de PONT DU CHATEAU n'est pas responsable des dégâts affectant le toit de la mine du Cortal ; que, par suite, l'appel en garantie formé contre cette commune par l'Etat ne peut, en tout état de cause, qu'être rejeté ;
Sur la demande de la commune de PONT DU CHATEAU tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner les sociétés requérantes à payer une somme quelconque à la commune de PONT DU CHATEAU en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 mai 1991 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la société SMAC ACIEROID et de la SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCES DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS tendant à la condamnation de l'Etat.
Article 2 : L'Etat est déclaré entièrement responsable envers la société SMAC ACIEROID et la SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS des conséquences dommageables de l'effondrement du toit de la mine du Cortal concernant l'ensemble des propriétaires intéressés, à l'exception des époux Z... pour lesquels cette responsabilité doit être limitée à 50 % en raison de la faute commise par la société LOGISMAC.
Article 3 : Pour l'ensemble des propriétaires intéressés, il est ordonné un supplément d'instruction aux fins de production par la société SMAC ACIEROID et la SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS, dans le délai de quatre mois à compter de la notification du présent arret, d'un état détaillé des sommes respectivement réglées par chacune d'elle selon les condamnations judiciaires définitivement prononcées et pour chaque propriétaire intéressé, mentionnant les dates auxquelles les paiements sont intervenus et comportant copie des quittances subrogatoires correspondantes de la compagnie d'assurance.
Article 4 : L'appel en garantie formé par l'Etat contre la commune de PONT DU CHATEAU est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la société SMAC ACIEROID et de la SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCES DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 mai 1991 en tant qu'il a rejeté leur demande dirigée contre la commune de PONT DU CHATEAU, sont rejetées.
Article 6 : Les conclusions de la commune de PONT DU CHATEAU tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives sont rejetées.
Article 7 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt demeurent réservés jusqu'en fin d'instance.