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03/06/1999 | FRANCE | N°97LY02718

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 03 juin 1999, 97LY02718


Vu l'arrêt en date du 15 octobre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a décidé, avant de statuer sur la demande d'indemnité de M. A..., demeurant ..., de procéder à un supplément d'instruction en vue de déterminer la réalité et l'étendue des troubles de jouissance que lui cause le fonctionnement du télésiège du Santel et de surseoir à statuer sur les conclusions dirigées contre la SOCIETE DES TELEPHERIQUES DE VAL-D'ISERE (S.T.V.I.) sur le fondement de la faute ;
Vu le mémoire complémentaire enregistré le 14 septembre 1998, présenté pour M. A..., par M

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Vu l'arrêt en date du 15 octobre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a décidé, avant de statuer sur la demande d'indemnité de M. A..., demeurant ..., de procéder à un supplément d'instruction en vue de déterminer la réalité et l'étendue des troubles de jouissance que lui cause le fonctionnement du télésiège du Santel et de surseoir à statuer sur les conclusions dirigées contre la SOCIETE DES TELEPHERIQUES DE VAL-D'ISERE (S.T.V.I.) sur le fondement de la faute ;
Vu le mémoire complémentaire enregistré le 14 septembre 1998, présenté pour M. A..., par Me Z..., avocat au conseil d'Etat et à la cour de cassation demandant la capitalisation des intérêts ;
Vu le mémoire complémentaire enregistré le 1er octobre 1998, présenté comme ci-dessus pour M. A..., tendant aux mêmes fins que la requête susvisée par les mêmes moyens ; il soutient en outre que les allégations de la S.T.V.I. sont contredites par les travaux de l'expert désigné par le président du tribunal administratif produits en annexe ;
Vu le mémoire complémentaire enregistré le 14 décembre 1998, présenté pour la COMMUNE DE VAL-D'ISERE, par Me X... de la SCP Adamas, avocat au barreau de Lyon ; elle fait valoir que les faibles troubles de jouissance supportés par seulement certains propriétaires sont compensés par la plus-value résultant de la présence du télésiège pour la pratique du ski ;
Vu le mémoire complémentaire enregistré le 21 décembre 1998, présenté comme ci-dessus pour M. A..., tendant aux mêmes fins que la requête susvisée par les mêmes moyens ; il demande en outre la condamnation des défendeurs à lui verser la somme de 100. 000 francs pour son préjudice passé et la condamnation de la S.T.V.I. et de la COMMUNE DE VAL-D'ISERE à réaliser les travaux d'insonorisation ; il soutient en outre qu'il s'approprie les conclusions du pré-rapport d'expertise qu'il produit ;
Vu le mémoire complémentaire enregistré le 19 février 1999, présenté pour la SOCIETE DES TELEPHERIQUES DE VAL-D'ISERE (S.T.V.I.), par Me Florence Girard-Madoux, avocat au barreau de Chambéry ; elle demande à la cour de rejeter la requête et de condamner le requérant à lui verser la somme de 10. 000 francs en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; elle soutient que c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté sa responsabilité sur le terrain de la faute d'imprudence ; que les conclusions de l'expert ne permettent d'établir ni un trouble de jouissance pour chacun des requérants, ni une dépréciation de leur propriété ;
Vu le mémoire complémentaire enregistré le 6 avril 1999 présenté comme ci-dessus pour la COMMUNE DE VAL-D'ISERE tendant aux même fins que le mémoire en défense susvisé ; la commune fait valoir en outre que le trouble de jouissance qui serait causé par le télésiège du Santel et dont se plaint le requérant n'est pas établi car le bruit a pour cause le vieillissement de l'immeuble, parce qu'il est compensé par la plus value apportée à l'immeuble par la présence de la remontée mécanique et parce que la dépréciation évaluée par l'expert a un caractère théorique et que le seul dépassement des
seuils réglementaires de nuisances sonores ne suffit pas à caractériser un préjudice certain et direct ; qu'en l'absence d'un préjudice financier et actuel, la demande d'indemnité doit être rejetée ; que le préjudice est extrêmement limité et n'intervient qu'à la marge dans la jouissance normale des bâtiments ; que la solution de travaux retenue par l'expert et évaluée à un montant de 1. 200. 000 francs est sans commune mesure avec l'évaluation du préjudice ;
Vu, enregistré le 7 avril 1999, le mémoire complémentaire présenté comme ci-dessus pour M. A..., tendant aux mêmes fins que la requête susvisée par les mêmes moyens ; il fait valoir en outre que les opérations d'expertise établissent un préjudice anormal et spécial pour 11 des requérants, M. Y... étant doublement concerné en sa qualité de propriétaire de deux appartements ; que les conclusions de l'expert relatives à l'absence de trouble de jouissance pour les autres requérants sont contestables ; qu'il existe une véritable sujétion anormale, y compris pour les appartements situés les plus à l'ouest ; que c'est à tort que l'expert indique qu'il n'y a pas de préjudice fenêtres fermées ; que le niveau d'exigence de nouvelles normes de construction n'est pas opposable au propriétaire d'un appartement construit avant le déplacement du télésiège source de nuisances sonores ; que la date des réclamations ne constitue pas un élément d'appréciation du préjudice ; que les conclusions de l'expert sont en contradiction avec les données météorologiques qu'il produit ; que la durée d'utilisation des appartements fenêtres ouvertes a été minimisée ; que le nombre d'heures de nuisance a également été minimisé ; que les taux de dépréciation varient entre 6,32 % et 4,82 % ; que l'environnement initial de la construction était constitué de bruits naturels et bien acceptés ; que par conséquent, l'aménagement du torrent de Callabourdanne n'est pas un avantage et est d'ailleurs indépendant du déplacement du télésiège ; que l'existence d'une éventuelle plus value est sans incidence sur le trouble de jouissance ; que l'expert confond trouble de jouissance et préjudice patrimonial ;
Vu, enregistré le 16 avril 1999, le mémoire complémentaire présenté comme ci-dessus pour la SOCIETE DES TELEPHERIQUES DE VAL-D'ISERE tendant aux mêmes fins que les mémoires susvisés par les mêmes moyens ; elle fait valoir en outre que le préjudice subi lorsque les fenêtres sont fermées, n'est pas excessif et ne constitue donc pas un facteur aggravant par rapport aux troubles constatés à l'extérieur sur les balcons et à l'intérieur lorsque les fenêtres sont ouvertes ; que l'expertise montre les bruits du télésiège n'excédent pas les inconvénients normaux du voisinage ; que les dépréciations théoriques avancées sont contredites par la réalité économique ; qu'il n'existe aucun trouble, ni aucun préjudice direct consécutif à l'installation du télésiège ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 28 pluviôse An VIII ;
Vu le code des communes ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Vu les articles 1089 B et 1090 A du code général des impôts et l'article 10 de la loi n 77-1468 du 30 décembre 1977, complétés par l'article 44 de la loi n 93-1352 du 30 décembre 1993 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 avril 1999 :
- le rapport de M. BOURRACHOT, premier conseiller ;
- les observations de Me MESCHERIAKOFF, avocat de la COMMUNE DE VAL-D'ISERE et de Me CHAPAZ substituant Me GIRARD-MADOUX, avocat de la SOCIETE DES TELEPHERIQUES DE VAL-D'ISERE ;
- et les conclusions de M. BEZARD, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité pour faute de la SOCIETE DES TELEPHERIQUES DE VAL-D'ISERE :
Considérant que la décision d'implanter le moteur du télésiège du Santel au point bas de la remontée mécanique résulte d'un choix de la SOCIETE DES TELEPHERIQUES DE VAL-D'ISERE, motivé par l'absence d'alimentation électrique au point haut de la même remontée et le souci de faire l'économie de travaux d'électrification en altitude, et ne peut, dès lors, être qualifiée d'imprudence fautive ; qu'il suit de là que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'article 3 du jugement attaqué, le tribunal administratif de GRENOBLE a rejeté sa demande d'indemnité dirigée contre la SOCIETE DES TELEPHERIQUES DE VAL-D'ISERE et présentée sur ce fondement ;
Sur le préjudice :
Considérant que par l'arrêt susvisé, la Cour a jugé que le maire de Val-d'Isère a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la COMMUNE DE VAL-D'ISERE à compter du 1er juin 1993 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment des mesures acoustiques faites à la diligence des porteurs de parts de la société civile immobilière, que les nuisances sonores dont se plaint le requérant varient selon l'exposition, la hauteur des appartements et leur proximité avec le torrent de Calabourdanne dont le bruit est susceptible de couvrir en partie celui de la remontée mécanique durant la journée ; qu'eu égard au caractère saisonnier du trouble et à la situation de l'appartement de M. A..., il sera fait une juste appréciation du trouble de jouissance de caractère permanent né pour lui de l'abstention fautive du maire de VAL-D'ISERE en l'évaluant à 6. 000 francs par an, soit à une somme de 36. 000 francs entre le 1er juin 1993 et la date du présent arrêt ; qu'en revanche, la perte de valeur vénale de son appartement ne peut être regardée comme constituant un élément de ce trouble de jouissance ; que, pour les mêmes raisons, la COMMUNE DE VAL-D'ISERE n'est pas fondée à soutenir que le préjudice né du trouble de jouissance susanalysé devrait être compensé avec la prétendue plus-value résultant des travaux réalisés par son concessionnaire ; qu'enfin et en tout état de cause, la COMMUNE DE VAL-D'ISERE ne peut, ni en sa qualité de concédant, ni à raison de l'exercice de pouvoirs de police, être condamnée à réaliser des travaux de nature à faire cesser le préjudice ;
Sur les intérêts :
Considérant que M. A... a droit aux intérêts au taux légal sur la somme de 36. 000 francs ; que pour chacune des périodes annuelles comprises entre le 1er juin de chaque année et le 31 mai l'année suivante, les intérêts afférents à l'indemnité de 6. 000 francs correspondant à la période doivent courir à compter du 31 mai de la période à laquelle cette indemnité se rapporte ;
Sur la capitalisation des intérêts :

Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 14 septembre 1998 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts sur les montants des fractions d'indemnité échus les 31 mai 1994, 1995, 1996 et 1997 ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande dans cette mesure ; qu'en revanche, à la date du 14 septembre 1998, les conditions de l'article 1154 du code civil n'étaient pas remplies en ce qui concerne les intérêts sur le montant de la fraction d'indemnité échue le 31 mai 1998 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel et de condamner M. A... à payer à la SOCIETE DES TELEPHERIQUES DE VAL-D'ISERE (S.T.V.I.) la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que M. A... qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la COMMUNE DE VAL-D'ISERE la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La COMMUNE DE VAL-D'ISERE est condamnée à payer à M. A... la somme de trente six mille francs (36. 000 F.). Les indemnités de six mille francs (6. 000 F.) dues pour chacune des périodes comprises entre le 1er juin de chaque année et le 31 mai de l'année suivante porteront intérêts au taux légal à compter du 31 mai de la période à laquelle cette indemnité se rapporte. Les intérêts dus à l'échéance de chaque fraction annuelle d'indemnité, c'est à dire aux 31 mai 1994, 1995, 1996 et 1997 seront capitalisés au 14 septembre 1998 pour produire eux mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de GRENOBLE du 16 septembre 1997 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête, les conclusions de la SOCIETE DES TELEPHERIQUES DE VAL-D'ISERE et de la COMMUNE DE VAL-D'ISERE sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 97LY02718
Date de la décision : 03/06/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-04-03-025 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - TROUBLES DE JOUISSANCE


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1999-06-03;97ly02718 ?
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