La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/05/1999 | FRANCE | N°95LY00795

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 20 mai 1999, 95LY00795


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 9 mai 1995, présentée pour la société anonyme COMALAIT INDUSTRIES, dont le siège est ..., représentée par son président directeur général en exercice, par Me Chapus, avocat au barreau de Clermont-Ferrand ;
La S.A. COMALAIT-INDUSTRIES demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9221283 en date du 24 janvier 1995 par lequel le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que le tribunal annule le contrat de concession intervenu entre la Ville de VICHY et la Compagnie Bourbon

naise de Services et d'Environnement (C.B.S.E.) et la décision implic...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 9 mai 1995, présentée pour la société anonyme COMALAIT INDUSTRIES, dont le siège est ..., représentée par son président directeur général en exercice, par Me Chapus, avocat au barreau de Clermont-Ferrand ;
La S.A. COMALAIT-INDUSTRIES demande à la Cour :
1 ) d'annuler le jugement n 9221283 en date du 24 janvier 1995 par lequel le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que le tribunal annule le contrat de concession intervenu entre la Ville de VICHY et la Compagnie Bourbonnaise de Services et d'Environnement (C.B.S.E.) et la décision implicite rejetant sa demande de tarifs minorés et dégressifs ;
2 ) d'annuler ledit contrat et ladite décision ;
3 ) de condamner la commune de VICHY à lui verser la somme de 15.000 francs ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu les articles 1089 B et 1090 A du code général des impôts et l'article 10 de la loi n 77-1468 du 30 décembre 1977, complétés par l'article 44 de la loi n 93-1352 du 30 décembre 1993 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mai 1999 :
- le rapport de M. BOURRACHOT, premier conseiller ;
- les observations de Me CHAPUS, avocat de la SOCIETE COMALAIT INDUSTRIE et de Me GILLI, avocat de la VILLE DE VICHY et de la société COMPAGNIE BOURBONNAISE DE SERVICES ET D'ENVIRONNEMENT ;
- et les conclusions de M. BEZARD, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 316-1 du code des communes désormais reprises à l'article L. 2132-1 du code général des collectivités territoriales : "Sous réserve des dispositions du 16 ) de l'article L. 122-20, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune" et qu'aux termes des dispositions de l'article L. 122-20 du code des communes désormais reprises à l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : "Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou en partie et pour la durée de son mandat : ... 16 ) d'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal" ; qu'il résulte de ces dispositions que le conseil municipal peut légalement donner au maire une délégation générale pour défendre en justice au nom de la commune pendant la durée de son mandat ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal de VICHY a, délibération du 18 juin 1990, autorisé le maire à défendre devant les tribunaux de l'ordre administratif ou judiciaire, la commune dans toutes les actions intentées contre elle ; qu'un tel mandat donnait au maire de VICHY qualité pour défendre la commune devant le tribunal administratif ; que, dès lors, la S.A. COMALAIT-INDUSTRIES n'est pas fondée à soutenir que les premiers juges auraient dû relever d'office le défaut de qualité pour agir du maire de VICHY et que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité ;
Sur les conclusions à fin d'annulation du contrat de concession :
Considérant que le contrat de concession d'un service public ne constitue pas un acte susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que, par suite, les conclusions dirigées contre ce traité de concession ne sont pas recevables ; que la requérante ne peut être regardée ni comme demandant l'annulation de la délibération du conseil municipal de VICHY autorisant le maire à signer ce contrat et de la décision du maire de le signer, ni comme demandant l'annulation de celles des clauses du traité qui en raison de leur caractère réglementaire sont divisibles des autres stipulations du contrat ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté les conclusions susanalysées ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation du refus de la commune de VICHY d'établir un nouveau tarif de distribution de l'eau potable :

Considérant que la lettre en date du 16 décembre 1991 adressée au maire de VICHY par la société anonyme COMALAIT-INDUSTRIES en sa qualité d'usager du service de la distribution de l'eau potable tendait non plus à l'application par le concessionnaire de ce service des clauses tarifaires alors en vigueur mais à l'établissement par le conseil municipal d'un nouveau tarif de distribution de l'eau potable, l'article 27 du cahier des charges annexé au contrat d'affermage prévoyant seulement une modération de tarif pour certains usagers à la discrétion de la Compagnie Bourbonnaise de Services et d'Environnement (C.B.S.E.) à laquelle la commune de VICHY a concédé l'exploitation du service public communal de distribution de l'eau potable ; que la décision née du refus implicite du maire, qui a trait à l'organisation du service, est détachable des rapports de droit privé existant entre le gestionnaire du service public à caractère industriel et commercial et ses usagers ; que, contrairement à ce que soutient la commune, la société anonyme COMALAIT-INDUSTRIES, dont la demande et la requête d'appel contiennent de telles conclusions, est recevable à attaquer ce refus devant le juge de l'excès de pouvoir ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 121-26 du code des communes alors applicable : "Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'il n'appartient qu'au conseil municipal d'établir le tarif d'un service public communal ; que lorsqu'un service public communal a fait l'objet d'une délégation de service public, la détermination du prix du service ou du montant de la redevance ne peut être laissée à la discrétion du concessionnaire ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes des stipulations de l'article 27 du cahier des charges annexé au traité de concession signé le 28 février 1990 et approuvé par délibérations du conseil municipal des 15 décembre 1989 et 26 février 1990, relatives au tarif de la distribution d'eau potable : "les prix auxquels le concessionnaire est autorisé à vendre l'eau aux particuliers ne peuvent dépasser les maximums de base suivants, auxquels s'ajoutera la majoration à verser à la collectivité au titre de la surtaxe communale, comme il est dit à l'article précédent ... Si le concessionnaire abaisse, pour certains abonnés, les prix de vente de l'eau, avec ou sans conditions, au-dessous des limites fixées par le tarif maximum prévu ci-dessus, il sera tenu de faire bénéficier des mêmes réductions tous les abonnés placés dans des conditions de débit, d'horaire d'utilisation, de consommation et de durée d'abonnement au moins aussi favorables pour le concessionnaire. A cet effet, il devra établir et tenir constamment à jour un relevé de tous les abaissements consentis avec mention des conditions auxquelles ils sont subordonnés. Un exemplaire de ce relevé sera déposé dans chaque bureau où peuvent être contractés des abonnements et tenu constamment à la disposition du public et du maire ou de ses préposés" ;

Considérant qu'en se bornant, par les stipulations susrappelées de l'article 27 du cahier des charges annexé au traité de concession, à fixer des prix de base de livraison d'eau potable constituant un plafond en deçà duquel le concessionnaire peut librement fixer des tarifs applicables à certains usagers sous réserve du respect du principe d'égalité, le conseil municipal de la commune de VICHY a méconnu l'étendue de sa compétence et a entaché ces stipulations de nature réglementaire d'illégalité ; qu'en se fondant sur ces stipulations, comme elle le fait dans ses écritures d'appel, pour justifier la décision implicite rejetant la demande de la S.A. COMALAIT-INDUSTRIES tendant à l'établissement par le conseil municipal d'un nouveau tarif de distribution de l'eau potable, la commune de VICHY a entaché sa décision d'incompétence et d'illégalité ; que, dès lors, la S.A. COMALAIT INDUSTRIES est fondée, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête, à soutenir que c'est à tort que la commune de VICHY a refusé d'établir un nouveau tarif de distribution de l'eau potable applicable à la catégorie d'usagers dont elle relève et à demander l'annulation du jugement attaqué sur ce point ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation de l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel de condamner la commune de VICHY à payer à la S.A. COMALAIT - INDUSTRIES une somme de 5. 000 francs au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel font obstacle à ce que la S.A. COMALAIT INDUSTRIES qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la commune de VICHY la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de CLERMONT-FERRAND du 24 janvier 1995 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à l'annulation du refus de la commune de VICHY d'établir un tarif de distribution de l'eau potable applicable à la catégorie d'usagers dont relève la S.A. COMALAIT-INDUSTRIES.
Article 2 : Le refus de la commune de VICHY d'établir un tarif de distribution de l'eau potable applicable à la catégorie d'usagers dont relève la S.A. COMALAIT-INDUSTRIES est annulé.
Article 3 : La commune de VICHY est condamnée à payer à la S.A. COMALAIT - INDUSTRIES la somme de cinq mille francs (5. 000 F.) en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel cour administrative d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions de la commune de VICHY sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 95LY00795
Date de la décision : 20/05/1999
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

COLLECTIVITES TERRITORIALES - COMMUNE - ORGANISATION DE LA COMMUNE - ORGANES DE LA COMMUNE - CONSEIL MUNICIPAL - ATTRIBUTIONS - DECISIONS RELEVANT DE LA COMPETENCE DU CONSEIL MUNICIPAL - Détermination des tarifs des services municipaux - qu'ils soient délégués ou non.

135-02-01-02-01-02-02, 135-02-03-03 Aux termes de l'article L. 121-26 du code des communes alors applicable : "Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune". Il résulte de ces dispositions qu'il n'appartient qu'au conseil municipal d'établir le tarif d'un service public communal. Lorsqu'un service public communal a fait l'objet d'une délégation de service public, la détermination du prix du service ou du montant de la redevance ne peut être laissé à la discrétion du délégataire. En se bornant, dans le cahier des charges annexé au traité de concession, à fixer des prix de base de livraison d'eau potable constituant un plafond en déçà duquel le concessionnaire peut librement fixer des tarifs applicables à certains usagers sous réserve du respect du principe d'égalité, le conseil municipal méconnaît l'étendue de sa compétence.

COLLECTIVITES TERRITORIALES - COMMUNE - ATTRIBUTIONS - SERVICES COMMUNAUX - Détermination des tarifs des services - qu'ils soient délégués ou non - Compétence du conseil municipal.

17-03-02-07-02 Lettre d'un usager du service de la distribution de l'eau potable adressée au maire tendant non pas à l'application par le concessionnaire de ce service des clauses tarifaires alors en vigueur mais à l'établissement par le conseil municipal d'un nouveau tarif. La décision de refus implicite du maire, qui a trait à l'organisation du service, est détachable des rapports de droit privé existant entre le gestionnaire du service public à caractère industriel et commercial et ses usagers. Compétence du juge administratif.

- RJ1 COMPETENCE - REPARTITION DES COMPETENCES ENTRE LES DEUX ORDRES DE JURIDICTION - COMPETENCE DETERMINEE PAR UN CRITERE JURISPRUDENTIEL - PROBLEMES PARTICULIERS POSES PAR CERTAINES CATEGORIES DE SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC INDUSTRIEL ET COMMERCIAL - Recours d'un usager contre le concédant à raison d'un acte qui a trait à l'organisation du service - Compétence de la juridiction administrative (1).

54-07-01-04-01-02(1) L'exception d'illégalité de l'acte réglementaire sur le fondement duquel l'acte individuel a été pris constitue un moyen d'ordre public lorsque la cause de l'illégalité de l'acte réglementaire constitue elle-même un moyen d'ordre public (2). Les clauses tarifaires d'un contrat de concession de distribution de l'eau potable ont un caractère réglementaire (3). L'exception d'illégalité de telles clauses se soulève d'office dès lors qu'elles sont entachées d'incompétence négative.

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - MOYENS - MOYENS D'ORDRE PUBLIC A SOULEVER D'OFFICE - EXISTENCE (1) - RJ2 - RJ3 Exception d'illégalité de l'acte réglementaire constituant le fondement de l'acte attaqué si cette illégalité tient à un moyen d'ordre public - (2) - RJ4 Incompétence négative entachant l'acte réglementaire constituant le fondement de l'acte attaqué (4).

54-07-01-04-01-02(2) En se bornant, dans le traité de concession du service de distribution de l'eau, à fixer des prix de base de livraison d'eau potable constituant un plafond en deçà duquel le concessionnaire pouvait librement fixer des tarifs applicables à certains usagers sous réserve du respect du principe d'égalité, un conseil municipal à qui il appartenait d'instituer lui-même ces tarifs, a méconnu l'étendue de sa compétence, entachant d'illégalité ces stipulations de nature réglementaire. Saisi de la décision par laquelle la commune a implicitement rejeté une demande tendant à ce qu'elle fixe ces tarifs, le juge soulève d'office, par voie d'exception, l'incompétence entachant ces stipulations tarifaires invoquées en défense par la commune.


Références :

Code des communes L316-1, L122-20, L121-26
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Code général des collectivités territoriales L2132-1, L2122-22

1.

Rappr. CE, 1998-01-14, Commune de Toulon et Compagnie des eaux et de l'Ozone, p. 8. 2.

Cf. CE, 1971-07-02, Beigne, T. p. 1160. 3.

Rappr. CE, Assemblée, 1996-07-10, Cayzeele, p. 274. 4.

Cf. CE, 1987-11-02, Société "enseignement privé de comptabilité officielle et pratique", n° 61342.


Composition du Tribunal
Président : M. Jouguelet
Rapporteur ?: M. Bourrachot
Rapporteur public ?: M. Bézard

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1999-05-20;95ly00795 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award