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01/04/1999 | FRANCE | N°95LY00852

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 01 avril 1999, 95LY00852


Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour respectivement les 16 mai et 13 décembre 1995, présentés pour la COMMUNE DE BEAURECUEIL (Bouches-duRhône), par la SCP d'avocats Coulaud-Peycelon-Bremens ;
La COMMUNE DE BEAURECUEIL demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 29 mars 1995 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée, sur le fondement de la responsabilité sans faute, à payer une somme de 70 000 francs à chacun des cinq consorts B... en réparation de leur préjudice résultant du décès de M. Robert

B..., survenu alors qu'il luttait contre un incendie ;
2°) de rejeter ...

Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour respectivement les 16 mai et 13 décembre 1995, présentés pour la COMMUNE DE BEAURECUEIL (Bouches-duRhône), par la SCP d'avocats Coulaud-Peycelon-Bremens ;
La COMMUNE DE BEAURECUEIL demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 29 mars 1995 par lequel le tribunal administratif de Marseille l'a condamnée, sur le fondement de la responsabilité sans faute, à payer une somme de 70 000 francs à chacun des cinq consorts B... en réparation de leur préjudice résultant du décès de M. Robert B..., survenu alors qu'il luttait contre un incendie ;
2°) de rejeter la demande présentée devant le tribunal administratif de Marseille par les consorts B..., et subsidiairement de réduire le montant des indemnités allouées par le tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 modifiée, relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements et l'Etat ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ; Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 1999 :
- le rapport de M. GAILLETON, premier conseiller ;
- les observations de Me C... substitué par Me CADJI, avocat de la COMMUNE DE BEAURECUEIL et de Me CHETRITE, avocat de Mme B..., Mme X..., Mme Y..., Mme A... et Mme Z... ;
- et les conclusions de M. BEZARD, commissaire du gouvernement ;

Sur la responsabilité de la COMMUNE DE BEAURECUEIL :
Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le malaise cardiaque à l'origine du décès de M. Robert B..., survenu le 24 août 1986 vers 18 heures 30, a pour seule cause sa participation active à la lutte contre l'incendie de forêt qui s'était déclaré à proximité de la maison qu'il occupait sur le territoire de la COMMUNE DE BEAURECUEIL (Bouches-du-Rhône) ; qu'alors même que l'intéressé tentait surtout d'assurer la protection de ses biens et des membres de sa famille, et qu'il n'avait pas été requis par l'autorité publique ni ne faisait partie du comité constitué en vue de la lutte contre les feux de forêts, son action, justifiée par la rapidité de la progression du feu attisé ce jour-là par un vent violent, lui a conféré la qualité de collaborateur occasionnel et bénévole du service public de lutte contre l'incendie, de nature à engager la responsabilité sans faute de la personne morale qui en a la charge ;
Considérant que, d'une part, un tel service entre dans la compétence des communes en vertu de l'article L. 131-2 du code des communes, dont les dispositions sont maintenant transférées à l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, et que la création par le préfet d'un service départemental de lutte contre l'incendie n'a pas eu pour effet de modifier cette attribution de compétence ; que, d'autre part, en vertu de l'article 91 de la loi du 7 janvier 1983 susvisée, dont les dispositions sont maintenant transférées à l'article L. 2216-2 du même code, les communes sont civilement responsables des dommages qui résultent de l'exercice de cette attribution de police municipale, leur responsabilité ne pouvant être atténuée ou exonérée qu'en cas de faute d'une autre personne morale, laquelle n'est pas établie en l'espèce, ni même d'ailleurs alléguée ; que, par suite, la charge des dommages qu'ont pu subir les ayants droit de M. B... du fait de son décès incombe à la COMMUNE DE BEAURECUEIL, alors même qu'elle aurait confié au service départemental de lutte contre l'incendie le soin d'intervenir en cas de sinistre ;
Considérant, en second lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait, au regard de son âge ou de son état de santé et malgré la gravité de l'incendie, commis une imprudence en décidant de tenter de circonscrire lui-même le sinistre, ni qu'il aurait commis des fautes au cours de son action de lutte contre le feu ; que, par suite, le comportement de la victime n'est pas susceptible d'exonérer en tout ou partie la responsabilité de la COMMUNE DE BEAURECUEIL ;
Sur les préjudices :

Considérant que la veuve de M. B..., qui, à la date du décès de son époux qui était retraité, n'avait plus d'enfants à charge et qui perçoit, maintenant 52 % de la pension de son époux décédé, n'établit pas qu'elle disposait antérieurement d'un pourcentage plus important des revenus apportés au ménage par son mari ; que l'expertise qu'elle demande aux fins d'évaluer la perte de revenus qu'elle prétend avoir subi du fait du décès de celui-ci ne pourrait, par suite, qu'être frustratoire ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de porter de 70 000 francs à 150 000 francs la somme allouée par le tribunal administratif à l'intéressée, afin de tenir compte à la fois de son préjudice moral et des troubles de toute nature dans ses conditions d'existence dont le décès de M. B... est à l'origine ;
Considérant que le tribunal a fait par ailleurs une juste appréciation des circonstances de l'affaire en fixant à 70 000 francs le préjudice moral subi par chacune des quatre filles de M. B... du fait du décès de leur père ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE BEAURECUEIL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a partiellement fait droit à la demande des consorts B... ; que ces derniers sont, quant à eux, seulement fondés à demander, par la voie de l'appel incident, que l'indemnité allouée à Mme veuve B... soit portée à 150 000 francs et la réformation du jugement en ce sens ;
Sur les intérêts :
Considérant que les consorts B... ont droit aux intérêts au taux légal à compter du 7 juin 1993, date de leur première somation de payer, et non à compter de celle du décès de M. Robert B... ; qu'à la date du 11 mars 1999 au moins une année d'intérêts ayant connu, les intérêts échus à cette date seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la COMMUNE DE BEAURECUEIL à verser aux consorts B... une somme de 1 000 francs chacun en application de ces dispositions ;
Article 1er : L'indemnité de 70 000 francs que la COMMUNE DE BEAURECUEIL a été condamnée à payer à Mme veuve B... est portée à la somme de 150 000 francs. Cette somme portera intérêts légaux à compter du 7 juin 1993. Les intérêts échus au 11 mars 1999 seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 29 mars 1995 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La requête de la COMMUNE DE BEAURECUEIL ainsi que le surplus de l'appel incident des consorts B... sont rejetés.
Article 4 : La COMMUNE DE BEAURECUEIL est condamnée à payer à chacun des consorts B... une somme de 1 000 francs au titre des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 95LY00852
Date de la décision : 01/04/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-01-02-01-02-02-01 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE SANS FAUTE - RESPONSABILITE FONDEE SUR LE RISQUE CREE PAR CERTAINES ACTIVITES DE PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE FONDEE SUR L'OBLIGATION DE GARANTIR LES COLLABORATEURS DES SERVICES PUBLICS CONTRE LES RISQUES QUE LEUR FAIT COURIR LEUR PARTICIPATION A L'EXECUTION DU SERVICE - COLLABORATEURS BENEVOLES


Références :

Code des communes L131-2
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Code général des collectivités territoriales L2212-2, L2216-2
Loi 83-8 du 07 janvier 1983 art. 91


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. GAILLETON
Rapporteur public ?: M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1999-04-01;95ly00852 ?
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