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23/06/1998 | FRANCE | N°97LY00469

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 23 juin 1998, 97LY00469


Vu, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon le 27 février 1997, le recours présenté par le ministre de l'environnement ;
Le ministre demande à la cour :
1 ) à titre principal d'annuler le jugement en date du 27 décembre 1996 par lequel le tribunal administratif de GRENOBLE a, à la demande de M. Z..., annulé l'arrêté du préfet de l'Isère du 15 mars 1996 lui prescrivant de procéder aux travaux de remise en état du site sur lequel il avait exploité une installation classée sur la commune de CHAPAREILLAN, ensemble l'arrêté du préfet de l'Isère du

23 juillet 1996 le mettant en demeure d'effectuer lesdits travaux ;
2 ) ...

Vu, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Lyon le 27 février 1997, le recours présenté par le ministre de l'environnement ;
Le ministre demande à la cour :
1 ) à titre principal d'annuler le jugement en date du 27 décembre 1996 par lequel le tribunal administratif de GRENOBLE a, à la demande de M. Z..., annulé l'arrêté du préfet de l'Isère du 15 mars 1996 lui prescrivant de procéder aux travaux de remise en état du site sur lequel il avait exploité une installation classée sur la commune de CHAPAREILLAN, ensemble l'arrêté du préfet de l'Isère du 23 juillet 1996 le mettant en demeure d'effectuer lesdits travaux ;
2 ) de rejeter la demande de M. Z... devant le tribunal administratif ;
3 ) à titre subsidiaire d'annuler le jugement du tribunal administratif de GRENOBLE du 27 décembre 1996 en tant qu'il a prononcé une annulation totale des arrêtés du préfet de l'Isère des 15 mars et 23 juillet 1996 et de modifier l'article 3-1 de l'arrêté du 15 mars 1996 en supprimant les polychlorobiphényles (P.C.B.) de la liste des polluants énumérés par cet article ainsi que le cas échéant l'arrêté préfectoral du 23 juillet 1996 ;
4 ) à titre subsidiaire de rejeter le surplus des conclusions des demandes de M. Z... devant le tribunal administratif ;
M. Z... demande à la cour :
1 ) de rejeter le recours du ministre de l'environnement ;
2 ) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 10 000 francs sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratifs d'appel ; Les consorts Y... demandent à la cour :
1 ) de faire droit au recours du ministre de l'environnement ;
2 ) d'annuler le jugement du tribunal administratif de GRENOBLE du 27 décembre 1996 en tant qu'il a prononcé une annulation totale de l'arrêté du préfet de l'Isère du 15 mars 1996 ;
3 ) de modifier ledit arrêté en annulant son article 10 ;
4 ) de condamner l'Etat à leur payer une somme de 10 000 francs sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi 76-663 du 19 juillet 1976 ;
Vu le décret n 77-1133 du 21 septembre 1977 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 juin 1998 :
- le rapport de M. FONTBONNE, premier conseiller,
- les observations de Me Gilles MOURONVALLE, avocat de M. X... MARRA ;

- et les conclusions de M. VESLIN, commissaire du gouvernement ;

Sur l'intervention des consorts Y... :
Considérant que les consorts Y... propriétaires du terrain d'assiette de l'installation classée en cause ont intérêt à l'annulation du jugement attaqué et au maintien des arrêtés litigieux prescrivant la remise en état du site, à l'exception de l'article 10 de l'arrêté du 15 mars 1996 dont ils ont demandé l'annulation devant le tribunal administratif ; que cet article 10 étant divisible des autres dispositions de l'arrêté préfectoral en cause, leur intervention à l'appui du recours du ministre de l'environnement est recevable ;
Sur le recours du ministre de l'environnement :
Considérant qu'après que M. Z... ait déclaré cesser définitivement son activité, le préfet de l'Isère lui a, par arrêté du 15 mars 1996, prescrit de réaliser divers travaux et analyses aux fins de remise en état du site sur lequel il avait exploité une installation classée ; que par arrêté du 23 juillet 1996 le préfet l'a mis en demeure d'exécuter certaines prescriptions dans le délai d'un mois ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi n 76-663 du 19 juillet 1976 : "Sont soumis aux dispositions de la présente loi les usines, ateliers, dépôts, chantiers, et d'une manière générale les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature et de l'environnement, soit pour la conservation des sites et des monuments ..." ; qu'aux termes par ailleurs de l'article 34-1 du décret n 77-1133 du 21 septembre 1977 : "I - Lorsqu'une installation classée est mise à l'arrêt définitif, son exploitant remet son site dans un état tel qu'il ne s'y manifeste aucun des dangers ou inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 susvisée. Le préfet peut à tout moment imposer à l'exploitant les prescriptions relatives à la remise en état du site, par arrêté pris dans les formes prévues à l'article 18 ci-dessus ..."
Considérant que du 1er décembre 1971 au 31 mai 1994, date à laquelle il a cessé son activité M. Z... a exploité au lieu-dit SAINT-MARTIN-LA-PLAINE sur la commune de CHAPAREILLAN (Isère), un atelier de fonderie et récupération de métaux ; que les opérations effectuées consistaient au moyen d'un puis de deux fours, à incinérer des matériels usagés pour récupérer par fusion notamment du plomb, du cuivre et de l'aluminium, qu'à partir de 1988 M. Z... a été autorisé à recevoir des matériaux usagés combustibles à base de caoutchouc, élastomères et polymères ;
Considérant que M. Z... avait succédé sur le site à M. BOURRIN qui exploitait depuis avril 1971 le même atelier de fonderie comportant alors un seul four ; que le terrain et les bâtiments à l'usage d'origine de scierie ayant fonctionné jusqu'en 1968 ont été occupés de 1968 à 1970 par les établissements GIRARD ; que M. Z... ne conteste pas que les établissements GIRARD n'ont, ainsi que l'atteste le maire de CHAPAREILLAN, utilisé le site que pour l'entreposage de divers matériels électriques usagés sans effectuer sur place aucune opération industrielle ;

Considérant que les analyses effectuées après que M. Z... ait cessé son activité en exécution d'un arrêté préfectoral du 18 novembre 1994, ont révélé à l'intérieur de l'atelier et dans le sol des concentrations importantes en matières métalliques et hydrocarbures totaux ; que les mêmes analyses ont révélé la présence en un point du sol d'une forte teneur en polychlorobiphényles (P.C.B.) ; qu'une autre analyse effectuée à la diligence des consorts Y... a mis également en évidence une concentration anormale en P.C.B. dans les suies déposées sur la toiture du bâtiment ; que M. Z... soutient que la présence de P.C.B. doit être rattachée à l'activité des établissements GIRARD auxquels il n'a pas succédé ;
Considérant que même en admettant, comme le soutient M. Z..., que des transformateurs ayant contenu du pyralène aient été au nombre des matériels entreposés par les établissements GIRARD, il n'établit ni même n'allègue que ces seules opérations d'entreposage aient donné lieu à des incidents ; qu'il n'allègue pas davantage que les établissements GIRARD auraient procédé à des brûlages pouvant être à l'origine de la présence de P.C.B. dans les suies déposées sur la toiture ; que dans ces conditions la présence de P.C.B. doit être rattachée à l'activité de M. Z... qui pendant plus de 22 ans a procédé sur le site à des opérations industrielles d'incinération de divers matériels électriques usagés ;
Considérant que les consorts Y... sont par suite fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé les arrêtés du préfet de l'Isère des 15 mars et 23 juillet 1996 au motif que ne pouvaient être mis à la charge de M. Z... des travaux de remise en état comportant l'obligation de réaliser un traitement adapté à la présence de P.C.B. ; qu'il y a lieu, toutefois, par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner les autres moyens invoqués par M. Z... devant le tribunal administratif et devant la cour ;
Considérant que l'arrêté du 15 mars 1996 pris sur le fondement de l'article 34-1 du décret du 21 septembre 1977 renvoyant à l'article 18 de la loi du 19 juillet 1976 ne constitue pas la mise en oeuvre d'une sanction administrative au sens de l'article 23 de la même loi ; que son intervention n'avait dès lors pas à être précédée de l'envoi d'une mise en demeure préalable ;
Considérant que les deux arrêtés litigieux qui énoncent les considérations de droit et de fait sur lesquels ils sont fondés, satisfont aux exigences de la loi du 11 juillet 1979 sur la motivation des actes administratifs ;

Considérant que si M. Z... a préalablement à l'intervention de l'arrêté du 15 mars 1996 fait procéder à de premiers travaux de remise en état, il ne conteste pas que les analyses effectuées postérieurement font apparaître des concentrations de substances polluantes constituant un danger au regard des intérêts visés à l'article 1 de la loi du 19 juillet 1976 ; qu'il n'établit pas que les prescriptions fixées par l'administration, notamment en ce qui concerne les teneurs minimales en substances polluantes auxquelles doivent répondre les sols après traitement, seraient techniquement non réalisables et dépasseraient ce qui est nécessaire pour remédier aux dangers et inconvénients mentionnés à l'article 1er de la loi du 19 juillet 1976 ; qu'il ne peut utilement faire état du coût des opérations à effectuer ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'environnement est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de GRENOBLE a prononcé l'annulation des arrêtés du préfet de l'Isère des 15 mars et 23 juillet 1996 ; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué, de rejeter la demande de M. Z... devant le tribunal administratif ; que l'arrêté du préfet de l'Isère du 15 mars 1996 étant ainsi rétabli dans l'ordre juridique, il y a lieu de statuer sur la demande des consorts Y... devant le tribunal administratif dirigée contre l'article 10 de cet arrêté ;
Considérant que les consorts Y..., propriétaires du terrain de l'exploitation en cause, demandent l'annulation de l'arrêté du 15 mars 1996 prescrivant à M. Z... d'effectuer les travaux de dépollution et remise en état, en tant qu'il comporte un article 10 prévoyant que le site devra faire l'objet d'un usage ultérieur compatible avec la nature des terrains après lesdits travaux et que les propriétaires successifs devront être informés de cette situation ; qu'ils soutiennent que cette disposition crée ainsi irrégulièrement une servitude sur leur terrain ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8-1 de la loi du 19 juillet 1976 résultant de la loi du 13 juillet 1992 : "Lorsqu'une installation soumise à autorisation a été exploitée sur un terrain, le vendeur de ce terrain est tenu d'en informer par écrit l'acheteur, il l'informe également pour autant qu'il les connaisse, des dangers ou inconvénients importants qui résultent de l'exploitation ..." ;
Considérant que l'article 10 de l'arrêté du préfet de l'Isère du 15 mars 1996 ne fait ainsi qu'appliquer une disposition législative instituant une obligation d'information et n'a ni pour objet, ni pour effet de créer une servitude ; que les consorts Y... ne sont dès lors pas fondés à soutenir que cet article est entaché d'illégalité et à en demander l'annulation ; que leur demande devant le tribunal administratif doit être rejetée ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de rejeter les demandes de M. Z... et des consorts Y... devant le tribunal administratif de GRENOBLE ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :

Considérant que les conclusions de M. Z... ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'il est partie perdante ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions des consorts Y... ;
Article 1er : L'intervention des consorts Y... est admise.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de GRENOBLE du 27 décembre 1996 est annulé.
Article 3 : Les demandes de M. Z... et des consorts Y... devant le tribunal administratif sont rejetées.
Article 4 : Le surplus des conclusions de l'intervention des consorts Y... devant la cour est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de M. Z... et des consorts Y... tendant à l'application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 97LY00469
Date de la décision : 23/06/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

44-02-02 NATURE ET ENVIRONNEMENT - INSTALLATIONS CLASSEES POUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT - REGIME JURIDIQUE


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 77-1133 du 21 septembre 1977 art. 34-1
Loi 76-663 du 19 juillet 1976 art. 1, art. 18, art. 23, art. 8-1
Loi 79-587 du 11 juillet 1979
Loi 92-654 du 13 juillet 1992


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. FONTBONNE
Rapporteur public ?: M. VESLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1998-06-23;97ly00469 ?
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