La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/06/1998 | FRANCE | N°94LY00425

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 04 juin 1998, 94LY00425


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 11 mars 1994, présentée pour la société à responsabilité limitée PROVINCIA, dont le siège est ..., représentée par son gérant en exercice par Me Henri X..., avocat au barreau de MARSEILLE ;
La société à responsabilité limitéee PROVINCIA demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 90-5244 en date du 22 décembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné la chambre de commerce de d'industrie de Marseille à lui payer la somme de 30. 000 francs, somme qu'elle juge insuffisante ;
2 ) d

e condamner la chambre de commerce et d'industrie de Marseille à lui payer la s...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 11 mars 1994, présentée pour la société à responsabilité limitée PROVINCIA, dont le siège est ..., représentée par son gérant en exercice par Me Henri X..., avocat au barreau de MARSEILLE ;
La société à responsabilité limitéee PROVINCIA demande à la Cour :
1 ) de réformer le jugement n 90-5244 en date du 22 décembre 1993 par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné la chambre de commerce de d'industrie de Marseille à lui payer la somme de 30. 000 francs, somme qu'elle juge insuffisante ;
2 ) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Marseille à lui payer la somme de 1. 972. 353 francs en valeur septembre 1988, actualisée au jour du paiement avec intérêts de droit et capitalisation des intérêts ;
3 ) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Marseille à lui payer la somme de 10. 000 francs en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi du 9 avril 1898 modifiée ;
Vu le décret loi du 17 juin 1938 ;
Vu le décret n 91-739 du 18 juillet 1991 ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu les articles 1089 B et 1090 A du code général des impôts et l'article 10 de la loi n 77-1468 du 30 décembre 1977, complétés par l'article 44 de la loi n 93-1352 du 30 décembre 1993 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 mai 1998 :
- le rapport de M. BOURRACHOT, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. BEZARD, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société PROVINCIA avait obtenu, par une convention conclue le 2 août 1984 avec la chambre de commerce et d'industrie de Marseille, une autorisation d'occupation temporaire du domaine public en vue de l'exploitation d'une boutique de produits régionaux dans le hall de l'aéroport de Marseille ; que cette convention, qui venait à expiration le 31 mars 1987, a été exceptionnellement prorogée, une première fois jusqu'au 30 avril pour permettre à la société PROVINCIA de participer à l'adjudication de l'emplacement qu'elle occupait, puis, l'offre de cette société n'ayant pas été retenue, jusqu'au 8 juin pour lui permettre de libérer cet emplacement ; que la société PROVINCIA s'étant maintenue dans les lieux postérieurement à cette date, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille, saisi par la chambre de commerce et d'industrie de Marseille, a ordonné le 1er juillet l'expulsion sous astreinte de la société PROVINCIA ;
Sur l'éviction de la société PROVINCIA :
En ce qui concerne l'exception de chose jugée opposée par la chambre de commerce et d'industrie de Marseille :
Considérant que la décision rendue par le Conseil d'Etat le 28 juillet 1993 sur la première requête de la société à responsabilité limitéee PROVINCIA, laquelle tendait à l'annulation de la décision du 11 mai 1987 par laquelle la chambre de commerce et d'industrie de Marseille a accordé à la société "La Taste" l'autorisation d'occuper une dépendance du domaine de l'aéroport de Marseille-Provence et a rejeté la candidature de la requérante, avait un objet différent de celui des conclusions susvisées qui tendent uniquement à l'allocation d'une indemnité et ne fait pas obstacle à ce que la société à responsabilité limitée PROVINCIA invoque utilement à l'appui desdites conclusions des moyens reposant sur la même cause juridique que ceux écartés par le Conseil d'Etat dans sa décision précitée ; que, dès lors, l'exception de chose jugée opposée par la chambre de commerce et d'industrie de Marseille à la requête de la société à responsabilité limitéee PROVINCIA ne peut être retenue ;
En ce qui concerne le bien-fondé de la demande de la société PROVINCIA :
Considérant qu'en l'absence de clauses contractuelles en stipulant autrement le non renouvellement d'une occupation temporaire du domaine public ne donne pas droit à indemnisation ; que la société PROVINCIA qui a fait valoir que la décision de ne pas renouveler son autorisation d'occupation temporaire constituerait une faute en raison de son caractère brutal, n'invoque aucune stipulation de la convention conclue le 2 août 1984 qui ferait obligation à la chambre de commerce et d'industrie de donner à son cocontractant un préavis avant l'expiration du contrat en l'informant de la décision de ne pas procéder à son renouvellement ; que si la société allègue que des promesses de renouvellement lui auraient été faites, elle n'apporte aucun commencement de preuve à l'appui de ses allégations ;

Considérant que si la chambre de commerce et d'industrie de Marseille ne pouvait légalement procéder d'office à la fermeture de la boutique de la société PROVINCIA le 16 juin 1987 alors que le juge des référés ne s'était pas prononcé sur le bien-fondé de son expulsion du domaine public, le préjudice qui serait né pour elle de la nécessité de procéder au licenciement de sept salariés employés par son commerce et de la perte des denrées périssables qui s'y trouvait, a pour seule cause l'inertie de la requérante qui n'a pas mis à profit les délais dont elle a bénéficié pour évacuer les lieux qu'elle occupait sans titre depuis le 1er avril ;
Sur les dommages causés au matériel de la société PROVINCIA :
Considérant que les préjudices qui seraient nés pour la société PROVINCIA de l'utilisation de la chambre froide de sa boutique par la société "La Taste" et des dégradations causées par cette société ne sont pas imputables à un fait de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille ; que, si elle s'y croit fondée, il appartient à la société PROVINCIA de saisir le juge judiciaire de conclusions dirigées contre la société "la Taste" ;
Sur la mise à disposition du matériel de la société PROVINCIA après son éviction :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que par un accord verbal conclu postérieurement à l'expiration de la convention susmentionnée et à la fermeture de la boutique, la société PROVINCIA s'est engagée à mettre à disposition de la société "La Taste" qui lui a succédé, la structure et le matériel de sa boutique ; qu'en vertu de cet accord, dont l'existence n'est plus sérieusement contestée par la chambre de commerce et d'industrie de Marseille dans le dernier état de ses écritures, un dédommagement devait en contrepartie être versé par la chambre de commerce et d'industrie à la requérante à hauteur de 126. 000 francs ; que, dès lors, la société PROVINCIA est fondée à demander la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille à lui payer la somme de 126. 000 francs ;
Sur la non restitution du matériel de la société à responsabilité limitée PROVINCIA :

Considérant qu'il ressort des termes d'une lettre du 1er mars 1988 que la chambre de commerce et d'industrie de Marseille s'est opposée à la reprise de son matériel en se considérant comme le propriétaire des équipements laissés par la société PROVINCIA à disposition de la société qui lui a succédé ; qu'une telle position, qui ne trouve son fondement dans aucune des stipulations du contrat litigieux et qui n'est d'ailleurs plus défendue en appel, a constitué une faute de nature à engager la responsabilité de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille ; que, toutefois, la société à PROVINCIA n'est pas fondée à demander que lui soient remboursés ses équipements pour leur valeur restant à amortir dès lors qu'il est constant que cette dépossession a seulement revêtu un caractère provisoire et a entraîné un préjudice en partie déjà indemnisé dans les conditions ci-dessus définies par l'accord intervenu entre les parties ; que la société PROVINCIA est seulement fondée à demander la réparation du préjudice né du trouble qu'elle a subi dans ses conditions d'exploitation à compter du 1er mars 1988 dont il sera fait une juste appréciation en le fixant à la somme de 24. 000 francs ;
Sur la compensation :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 9 avril 1898 modifiée relative aux chambres de commerce et d'industrie : "Les chambres de commerce et d'industrie ... sont des établissements publics économiques ... "; qu'aux termes de l'article 2 de la même loi : "Les chambres de commerce et d'industrie sont instituées par décret en Conseil d'Etat ..." ; qu'aux termes de l'article 49 du décret du 18 juillet 1991 relatif aux chambres de commerce et d'industrie : " Les compagnies consulaires mentionnées ci-dessus adoptent un règlement intérieur relatif à leur organisation et à leur fonctionnement, qui fixe, entre autres dispositions : 1 - les conditions de fonctionnement de leurs différentes instances, en particulier l'assemblée générale ... " ; qu'aux termes de l'article IV-3 du titre IV du règlement intérieur de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille : "Le président représente la chambre auprès des pouvoirs publics et dans tous les actes de la vie civile. Il représente la chambre en justice, soit en demandant, soit en défendant ...Toutefois, en ce qui concerne les actes d'acquisition ou de disposition de biens immobiliers et de titres de participation, les actes d'aliénation de biens immobiliers ainsi que les actes d'effet équivalent, il doit, dans tous les cas, être autorisé par l'Assemblée plénière." ;
Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que, si le président d'une chambre de commerce et d'industrie a bien qualité pour la représenter, il ne peut agir en justice sans justifier d'une délibération de l'assemblée générale seule compétente pour les actes de disposition ou les actes d'effet équivalent au nombre desquels figure la décision d'agir en justice ; qu'invité à justifier de sa qualité pour agir par lettre du président de la formation de jugement en date du 1er avril 1998, le signataire de la requête n'a produit aucune délibération ; que, par suite, les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille tendant à ce que les dettes de la société PROVINCIA à son égard soient opposées à la requérante par la voie de la compensation ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société PROVINCIA est fondée à demander la réformation du jugement attaquée et la condamnation de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille à lui verser une somme totale de 150. 000 francs qui ne peut faire l'objet d'une autre actualisation que celle comprise dans le versement d'intérêts ;
Sur les intérêts :
Considérant que la société PROVINCIA a droit aux intérêts sur la somme de 150. 000 francs à compter de la date de réception par la chambre de commerce et d'industrie de Marseille de sa réclamation du 5 août 1988 ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 11 mars 1994; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande qui n'a cependant pas été renouvelée depuis ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Marseille à payer une somme de 5. 000 francs à la société PROVINCIA au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la chambre de commerce et d'industrie de Marseille doivent dès lors être rejetées ;
Article 1er : La somme que la chambre de commerce et d'industrie de Marseille a été condamnée à verser à la société à responsabilité limitéee PROVINCIA par le jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 décembre 1993 est portée de trente mille francs (30. 000 F.) à la somme de cent cinquante mille francs (150. 000 F.). Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la chambre de commerce et d'industrie de Marseille de la réclamation du 5 août 1988. Les intérêts échus le 11 mars 1994 seront capitalisés à cette pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 décembre 1993 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : La chambre de commerce et d'industrie de Marseille est condamnée à payer à la société à responsabilité limitéee PROVINCIA la somme de cinq mille francs (5. 000 F.) en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société à responsabilité limitéee PROVINCIA est rejeté ainsi que l'appel incident de la chambre de commerce et d'industrie de Marseille.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 94LY00425
Date de la décision : 04/06/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - REGIME - OCCUPATION - UTILISATIONS PRIVATIVES DU DOMAINE - CONTRATS ET CONCESSIONS.

DOMAINE - DOMAINE PUBLIC - REGIME - CONTENTIEUX DE LA RESPONSABILITE.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - NOTION DE CONTRAT ADMINISTRATIF - NATURE DU CONTRAT - CONTRATS AYANT UN CARACTERE ADMINISTRATIF - CONTRATS RELATIFS AU DOMAINE PUBLIC.

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - EXECUTION FINANCIERE DU CONTRAT - COMPENSATION.


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 91-739 du 18 juillet 1991 art. 49
Loi du 09 avril 1898 art. 1, art. 2


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. BEZARD

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1998-06-04;94ly00425 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award