Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour les 9 août 1994 et 10 novembre 1994, présentés pour la S.A.R.L. MELODY dont le siège sociale est situé ... à 03000 MOULINS, par Me X..., avocat ;
La S.A.R.L. MELODY demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 7 juin 1994 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge, d'une part, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er juillet 1986 au 30 juin 1987 et, d'autre part, du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1987 dans les rôles de la commune de MOULINS ainsi que des pénalités dont ils ont été assortis et au remboursement des frais exposés ;
2°) de décider qu'il sera sursis à l'exécution du jugement ;
3°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 avril 1996 :
- le rapport de M. MILLET, conseiller ;
- et les conclusions de M.BONNET, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant que, pour contester les redressements de ses recettes et le rejet partiel d'une provision, la société MELODY s'est prévalue devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand de l'insuffisance du taux de remise admis par l'administration et du fait que la totalité des vidéo-cassettes étaient un élément du stock susceptible de faire l'objet d'une provision pour dépréciation ; que le jugement s'est borné, sans examiner la valeur de ces moyens, à déclarer que la société MELODY n'apportait pas la preuve de l'exagération des bases d'imposition ; que ce jugement, insuffisamment motivé, encourt l'annulation en tant qu'il a rejeté le surplus de la demande ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur le surplus de la demande présentée par la société MELODY devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :
En ce qui concerne le caractère probant de la comptabilité et la charge de la preuve :
Considérant qu'aux termes de l'article L.192 du livre des procédures fiscales : "Lorsque l'une des commissions visées à l'article L.59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière, lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge" ;
Considérant qu'il est constant que, pendant la totalité de l'exercice litigieux, les recettes du fonds de commerce de disques, cassettes, vidéo-cassettes, matériel Hi-Fi et accessoires divers que la société MELODY exploitait à Moulins (Allier) étaient enregistrées globalement en fin de journée, sans être appuyées de pièces justifiant leur montant ; que si l'intéressée se prévaut de ce que les dispositions de l'article 286-3° du code général des impôts autorisent la globalisation dans la comptabilité journalière des opérations au comptant d'un montant unitaire inférieur à 500 francs, cette faculté ne la dispensait pas de tenir et conserver un justificatif des opérations ayant concouru à former les sommes ainsi inscrites ; qu'elle ne saurait davantage se prévaloir de ce que la détention d'une caisse enregistreuse ne serait pas obligatoire et de la difficulté de la tenue d'une main courante en période d'affluence ; que, dès lors, et sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la portée des autres anomalies relevées par le vérificateur, c'est à bon droit qu'après avoir écarté la comptabilité comme non probante, l'administration a procédé à la reconstitution de son chiffre d'affaires pour l'activité de vente de disques et de son bénéfice pour l'exercice clos le 30 juin 1987 ; que les impositions résultant de cette reconstitution ayant été établies conformément à l'avis de la commission départementale, il appartient, en conséquence, à la société d'apporter la preuve de leur caractère exagéré ;
En ce qui concerne les redressements issus de la reconstitution du chiffre d'affaires et du bénéfice :
Considérant que, pour soutenir que le pourcentage de remise sur les ventes de disques résultant de la mise en oeuvre de l'avis de la commission départementale s'élèverait à 6,23 %, la société requérante se limite à effectuer la différence entre le coefficient multiplicateur normal de 2, et le coefficient multiplicateur après remise, soit 1,9377 et à considérer cet écart comme un pourcentage ; que, toutefois, un tel calcul est erroné en ce qu'il omet de rapprocher l'écart de 0.0623 point du coefficient avant remise ; que ce rapprochement fait ressortir un taux de remise de 3.115 % identique à celui admis par le service ; que, contrairement à ce que soutient la requérante, la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires n'a pas réduit le redressement sur recettes pour tenir exclusivement compte d'une insuffisance du taux de remise ; qu'ainsi, la société MELODY n'établit pas l'exagération de ce redressement ;
En ce qui concerne la provision pour dépréciation du stock :
Considérant que la société MELODY prétend que la totalité des vidéo-cassettes étaient destinées à la vente après une brève période de location pour certaines d'entre elles, et qu'elle devait les inscrire dans les stocks de l'entreprise ; que, par suite, la provision pour dépréciation des stocks constituée, dont l'administration ne conteste pas le montant, ne pouvait faire l'objet d'une réfaction d'un tiers, à concurrence des cassettes qui auraient dû faire l'objet d'une immobilisation ;
Mais considérant que la société MELODY n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe, que l'activité de location était accessoire et exceptionnelle, et s'exerçait sur une période de temps limitée, en se bornant à invoquer la polyvalence de ces articles, la mise en vente après location, le caractère peu rentable de cette activité et sa cessation ultérieure ; qu'elle ne peut, en outre, se prévaloir d'une décision du tribunal de grande instance de Moulins, statuant en matière de droits d'enregistrement, dont les appréciations n'ont pas l'autorité de la chose jugée en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés et la taxe sur la valeur ajoutée ; que, dès lors, la société MELODY ne justifie pas le bien-fondé de la provision litigieuse ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société MELODY n'est pas fondée à demander la réduction des impositions contestées ;
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 7 juin 1994 est annulé.
Article 2 : Le surplus de la demande présentée devant le tribunal administratif et le surplus des conclusions de la requête de la SARL MELODY sont rejetées.